Cette voix... Elle avait quelque chose de grave, quelque chose qui l'inquiétait. La jeune femme regarda l'écran qui faisait défiler les étages : seulement au 24ème, et ils descendaient au 1er. Encore au moins 1 minute à tenir avec ce fou.
Alors, Carelle rentra dans son jeu, tout en restant polie :
"-Pourquoi pas, après tout ? Dans le bureau, tout à l'heure, ça vous dit ?
-Je pensais à quelque chose de plus... Intime ? Je t'invite à prendre un verre dans le café d'en face ce soir, 19h."Le ton qu'il prenait était un ton qui ne plu pas à Carelle : c'était celui sans appel, qui ne laissait pas le choix.
La styliste regarda de nouveau l'écran : étage 17. Elle avait fait la moitié. Il devait rester encore 40 secondes. Mais que c'est long, 40 secondes...
Certainement pour avoir plus de chance d'obtenir une réponse favorable à sa requête, M. Erpin se rapprocha plus près du cou de Carelle et planta ses yeux dans les siens.
"-Mais vous savez, ça risque d'être compliqué, car mon agenda est toujours très chargé...
-Je vous promet que ce ne sera pas long... C'est juste histoire de faire connaissance, et ça me ferait vraiment plaisir."Une fois encore, les yeux de Carelle se posèrent sur l'écran : 9ème étage. Il fallait gagner un maximum de temps.
"-Ma mère ne souhaite pas que je sorte aussi tard le soir. Vous savez, c'est dangereux Paris à 19-20h le soir, seule, pour une femme.
-Dans ce cas, je me ferai un plaisir de vous raccompagner, si cela peut la rassurer.
-Mais, et s'il m'arrive malheur sur le chemin de l'allée ?
-Je vous ai dit de ne pas vous en faire. J'irai vous chercher devant chez vous, ce soir à 18h alors."La voix de M. Erpin était teintée d'agacement. S'il commençait à s'énerver, c'était mauvais signe... Que pouvait-il faire lorsqu'il était énervé ?
Carelle frissona et se sortit cela de la tête. Un rapide coup d'œil sur la gauche lui appris qu'elle était au 4ème étage. À court d'argument, il fallait qu'elle joue le tout pour le tout.
"Oh, mais j'avais complètement oublié ! Je ne pourrai pas venir, veuillez m'excuser, mon père doit venir chez moi pour regarder le match de football... Ah, les hommes et le sport ! Rien ne pourra l'empêcher de venir chez moi, et encore moins de me laisser m'absenter pour un autre homme que lui dans un moment si important pour lui !"
Il n'eut pas le temps de répondre que déjà, les portes de l'ascenseur s'ouvrirent.
Vite, Carelle s'engouffra dans le hall d'entrée avant qu'il ne puisse l'arrêter de sortir.
***
La visite de l'immeuble était terminée, et M. Erpin et Carelle étaient de nouveau à l'étage 1. Pour cette dernière, il était hors de question de reprendre l'ascenseur avec cet homme.
Rapidement, elle réfléchit à une ruse qui lui permettrait de ne pas être avec lui une seconde de plus, et une idée lui vint alors.
"Nous allons remonter, nos collègues doivent nous attendre."
Elle accompagna ses paroles d'un sourire rayonnant, tandis qu'une lueur s'alluma dans les yeux de son nouveau collègue, qui pensait sûrement pourvoir la faire craquer et obtenir ce rendez-vous. Mais, se réjouit intérieurement Carelle, il ne s'attendait pas à ce qui allait se passer.
Ils entrèrent dans l'ascenseur et la jeune femme appuya sur le bouton de l'étage 37.
Elle avait calculé son coup, et quand la porte se ferma, elle fit les yeux ronds et dit d'un ton paniqué :
"Oh non, j'ai oublié de donner un dossier très important à l'accueil !"
Elle s'élança vers la porte qui était désormais fermée à plus d'un quart.
"Pourvu que ça passe !" pensa-t-elle. Elle se colla le plus possible au bord du mur, à l'endroit où la porte se fermerait entièrement.
Avec agilité, elle passa et à peine sortie, la porte se ferma, sans s'arrêter : en effet, elle avait remarqué depuis quelque temps que le détecteur de mouvement qui bloquait la porte lorsqu'une personne passait ne s'activait que lorsque cette dernière était à 5 centimètres ou moins de la porte.
Or, Carelle avait calculé pour lui permettre de passer à 6 centimètres, ne déclenchant pas le détecteur de mouvement.
Et le temps de réaction de cerveau étant d'au moins 3 secondes, la porte serait quasiment fermée quand il comprendrait ce qui se passait.
La jeune femme reprit son souffle et entendit l'ascenseur partir. Elle pouvait désormais empreinter les escaliers sans ce soucier plus que ça de sa sécurité.
Enfin, elle était débarrassée de ce fou.***
Ce soir-là, lorsqu'elle rentra chez elle, Carelle repensa aux événement du jour, et en particulier ceux avec cet homme, M. Erpin, et des frissons de terreur lui parcoururent l'échine.
Aujourd'hui, elle l'avait échappé belle, mais qui sait ce dont il serait capable demain...
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Carelle
AkcjaCarelle débutait dans la mode de haut niveau. Elle venait tout juste d'être acceptée dans une grande école de stylisme. Mais, ce monde dont elle rêvait depuis sa plus tendre enfance n'était en rien ce qu'elle espérait, car dès le début, les nouveaux...