Noah avait parfois du mal à respirer. L'épuisement général et les crises d'angoisse qu'il subissait lorsque son agresseur le pénétrait lui donnaient le tournis à cause de l'asphyxie. Quand cela arrivait, l'homme plaçait sa main devant sa bouche pour l'aider à maintenir sa respiration. Parfois, Noah parvenait à se convaincre qu'il réussissait à communiquer avec son tortionnaire. Bien que les assauts sexuels n'aient pas diminué avec le temps, malgré ses nombreuses pertes de conscience, et que l'homme semblait infatigable après deux jours consécutifs de sueur et autres fluides corporels, Noah parvint à lui faire comprendre que lui serrer les poignets trop fort lui causait une douleur insupportable ou que mettre tout son poids sur lui l'étouffait. Ainsi, il rendit ces assauts quotidiens et perpétuels un peu plus supportables.
Cependant, sa situation précaire ne lui permettait pas d'éprouver de l'empathie pour cet homme. Bien qu'il soit dans un état second, Noah ne pouvait séparer la douleur répétée qu'il subissait de l'homme qui la lui infligeait. Peu importait que cet homme soit sain d'esprit ou non. Même si la balance penchait plus pour la deuxième hypothèse, car Noah n'avait entendu de lui que des grognements et des gémissements. Ces derniers lui donnaient des frissons de dégoût qui traversaient tout son corps et laissaient un arrière-goût amer dans sa bouche.
Noah était bien conscient d'une chose : pour supporter tout cela, il avait dû se créer une « routine ». Mais plus longtemps il endurerait cela, plus il se briserait. C'était inévitable. Et il n'avait aucune idée de ses limites. Peut-être pouvait-il agir autrement. Prendre le dessus. Cependant, il était devenu clair qu'il ne pourrait pas surpasser son assaillant physiquement. Comment alors ? Soudain, une idée lui vint. L'autre bougeait maladroitement les hanches, provoquant des spasmes douloureux dans le corps de Noah à chaque pénétration. Son agresseur se tortillait depuis quelques secondes comme un vermisseau qui ne savait pas quoi faire de son corps. Il poussa ensuite un gémissement d'extase lorsqu'il se déversa pour la énième fois dans son intimité.
Ils se trouvaient dans la salle de bain, une pièce que Noah découvrit après environ dix heures de détention, au moment où l'inconnu se leva pour la première fois du lit et se dirigea vers le mur d'en face. Il appuya sa main contre le mur et celui-ci pivota pour laisser place à une nouvelle pièce. Noah avait alors tenté quelques heures plus tard de se barricader dans cette salle d'eau, mais l'autre ne tarda pas à défoncer complètement la porte, si bien qu'elle ne tenait même plus debout. Il avait ensuite profité de lui à même le sol, puis sous la douche, et contre à peu près toutes les surfaces que l'on pouvait trouver ici. La salle de bain possédait aussi une fenêtre avec des stores baissés donnant directement sur un couloir lumineux, permettant à Noah de se repérer un minimum dans l'espace. Mais c'est aussi ce qui permettait à l'homme de ne pas lui échapper.
L'inconnu s'apprêtait à repartir de plus belle quand Noah le stoppa dans son élan en posant sa main sur son pectoral.
— Attends.
Ce scénario s'était déjà déroulé plusieurs fois : Noah le repoussant, l'autre le forçant, dicté par on ne sait quel instinct bestial. L'homme montra les crocs avec un grognement intimidant, prêt à mordre. Noah eut un sursaut de recul, repensant aux nombreuses traces de dents qu'il avait sur le corps suite à ce genre d'échange. Il tint bon tout de même.
— J'ai compris, j'ai compris. Je ne te repousse pas, dit-il en caressant doucement la nuque de l'autre homme, comme sa mère le faisait lorsqu'il était enfant pour le réconforter.
L'effet ne semblait pas aussi efficace car après un court instant d'incompréhension, le jeune homme repartit de plus belle dans ses grognements menaçants. Peut-être était-ce le moment de laisser tomber... Non. Il irait jusqu'au bout de son entreprise. Avec une grande difficulté (son esprit n'était pas tout à fait prêt à faire ce qu'il allait faire, et son corps rejetait tout simplement l'idée), il se pencha, la bile lui remontant dans la gorge, il la força à redescendre et se mit à lécher les canines acérées de l'homme. Celui-ci se figea quelques instants, surpris, choqué, peu importe. Noah en profita pour se décaler le plus doucement possible avant de pointer sa propre bouche en exemple.
— Il faut que tu ouvres la bouche.
Il ne réagissait pas. Noah se dit que c'en était fini, jusqu'au moment où il vit la mâchoire du jeune homme se détendre avant qu'il n'entre-ouvre la bouche. Noah en profita pour caresser de nouveau la nuque de l'inconnu avant de se pencher à nouveau vers lui avec le plus de douceur possible. Alors qu'il se trouvait à quelques centimètres de ses lèvres, l'homme parut changer d'avis et grogna à nouveau pour qu'il recule.
— Chuut, ça va aller, susurra-t-il à son assaillant.
Noah déposa d'abord délicatement ses lèvres sur son front, puis sur ses joues. Erreur à celui qui penserait qu'il s'agissait de tendresse soudaine pour son violeur. Ses mouvements étaient chacun plus lents que les précédents car à chaque seconde, son corps rejetait un peu plus ses actions. Il continua en posant ses lèvres sur son nez, puis plaça délicatement son pouce sur les lèvres de l'autre homme tout en gardant un regard perpétuel sur celles-ci. C'était maintenant ou jamais. Ça passe ou ça casse. La bête entre-ouvrit de nouveau les lèvres, laissant libre accès à Noah de venir y poser les siennes et ils échangèrent un baiser doux, puis très rapidement fougueux. L'important étant qu'à ce moment, c'est Noah qui avait le contrôle.
L'exercice se reproduisit plusieurs fois. L'homme semblait avoir grandement apprécié ce baiser et tentait à chaque instant de retrouver cet échange. Mais à chaque fois, c'était Noah qui décidait.
« Si tu agis comme une bête, tu seras dressé comme une bête. »
Bien sûr, cela n'arrangeait pas sa situation. Il était toujours piégé ici. L'autre continuait ses assauts comme un chien fou, et ne parvenait pas à reprendre la raison. Cependant, il lui arrivait parfois de pousser des grognements qui ressemblaient à des mots. Une fois, Noah crut presque entendre le mot « non » alors que l'homme enroulait son bras autour de sa taille pour le ramener sur le lit quand Noah avait essayé d'aller aux toilettes. Il avait aussi remarqué que le repas était amené régulièrement trois fois par jour. Seulement, à chaque fois il se trouvait inconscient suite aux efforts quotidiens qu'il subissait. Au bout de trois jours, il comprit que les repas arrivaient entre 8h et 9h le matin, entre 12h et 13h le midi et entre 20h et 21h le soir. Dans le premier cas comme dans le second, Noah était inconscient ou trop faible pour bouger ou même parler. L'autre avait d'ailleurs pris l'habitude de lui faire boire au bouche à bouche deux verres d'eau chaque midi. Le dit verre provenant du plateau repas et l'eau, du lavabo de la salle de bain. Bien que Noah essayait de lui faire comprendre qu'il pouvait parfaitement boire tout seul avec des signes, l'homme s'obstinait à vouloir le faire de cette manière peu pratique et psychiquement difficile pour Noah, qui voulait limiter au maximum son interaction avec lui.
Quant au soir, souvent Noah avait été trop épuisé pour veiller jusqu'au moment où on lui apportait le repas. Enfin, le plateau n'était toujours servi que pour une personne et plus le temps passait, plus Noah soupçonnait que ça ne lui était pas destiné. Ce qui le poussa à se demander : pourquoi nourrir l'un et vouloir affamer l'autre ? Créer la discorde ? Ou bien pour une raison bien plus sombre...
Hélas, cette seconde hypothèse se confirma lorsque Noah parvint enfin à veiller suffisamment longtemps pour voir le repas être servi. Mais entre-temps, un plan s'était peu à peu mis en place dans son esprit.
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Not an Omega (FR)
RomanceSanté et pauvreté ne font pas bon ménage. C'est cette même constatation que la CAH (Compagnie Accompagnatrice Humanitaire) a retranscrite à l'international, deux ans avant que la Terre ne perde la moitié de sa population. Encore aujourd'hui, les cau...