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     Fanny poussa la porte d'entrée avec entrain, cette dernière, ancienne et en bois, claqua à en faire trembler toute la maison. Marine qui avait bu jusqu'à très tard pour noyer sa peine, avait l'ouïe très fine et n'avait pas manqué de pester :

- Sale garce.

- Elle est encore partie, je me demande ce qui l'invite à sortir d'ici aussitôt et avec autant d'enthousiasme. s'interrogeait Alex, sceptique. Tu en penses quoi Marine ?

Ils étaient seuls dans le petit salon, assis là sur le canapé en cuivre face à la cheminée, il est vrai que l'hiver a ouvert ses portes au vent glacial, et peut-être même à la neige. Rien de mieux que de se réchauffer à deux près du feu.

- Ce que j'en pense ? Et bien j'en pense que tu devrais ficher la paix à cette insolente ! Non mais... Elle enfonça sa tête dans l'oreiller pour étouffer le chant du barge rousse qui s'était manifesté près du bocal d'eau qu'avait déposé Fanny la veille.

- Et bien, j'ai tout de même tué son père... et il se murmura de manière étrange en fixant plus longuement les flammes avaler insensiblement les bouts de bois dans un crépitement sourd : et puis, j'ai toujours rêvé d'avoir une fille.

Cet enthousiasme n'était point anodin, Fanny avait pour objectif de rassembler assez d'argent pour quitter la ville de sa naissance et de sa famille folle à lier. Seulement, avec le temps elle avait compris qu'un diplôme lui était requis pour lui faciliter la tâche et d'obtenir, peut être, un travail stable dans cette nouvelle vie rêvée. Chaque jour, elle se levait tôt pour distribuer le journal puis tondre la pelouse de la vieille voisine d'à côté. Ensuite, elle rentrait chez-elle pour se nettoyer de la sueur accumulée, et enfin, elle allait en cours dans un lycée qui pourrait presque tomber en ruine.
À chaque pas, le bois grinçait, la sonnerie avait un son aigu coupé par moment pour continuer de s'émettre dans tout l'établissement. Et surtout, il manquait du personnels, si un élève avait eu le malheur de vomir quelque part, il fallait bien attendre des semaines pour que la tâche disparaisse, ou qu'elle pourrisse dans son coin, devenant pour tous le nouvel endroit maudit. Ce même établissement avait eu en son temps une réputation assez stable, malheureusement, on l'a accablé de mauvaises rumeurs et s'en est suivi des tas de démissions et les parents finirent par retirer leurs enfants. Le seul point positif qu'il lui restait encore, c'est ce diplôme toujours valide et le peu de coût qu'il requiert pour l'inscription ainsi que pour les fournitures.

- C'est trop long, si ça continue comme ça, j'atteindrai jamais mon objectif à temps. se murmura Fanny à elle-même dans un coin reculé de la cour.

Elle n'avait pas d'amis, tous ses camarades étaient effrayés par elle. Pourquoi ? Désormais Fanny ne se posait plus la question, elle s'était détachée de toutes formes de non-réussites. Elle se rassurait en se disant que ces mauvaises personnes ne feraient que la freiner. Le seul qui ne l'évitait pas à longueur de temps et qui ne semblait pas effrayé ou dégoûté par sa présence est monsieur Smith. C'était son voisin d'en face, un vieil homme aveugle et aux mèches grisâtres, il vivait avec son chien qui l'aidait de temps à autre. Fanny l'aimait beaucoup, quand elle commençait à aller au collège à l'époque, elle avait fait plusieurs caprices, et un jour elle s'était retrouvée à la rue complètement désœuvrée, elle se sentait triste, perdue. C'est alors que le chien du bon voisin était venu jouer avec elle, la petite rousse avait vite retrouvé son sourire angélique ainsi que son rire contagieux. Mais après un certain temps, elle s'était résignée à le ramener à son propriétaire. À ce moment-là, Fanny s'attendait à ce que ce monsieur la gronde ou la juge du regard, mais non, il avait sourit modestement en la remerciant de lui avoir ramené Haï sans lui avoir fait de mal. Pour la première fois, on lui était reconnaissante d'exister, Fanny se sentit tout de suite plus à l'aise.

LA ROUSSE AUX YEUX VERTSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant