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La vie est souvent remplie d'obstacles, et comme une partie de Monopoly, on se voit souvent atterrir à la case départ. Seule différence avec les jeux, la réalité, elle, est totalement capable de nous retirer tous nos gains, pour qu'ils brûlent dans le feu de la cheminée par exemple.

- Mais qu'est-ce que tu as fait ?!

La voix de Fanny transperça les murs de la maisonnette. Marine, en face du grand feu, ne semblait point comprendre alors que l'obscurité de la nuit laissa la lumière du feu décorer son visage outré de couleur rouge.

- Qu'est-ce que tu as fait de mes économies ?!

Les sourcils roux de Marine se rencontrèrent presque dans une fâcheuse grimace, elle se leva et s'essuya les mains sur son vieux tablier gris cendré. Décidément, elle s'était décidée à faire la sourde oreille face à sa nièce à l'air totalement affolée.

- Il n'y avait plus de bois, répondit-elle sèchement, il fallait alimenter le feu, le mois de décembre est le plus dur de l'année, tu le sais bien.

Et c'est comme si Fanny avait avalé le feu entier, la chaleur lui brûla les ganglions. Ainsi les larmes dévalèrent, sans qu'elle ne puisse rien faire pour les arrêter, ses joues constellées de tâches de rousseur. Elle s'avança d'un pas, totalement tremblante. Tendit la main, espérant peut-être rattraper ce qu'il restait de son argent, parti en poussière.

- j'avais travaillé dur pour me les procurer. Fermement elle serra les poings.

- Ah bon ? Et qu'aurais-tu bien pu faire avec ? Ses mains sur les hanches, la tante baissa la tête, se moquant bien de son interlocutrice.

- Partir d'ici à jamais. La rousse leva la tête, toujours larmoyante mais décidée à se montrer forte.

- Que c'est dommage, ce n'est plus possible. Son rire strident et insolent, perça les tympans de Fanny.

Elle tomba des nues, et elle explosa, le feu qu'elle contenait au fond d'elle depuis l'enfance, se libéra, se déchaîna en mille éclats. Elle se revoyait pousser ce chariot pour l'emmener au magasin de monsieur Garry, écopant ainsi d'un mal de dos atroce qui l'avait suivie durant des semaines. Elle se revoyait tondre la pelouse de madame Lisa, sa vieille voisine, et de s'être infectée avec l'une de ses plantes, infection qu'elle avait dû guérir d'elle-même sans l'aide de quiconque. Elle revoyait le travail de toute sa vie, tout, brûler dans le feu qui était censé la réchauffer dans les soirées glacées. Puis, elle était là, à étrangler d'une main le cou de sa tante. Puis, une autre qui lui était familière, la repoussant vers l'arrière, ensuite son oncle Alex qui agitait les épaules de sa femme pour la réveiller.

Arrête ton hypocrisie, tu ne l'as jamais aimée. Personne ne l'a jamais aimée.

Et elle se débattait pour s'arracher de ces mains qui lui tenaient fermement les bras et commençaient à brûler sa peau, sa voix se cassant à mesure qu'elle hurlait sa haine.

- Et bien, on dirait que la rousse à révéler sa vraie nature. Ria pitoyablement Tyron, auprès du reste de sa pitoyable famille.

Isolée dans sa chambre, elle les entendait se moquer alors que sa tante avait repris conscience. Elle constata les dégâts, des bleus jonchaient ses avants bras et son visage était brûlant à cause de toutes ces émotions qui l'avaient envahie en à peine quelques minutes. Elle se trouvait laide et ainsi la colère laissa place à la honte. La voilà qui perdait tout, comme si elle n'avait pas déjà tout perdu, la voilà seule, sans personne à ses côtés et la voilà dans sa vraie nature de malheureuse orpheline.

Ann, Jassie... pourquoi vous êtes parties, je n'ai pas été assez forte pour vous protéger, c'est ça ?

LA ROUSSE AUX YEUX VERTSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant