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     Aussi loin qu'elle s'en souvienne, Fanny a toujours été une petite fille capricieuse. Elle n'avait pas connu son père, mort alors qu'elle n'était encore qu'un nourrisson. Pourtant elle avait besoin de lui, de cet appui, pour accepter trop de choses, pour recevoir cet amour perdu. Elle l'avait vu en photo, une fois, alors que sa mère feuilletait d'un air rêveur un étrange album entre ses mains. C'est de lui qu'elle tient ces cheveux étrangement oranges. Quand elle l'avait vu, elle l'avait trouvé laid.

Il serait bien mieux avec des cheveux comme maman, marron est une plus jolie couleur.

En réalité, Fanny se trouvait également horriblement moche. Afin de dissimuler ce complexe et de garder la tête haute devant le reste du monde, elle avait rejeté toute responsabilité sur son père. C'est de sa faute, après tout... Fanny a toujours été dure avec les autres, mais surtout avec elle-même, c'est cette insécurité qui la rendait ainsi. Un après-midi, Fanny finit par comprendre malgré elle que sa mère était innée d'une fragilité physique.

C'est à moi de veiller sur maman, je n'en ai que faire des autres.

Les moments qu'elle adorait avec cette dernière, et où l'air avait une jolie odeur de feuille mouillée, assises sur le tapis du salon éclairée par le doux soleil. Une main, blanche comme neige, se mouvait dans ses mèches aux couleurs rayonnant à la lumière. Cet air que chantait l'atmosphère était apaisant créant de magnifiques sourires, Fanny l'adorait, tout contre sa mère, ses caresses la rassurait. Dans ces moments de paix, tous les malheurs du monde semblaient bien plus loin, ils semblaient ne jamais revenir.

- Alors la sorcière, ça roule ?!

Les épaules levées et la tête baissée, elle essayait d'ignorer son voisin, cette fois, elle allait marcher jusqu'à l'école sans se battre. Sa mère a eu moult problèmes à cause de l'histoire d'hier, où le frère de ce même garçon, celui la traitant de sorcière, l'avait provoquée suite à quoi elle lui avait cassé le nez. La jeune fille se demande s'il va bien, mais elle chasse très vite cette pensée, il n'avait pas le droit qu'on s'inquiète pour lui. Juste parce qu'elle était rousse, on l'a comparée à une sorcière, ce n'était plus drôle et la rousse se passerait volontiers de ces gens-là.
Alors qu'elle marchait en essayant d'apaiser son cœur brûlant de colère, le garçon continuait de la provoquer en prenant le même chemin qu'elle.

Pitié, pourquoi il se retrouve dans la même école que moi, celui-là ?!

Fanny grogna avant de se retourner brutalement, le garçon faillit se cogner contre cette dernière s'il ne s'était pas arrêté in extremis.

- Wah, j'allais tomber !

- Arrête de m'embêter ou je te casse le nez comme ton frère !

- C'est moi qui vais te taper, sale sorcière !

La sorcière c'est ta mère pauvre tâche.

À ce moment-là, Fanny se devait de faire quelque chose, son honneur continuait d'être sali et elle ne supportait pas du tout cela. Elle serra les poings, le plus fortement possible, et lui cracha à la figure. Elle avait rassemblé assez de salive dans sa bouche pour que cette dernière coule jusqu'à son cou. Le garçon cria de toutes ses forces, en se lavant précipitamment le visage avec les manches de son pull, paniqué il hurla ces mots :

- C'est entré dans ma bouche, c'est entré dans ma bouche, aaaah !

Sans pouvoir s'en empêcher, Fanny lâcha un petit rictus, amusée de le voir dans cet état.

Ça lui apprendra.

Mais alors que le garçon continuait de se plaindre en criant, les regards se posèrent sur elle. Ils étaient lourds de sens, certains se murmuraient des choses inavouables, d'autres semblaient avoir honte de cette enfant qui n'était même pas la leur. Fanny se mit à rougir, baissa la tête, et avec des petits pas continua son chemin pour l'école. Dans ce quartier pauvre d'Angleterre, tout le monde la connaissait, non seulement elle ne passait pas inaperçue, à cause de son apparence et de son fâcheux caractère, mais tout le monde semblait connaître son histoire. Histoire qu'elle-même ne connaissait pas, ce qui la rendait dingue. Ce qu'elle sait, c'est qu'ils la détestent, mais elle ne se rendrait jamais parfaite pour eux. Tout ce qu'elle souhaite, c'est de rendre fière sa mère, Fanny veut être félicitée par elle, et seulement par elle.

LA ROUSSE AUX YEUX VERTSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant