Chapitre 18 - Hungry eyes

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De ses pupilles dilatées, Ally ne quitta pas des yeux le prodige qui venait de s'installer sur le siège en face d'elle, juste avant que le van ne démarre. La musique de l'autoradio s'activa presque aussitôt en bruit de fond, et brisa ce silence gênant qui était à nouveau sur le point de s'installer entre Ally et son boss adoré. A moins que, pour une fois, ce silence n'ait pas le temps de pointer le bout de son nez...

M. Jackson ignora le regard tenace et insistant d'Ally sur lui. Il reposa son coude sur le petit rebord de la portière en plaçant son index au-dessus de sa lèvre supérieure et son pouce sous son menton. Il observa ainsi le paysage défiler par la fenêtre teintée sans un mot. S'il pensait pouvoir faire un trajet calme et paisible jusqu'à l'hôtel, il se fourrait définitivement le doigt dans l'œil.

« Savez-vous que je suis majeure et vaccinée M. Jackson ? » lança soudainement Ally avec impertinence.

Le visage de M. Jackson se détourna de la fenêtre pour faire face à Ally, et il fronça les sourcils, sur une moue d'incompréhension.

« Non parce que la dernière fois qu'on m'a fait rentrer de force j'avais... seize ans ! Eeet ma mère était venue me chercher car je n'avais pas respecté le couvre-feu ! » continua-t-elle sur sa voix chancelante et semblant se concentrer pour prononcer chaque mot.

Et avant que le prodige ne puisse répondre, elle continua sa tirade.

« Surtout que je passais une exxxxceellente soirée ! Mais vous ! Vous avez tout gâché comme ma mère ! Alors que je voulais boire un autre verre avec le groupe »

« Il semble pourtant que vous ayez pris suffisamment de verres ce soir » répondit le prodige calmement, sans faire attention aux attaques d'Ally.

« Je n'ai pas 'PRIS' des verres. Un gars me les a offerts au bar. Vous savez, c'est ce que les gens font habituellement pour faire comprendre que quelqu'un leur plaît ? Dans le monde normal en tous cas ! »

Ally le provoqua sur un sourire faussement angélique tout en clignant des yeux. Elle put déceler, sans certitude, la mâchoire du prodige se contracter devant elle. Elle semblait l'avoir piqué mais M. Jackson resta de marbre et silencieux, ce qui agaça Ally.

« J'ai tellement chaud ! Est-ce qu'on peut ouvrir la fenêt... » fit-elle en s'apprêtant à actionner le boîtier pour abaisser la vitre, mais fut rapidement stoppée.

« Non ne faîtes pas ça ! »

La grande main de M. Jackson agrippa celle d'Ally pour l'arrêter dans sa course. Et en un quart de secondes, comme si la foudre lui était tombée sur la tête, elle ressentit une sensation électrique dans tout son corps, la faisant oublier un instant son état d'ébriété. Ce simple toucher activa tous ses sens, d'ores et déjà assoiffés de lui. Elle leva son regard vers ses grands yeux noirs et profonds.

« On... On ne peut malheureusement pas ouvrir la fenêtre comme ça » dit-il doucement, l'air tendu et gêné.

Elle n'avait que rarement vu cette expression sur son visage aux traits saillants, doux et puissants à la fois, et au regard d'habitude si impénétrable. Il semblait presque s'excuser en prononçant ces quelques mots. Il était devenu une habitude pour lui de ne rien pouvoir faire comme tout le monde depuis sa plus tendre enfance, au vu de sa notoriété ahurissante, dans l'espoir de préserver le peu d'intimité qu'il lui restait. Il relevait quasi de l'impossible ou d'une organisation au cordeau pour qu'il puisse simplement aller louer une vidéo cassette, prendre un verre à l'extérieur ou ouvrir la fenêtre de sa voiture, sans déchainer les foules et prendre le risque de voir sa vie de nouveau étalée et déformée sur les journaux ou à la TV.

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