Chapitre 13 - All I want for Christmas is you (2/2)

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Les jambes flageolantes, je pénétrai dans le salon commun où je trouvai Laurine et Cathy, la première allongée comme une princesse sur le canapé, la deuxième blottie dans le creux d'un fauteuil, tête posée sur le haut de ses genoux. C'était une scène improbable : les deux amies regardaient une quelconque émission de télévision qui amusait beaucoup la blonde, à première vue seulement.

Je n'étais pas dupe. Ce moment de détente, à l'initiative de Laurine à n'en pas douter, n'était pas anodin. Je le vis tout de suite pour ce qu'il était : un acte de résistance, un « non » fait de rejet et d'indifférence, parce que l'isolement, parfois, blessait bien plus qu'une attaque frontale.

Étourdie, j'arrivai à leur hauteur sans savoir quoi dire, cisaillée par la tristesse. Laurine releva ses yeux sombres dans ma direction. Je fus frappée par sa beauté froide, que la douleur aigüe dissimulée au fond de son regard rendait plus cruelle encore.

Celle que j'avais tour à tour haïe, jalousée, admirée, me jaugea de la tête aux pieds. C'était une femme, elle aussi. Il lui avait suffi d'un coup d'œil pour comprendre que deux raisons – une officielle, une intime – expliquait ma venue en cette soirée si importante.

Elle émit un sifflement appréciateur, mais je la connaissais suffisamment pour détecter la condamnation sous-jacente.

— Alicia, on ne t'a jamais dit qu'une fille qui s'offrait sur un plateau perdait de son attrait ? fit-elle avec une innocence feinte. Il suffit de tendre le bras pour te cueillir et, si je puis me permettre, un type dans son genre doit plutôt carburer au plaisir de la conquête.

Tout en pontifiant, elle s'était remise debout pour me faire face. J'aurais aimé la détromper, lui dire à quel point elle faisait fausse route, mais ma voix restait coincée quelque part au fond de ma gorge. Laurine savait où appuyer pour faire mal. Mes doutes, mon manque d'assurance, elle les connaissait par cœur pour les avoir utilisés à son avantage à de nombreuses reprises.

J'aurais dû lui en vouloir ; je me dis simplement qu'elle devait vraiment être mal pour souhaiter me faire souffrir en retour.

Personne n'avait encore repris la parole au moment où Michael entrait à son tour dans le salon. Le jeune Éclaireur ne masqua pas sa surprise de me voir là. Une seconde seulement, ses yeux verts effleurèrent mon dos nu, mais il se reprit dans un raclement de gorge, et moi-même je me détournai, luttant contre le rouge qui envahissait mes pommettes.

— Vous n'êtes pas en bas ? dit l'Éclaireur en considérant Laurine et Cathy.

Cette question était ce qui, dans la bouche de Michael, se rapprochait le plus d'un reproche. Le jeune Éclaireur n'était pas du genre à rentrer dans le lard.

— Tu crois vraiment que je vais cautionner ce simulacre d'amnistie ? cingla Laurine, la révolte déformant la ligne fine de ses sourcils.

Loin de se mettre en colère, le jeune homme l'observa d'un air triste.

— Je sais ce que vous ressentez, lui assura-t-il dans une tentative d'apaisement. Frédéric aussi, mais étant donné...

— Si Frédéric réellement le savait, il n'accepterait même pas la présence de ce salaud sous notre toit.

J'étais dévastée, car le pire de tous les scénarios que j'avais imaginés était en train de se produire. Même ainsi, j'eus du mal à réprimer le besoin que j'avais soudain de la prendre dans mes bras. Car la voix de Laurine, qu'elle avait voulue implacable, s'était brisée sur un sanglot.

Ma collègue reprit contenance, rejetant derrière son épaule sa fine chevelure blonde. Elle m'avisa à nouveau, m'examina si longuement que je commençai à danser d'un pied sur l'autre. Je ne parvins à interpréter l'éclat qui s'alluma dans son regard inflexible, mais je sus qu'il n'en ressortirait rien de bon, encore plus quand elle décréta :

Incandescence - Livre III - La fin de l'innocenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant