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Un jour, quand je serai grande, je partirai d'ici, et je vivrai la vie que je voudrai !

La petite fille au coin de la cheminée montrait une fâcheuse expression, précédemment elle s'était disputée avec Marine pour une simple histoire de bonbons. Peu après le décès de sa mère, Fanny n'a pas eu d'autre choix que de loger chez sa tante. En visitant les lieux pour la première fois, la petite rousse avait pressenti quelque chose de mauvais, une mauvaise énergie circulait dans toute la maison, c'était compliqué à ignorer et c'est ce qui aidait grandement à sa mauvaise humeur constante.

- Fanny ! Ne reste pas là sans rien faire, sort jouer dehors ! avait ordonné son oncle, Alex, d'un ton rieur.

A vrai dire, Fanny ne l'aimait pas non plus, cet homme blond aux grandes cernes. Chose étrange, car il affichait constamment un grand sourire au contraire de l'aigreur sans nom de Marine qui trouvait toujours quelque chose à lui reprocher. L'enfant rouspéta en posant ses poings sur ses hanches :

- Je n'en ai pas envie, Marine m'a contrariée.

Alex affichait une expression surprise suite aux dires de la petite fille, comme s'il n'en savait rien. Fanny savait qu'il faisait semblant, il avait tout entendu, ce manque d'honnêteté de la part de son oncle augmenta sa colère d'un cran ; qu'ils étaient tous insupportables !

- J'en suis désolé, est-ce que tu veux en parler ? Son sourire bien trop vicieux la fit frissonner.

- Non ! s'écria-t-elle soudainement en se levant d'un coup sec. Fichez-moi la paix !

Et elle partit se réfugier dans la cave, là où personne ne viendra l'embêter, là où personne ne lui dictera ce qui est à faire. Quand Fanny avait visité la maison, elle lui avait semblé beaucoup trop petite comparée à celle où elle logeait avant. Mais ce n'était pas ça qui la repoussait de ce nouveau domicile, c'était l'entretien, tout était sale, poisseux. Le sol en bois grinçait à chaque pas, minime soit-il, les murs étaient dépeints, ordures et objets incongrus traînaient sur le parterre, et n'en parlant même pas de ceux qui habitaient les lieux. Surtout ses cousins, ils sont au nombre de trois, avec la même touffe de cheveux, la même que la sienne mais en beaucoup plus court. Ils étaient constamment insupportables avec elle. L'ainé s'amusait à l'ignorer, le second à lui piquer ses repas - le peux qu'ils pouvaient s'offrir - et le cadet était semblable à son père. Mais Fanny l'aimait bien lui, juste un peu, il semblait toujours triste et perdu, mais ce qui insupportait l'enfant c'était cette manie de suivre ses aînés et de tout faire pour leur plaire. Elle croyait qu'elle avait le pouvoir de le sauver, alors un jour elle s'était approchée de lui alors qu'il était encore seul.

- Arrête de les suivre, ils se payent de ta tête. La voix ferme, Fanny savait très bien ce qu'elle avançait.

-Tu n'en sais rien. Romarin quant à lui, n'en était pas complètement sûr.

- Si.

- Non.

- Bah si.

- Bon écoute, Fa-nny, il avait appuyé sur son prénom, t'es là que depuis une semaine ! Tu n'en sais rien, c'est logique ! Donc, laisse moi seul tu veux.

- Si c'est comme ça... la fierté de la jeune fille touchée, elle ne pouvait que s'incliner, il n'était pas question de se faire honte une fois encore. Mais la colère présente dans ses mirettes vert-feuille, elle s'exclama haut et fort en pointant son cousin du doigt : alors ne viens pas chouiner dans les jupons de ta maman quand ces deux imbéciles heureux te feront faire quelque chose de vraiment horrible.

Fanny ne savait pas si bien dire, Romarin laissé seul dans son coin était tout aussi vert de rage. La colère est comme un venin, il suffit d'en boire une goutte pour être contaminé. Pourtant le jeune garçon s'abstient d'être hautain, sa seule réplique fut un murmure quasi inaudible :

- Ces deux imbéciles heureux s'appellent Tyron - l'ainé - et Henry - le second - pour information...

Fanny n'avait que sept ans, certes, mais elle était pleinement consciente de l'avenir heureux qu'elle souhaitait. Seulement ces grandes personnes ne semblaient pas vouloir la soutenir d'une quelconque manière, sans appui désormais pour la rassurer et l'aider, l'enfant savait qu'elle devait se battre seule contre le reste des adultes.

- Fanny ! Beugle Marine en mettant les couverts sur la petite table de la cuisine.

La rousse ne l'entendait pas, elle était concentrée à admirer les lys qui avaient poussé dans un coin du minuscule jardin. La cuisine menait directement à ce dernier, et plus que agacée de devoir répéter son prénom sans avoir de réponse, Marine rejoignit l'enfant d'une enjambée.

- Petite sotte, ça fait des minutes que je t'appelle !

Sa tante lui tira l'oreille et l'avait poussée à entrer, Fanny hurlait tant ça lui faisait mal, elle ne voulait pas quitter son nouvel ami l'escargot qui aimait aussi les jolies lys. A présent, elle boudait dans un coin de la cuisine, assise sur une chaise, les bras croisés. Comme elle ne faisait rien, elle se demandait pourquoi l'avait-elle appelée. Quelle qu'en soit la raison, là, elle n'avait rien à faire, dans le jardin si.

- Je veux sortir.

- C'est non, tu vas salir tes vêtements.

- C'est pas grave, ça se lave.

- C'est toujours non.

Fanny râla avant de se laisser doucement glisser de la chaise, l'expression désespérée et abattue, elle râlait encore les genoux au sol avant d'oublier instantanément cette histoire de sortie. Une autre question lui vint à l'esprit :

- Comment fait-on pour quitter cette ville ?

Marine se paya de sa tête en laissant échapper un rire forcé, elle essuya ses mains mouillées avant de se tourner vers l'enfant et de lui lancer d'un ton sec :

- Tu n'iras nulle part jeune fille, je suis ta tutrice et je compte bien profiter de l'argent laissé par ta mère.

- Ne soyez pas trop honnête je vous en prie. lâcha Fanny d'un ton moqueur en se levant finalement du sol.

La dernière chose qu'elle méprisait chez sa tante c'était son coté pipelette, Fanny savait très bien qu'on pouvait parler de choses bien plus intéressantes. Marine se contentait de rabaisser, de manipuler et de pester.

Ça allait encore si elle ne faisait que pester, moi je le fais bien quelques fois, mais pas tout le temps tout de même.

Il y avait toujours quelque chose à redire sur les grandes personnes, la dernière fois Fanny faisait une collecte d'argent dans la rue afin d'en rassembler suffisamment pour quitter cette ville et vivre ailleurs. Et un homme moustachu avait eu le dédain de lui donner un penny, que pouvait-elle faire avec ? Rien. Et il lui fallait quatre-vingt-dix-neuf pence pour avoir un livre sterling, beaucoup trop long... Mais Fanny n'allait pas abandonner de sitôt, debout ! se disait-elle pour se donner courage, un jour, je vais rassembler autant de pence que d'humains sur terre et quitter cette sombre maison.

Enfin, c'est ce qu'elle croyait.

LA ROUSSE AUX YEUX VERTSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant