𝐈| 𝐒𝐞𝐫𝐞𝐧𝐚

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𝚂𝚎𝚛𝚎𝚗𝚊

Assise seule à ma table habituelle à la cafétéria, je lis un livre, essayant de me concentrer malgré les regards curieux et moqueurs des autres élèves qui murmurent à propos de moi. Les murmures et les ricanements résonnent dans l'air comme des bourdonnements désagréables. Les regards en coin et les sourires narquois pèsent sur moi comme une enclume. Je fais semblant de ne pas les entendre, mais au fond de moi, leur médisance suscite une anxiété profonde. Les pages du livre se brouillent sous mes yeux.

Je décide donc d'aller à la bibliothèque, un endroit peu fréquenté, pour échapper aux regards et chercher du silence. En me levant, je sens les regards peser encore plus lourdement sur moi. Je range précipitamment mon livre dans mon sac et me dirige vers la porte, mon cœur battant plus fort à chaque pas.Dans le couloir, les néons diffusent une lumière blafarde et vacillante. Une élève dont je ne connais pas le prénom s'approche de moi, son visage empreint de curiosité mal dissimulée.

- C'est toi, Serena, non ?

- Oui, dis-je en hochant la tête, essayant de masquer ma nervosité.

- D'accord, j'ai une question. C'est vrai que ta mère...

Avant même qu'elle ne finisse sa phrase, je reprends mon chemin. J'en ai marre que d'autres élèves viennent me voir pour vérifier si les rumeurs sur ma mère sont vraies ou non. Les murmures derrière moi s'intensifient, mais je continue d'avancer, fixant le sol.Ma mère est une alcoolique. Les élèves l'ont vue plusieurs fois ivre dans des endroits publics tels que devant la supérette, la boulangerie, et même devant mon lycée. D'autres rumeurs circulent sur le fait qu'elle aurait eu plusieurs relations lorsqu'elle était encore avec mon père. Malheureusement, je voudrais que ces rumeurs soient fausses, car elles ruinent ma réputation dans ce lycée, où je suis déjà peu appréciée par les autres.

Arrivée à la bibliothèque, je pousse la porte en verre, savourant le calme instantané. Les étagères remplies de livres se dressent comme des remparts protecteurs. Je m'assois au fond, dans un coin où personne ne pourrait me voir, puis je reprends ma lecture, espérant trouver un peu de répit.

Après quelques minutes, Brianna, une fille de ma classe, appréciée par tout le monde et qui est jolie, vient m'adresser la parole. Ses cheveux noirs parfaitement coiffés et son sourire éclatant contrastent avec mon état de détresse. Par réflexe, je me lève pour partir précipitamment. Soudain, elle m'attrape par le bras.

- Attends, t'en vas pas, j'ai quelque chose à te dire, réplique-t-elle, son regard sincère et un peu inquiet.

Je ne lui réponds pas, je l'écoute seulement, mon cœur battant la chamade.

- Je sais que les autres n'ont pas été sympas avec toi. Je te vois constamment seule à cause de leurs bêtises.

Son ton est doux, presque apaisant.

Je regarde autour de moi, les rayonnages de livres semblant former une barrière entre nous et le reste du monde.

- Je voudrais plus te connaître, Serena. Ça te dit qu'on se voie plus souvent ?
déclare-t-elle.

J'hésite à croire en sa sincérité et à l'idée qu'elle voudrait vraiment me tenir compagnie, mais j'accepte malgré ma méfiance. Toutes les deux, nous sortons de la bibliothèque et nous dirigeons vers le couloir. On passe une heure à discuter avant que la sonnerie ne retentisse.

C'est une fille intelligente et sympathique, ce qui contraste avec l'image que je me faisais d'elle.Pénétrant dans la salle de classe éclairée par la lumière du soleil, j'entends le brouhaha des élèves déjà assis ou discutant. Lorsque je m'approche de ma place habituelle au fond, Brianna crie mon prénom et me fait signe de la rejoindre. Sa voix résonne dans toute la classe et attire les regards curieux de ses amies et des autres élèves. J'avance donc vers elle malgré ma nervosité et les regards pesant sur moi. Je m'installe avec eux, baissant la tête en fixant le sol. Je reste silencieuse tout au long de leurs conversations. Je voudrais tellement retourner à ma place ; je me sens mal à l'aise avec les copines de Brianna.Subitement, j'entends mon prénom venant de Tiffany, ses cheveux blonds et bouclés, parfaitement coiffés, et ses yeux verts menaçants.

-Serena,pourquoi tu es si étrange comme ça ? Ça m'intrigue. Dit-elle. Ajoutant un sourire au coin.

Moi-même je ne sais pas pourquoi suis-je comme ça, une fille toute fragile et craintive qui ne sait pas s'exprimer correctement avec les autres.

-Tiffany , commence pas.
chuchote-t-elle, Brianna.

-Mais, je lui pose seulement une question, ça va ,réponds-t-elle.

- Tu ne sais plus parler Serena ? exprime Tiffany.

- Si.Dis-je avec embarras.

Le professeur de français arrive enfin. Nous reprenons nos places habituelles et commençons le cours. Après deux heures de français, la sonnerie annonce la fin du cours. Je sors précipitamment et me dirige vers les toilettes, un endroit silencieux mais souvent fréquenté par les filles. Je me lave le visage avec l'eau glacée du robinet quand soudain j'entends un groupe de filles approcher. Par réflexe, je me cache dans l'une des cabines. Leurs voix me semblent familières, et plus j'écoute, plus je reconnais celles de Brianna et Tiffany :

- Brianna, pourquoi as-tu parler à Serena ? J'espère qu'elle ne sera pas souvent avec nous.

- Ne t'inquiète pas, je lui parle juste par politesse, pour mon image. Je ne vais quand même pas être souvent avec elle, ce serait un cauchemar sinon.

- Heureusement, elle est tellement bizarre cette fille, elle ne sait même pas s'exprimer. ricane Tiffany.

- Et sa mère, n'en parlons pas, une vraie pourriture comme sa fille. Tu savais qu'elle a agressé mon frère devant la supérette une fois ?

- Sérieusement ? Mais elle est folle.

Elles sortent enfin des toilettes en riant. J'aurais dû me méfier de leur fausse sincérité. Je me sens extrêmement mal par rapport aux paroles de Brianna. Je veux juste me faire une nouvelle amie ici, mais je me suis trompée.À la fin des cours, je rate mon dernier bus et plus aucun bus ne vient avant 18 heures. Je décide donc de prendre un taxi. Arrivée devant chez moi avec déception, je paie 20 dollars.

En entrant discrètement, je vois des tas de cartons déjà emballés. La maison est vide, il n'y a plus rien. Je cherche mon père partout en criant, et il me répond :

- Ah, Serena, tu es enfin là ! dit-il avec enthousiasme.

- Oui, mais pourquoi emballer nos affaires ?

- Nous allons déménager ! Je vais ouvrir mon tout premier restaurant là-bas.

- Sérieux ? On va déménager, tu ne m'as jamais rien dit.

- Oui, désolé, je voulais te faire une surprise. Prépare tes affaires, on y va dès maintenant.

- Déjà ? D'accord, j'arrive, je te rejoins dans la voiture.

Je vais enfin changer de lycée et retrouver mon rôle habituel : la fille discrète au fond de la classe, prenant des notes. Gravissant les larges escaliers de notre vieille maison, chargée de cartons remplis de souvenirs, je me dirigeais vers ma chambre, remplie d'anticipation pour cette nouvelle étape de ma vie. Les murs nus et les placards vides témoignent de notre départ imminent.Je prends tout ce dont j'ai besoin pour le long trajet en voiture qui m'attend : une boîte contenant mes livres préférés, un sac avec mes vêtements préférés soigneusement pliés, et mon carnet de croquis, toujours à portée de main pour capturer de nouvelles inspirations.

Après avoir fini de rassembler mes affaires, je rejoins mon père à l'extérieur.Il est en train de ranger quelques cartons dans le coffre déjà plein, tandis que d'autres sont posés sur les sièges arrière de la voiture. Les derniers articles sont soigneusement empilés dans le camion de déménagement stationné à côté de notre entrée. Son visage reflète à la fois l'excitation et la nostalgie alors que nous nous apprêtons à quitter cette maison qui a été notre foyer pendant tant d'années.Je suis impatiente de tout recommencer à zéro, de fuir ce lycée maudit avec ses rumeurs stupides et le harcèlement que j'ai subi. L'idée de découvrir une nouvelle ville et de rencontrer de nouvelles personnes me remplit à la fois d'excitation et d'appréhension.

Je me demande comment sont les gens de cette petite ville, surtout les élèves de mon futur lycée. Malgré tout, une pointe de peur persiste : celle de me faire harceler à nouveau, une peur que je tente de repousser à chaque pensée positive sur cette nouvelle étape de ma vie.

𝐆𝐇𝐎𝐒𝐓𝐄𝐃Où les histoires vivent. Découvrez maintenant