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-C'est lui. Tous ces gens que vous amenez ici, c'est pour lui, en fait. murmura-t-il, croyant à peine aux paroles qu'il prononçait.


Le sourire de l'homme s'élargit.

-On dirait qu'il te reste un peu de jugeote finalement.

Noah ne comprenait pas.

-Mais pourquoi ? Qui est-il ? Qu'est-ce qu'il est ?

L'autre prit une grande inspiration et soupira.

-Pour l'instant, rien. Un échec parmi les échecs.

Après avoir parcouru du regard le long couloir avec un air lassé, ses yeux se posèrent de nouveau sur Noah.

-Cela dit, si tu es toujours là, ça change peut-être la donne.

Un frisson parcourut la nuque de Noah. Il chercha une porte de sortie malgré tout.

-Mais, il ne tue pas, il... Il a...

-Des pulsions sexuelles violentes ?

Noah ne répondit pas. Une ombre se plaçait au-dessus de sa tête. Non. Il ne pouvait pas se permettre d'y penser maintenant. Ça deviendrait trop... réel. Son esprit ne pouvait pas affronter ça maintenant. Il se reprit.

-Mais ça n'explique pas pourquoi vous les tuez après coup !

Le gorille se gratta la tête avant de reprendre.

-Écoute mon grand, je ne vais pas me fatiguer à t'expliquer qu'on en fait pas ça dans le métier parce que c'est complètement faux. Et je ne pense pas que tu sois un imbécile.

Cette fois-ci, le regard cynique et le sourire malsain avaient laissé place à un visage presque totalement neutre, si ce n'était pour cette ombre d'épuisement qui voilait le visage de l'homme. Malgré sa peur grandissante face à la confirmation qu'il ne sortirait probablement pas d'ici vivant, Noah fit l'effort d'écouter en silence.

-Mais si tu avais pu voir ces gens comme moi je les ai vus. Ni moi, ni mes gars n'avons fait ça. Ça revient carrément à du carnage pour la plupart d'entre eux.

-Vous mentez, rétorqua-t-il, soudain envahi d'un mauvais pressentiment.

-Tu te répètes.

-Vous allez me dire que vous n'avez rien à voir avec l'empilement de corps qui se trouverait dans la pièce là-bas ? D'ailleurs, qui me dit que vous ne mentez pas sur le compte de cette pièce ?

L'homme parut se brusquer.

-Écoute, voilà le topo. Depuis des mois, mes gars et moi-même sommes chargés de ramener des gens ici et de les balancer dans cette pièce. Au départ, on devait ramener de belles femmes, puis juste des femmes, et enfin les critères se sont élargis jusqu'à arriver à toi. Tu veux tout savoir ? Ce qui se passe, c'est que ton copain de cellule a complètement perdu la tête. Chaque jour ou presque, on lui ramène des gens, et ce maboule leur saute à la gorge et les déchiquette comme de vulgaires bouts de viande. Au départ, c'est purement sexuel, mais au bout de quelques minutes, il pète un plomb et les supprime les uns après les autres comme une bête féroce. On revient quelques jours après et on récupère les restes, puis on nettoie au mieux pendant qu'il est HS.

Noah tremblait. Il pouvait sentir le mouvement qu'il y avait dans la pièce, il était presque certain d'entendre la respiration de l'autre se faire de plus en plus impatiente.

-Pourquoi vous me racontez tout ça ?

L'homme reprit son expression impassible avant de déclarer :

-Parce que ça ne change rien, tu as peut-être tenu plus longtemps, mais tu vas bientôt finir comme eux.

Suite à ça, il lâcha sa prise brusquement, ce qui eut pour effet de pousser Noah à un nouveau cri de douleur avant que celui-ci ne soit remplacé par l'effroi lorsqu'il sentit une main attraper sa cheville de l'autre côté.

-NON !! Aidez-moi ! À l'aide !

L'homme le regarda froidement tandis qu'il se faisait tirer vers le centre de la pièce. Ses hurlements et ses supplications n'y changèrent rien. Lorsque plus aucune partie de son corps ne dépassa de la trappe, le gorille en profita pour sceller celle-ci et partir. Noah se retrouva seul, face à la bête.

Celle-ci s'approcha lentement avec un léger grognement. Ses yeux félins le fixaient avec une soif de chair qui le pétrifiait. Lorsque celle-ci fut assez près pour lui arracher la jugulaire d'un coup de dents, Noah poussa un cri d'effroi tout en frappant à l'aveugle. Jusqu'ici, il n'avait pas vraiment réalisé le danger dans lequel il se trouvait, son cerveau avait tellement fait barrage qu'il n'avait même pas imaginé réellement qu'il pouvait mourir. Mais à présent, toutes les vannes étaient ouvertes. Ses cris devaient se faire entendre dans les étages supérieurs. Il hurlait à pleins poumons. Son effroi lui faisait faire n'importe quoi. Il bougeait dans tous les sens pour éviter que l'inconnu qui tuait et déchiquetait ses victimes ne le touche. Il lui assena coups de poings, coups de pieds, plus rien n'était calculé. Mais la bête avançait. Et si cette personne avait été humaine auparavant, il était clair que ça n'était plus le cas depuis longtemps. Noah perdait de son souffle, il sentait le sang battre contre sa tempe. Il allait mourir ici. Cet homme allait le tuer. Ses cris ne faiblirent à aucun moment tandis qu'il pleurait à chaudes larmes et qu'il tremblait de tout son corps. Parfois, il répétait instinctivement quelques mots comme : « Non », « pitié », « laisse-moi », « pitié, ne me fais pas de mal », « non, non ». Mais à quoi cela rimait-il ? Il n'y avait pas de marchandage, pas de conversation. Juste une force surhumaine qui avait déjà massacré des innocents dans un élan de violence inouïe, et lui qui avait survécu jusqu'ici, mais à quel prix ? En quoi cela changeait-il quoi que ce soit ?

La bête attrapa son poignet. Ça y est. C'était la fin.

-...N-on...

Il se figea, n'osant pas regarder. Il ne pouvait pas affronter la mort en face. Sa main se déplaça contre son gré, dictée par le mouvement de celle qui enserrait son poignet, elle tendait vers quelque chose.

Il se prépara à un impact, une douleur lancinante, un craquement. Il s'attendait à sentir chacun de ses os se faire broyer, à sentir chacun de ses muscles se faire déchirer. Ses pleurs, remplis d'effroi, ne stoppèrent pas. Ses tentatives de résistance n'étaient pas assez fortes contre le mouvement qui le tirait. Soudain, il entra en contact avec une surface chaude et humide. Mais il était beaucoup trop terrifié pour y accorder la moindre importance. Ses sanglots couvraient le silence ambiant.

-...-P-pas...mal....

C'est tremblant de tout son être qu'il arriva, après quelques secondes sans que rien ne se passe, à relever la tête. Son regard affolé se posa tout d'abord sur la chose qui se trouvait à l'extrémité de sa main. Il s'affola de plus belle quand il découvrit qu'il s'agissait de la joue parsemée de larmes de l'homme qu'il touchait. Ce dernier posa son autre main par-dessus la sienne et y colla plus encore son visage.

-...M-mal....n-no.. n....pas....

Noah resta figé. Un froid glacial venait du plus profond de son être et s'était emparé de tout son corps. La peur avait été remplacée par une émotion plus puissante encore : la haine. Un sentiment qui vous gelait de l'intérieur. Il n'était plus qu'un concentré de haine sombre.

-Tu es un monstre.

L'homme se figea lui aussi. Son regard vacilla et quelque chose en lui se brisa. Bien.

-....M-mon...stre... ?

-Un monstre. Une anomalie de la pire espèce. Le seul bienfait que tu pourrais apporter à ce monde, c'est de disparaître.

Les mots fusaient avec une telle facilité. Il en était presque fier.

Not an Omega (FR)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant