Prologue

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Ezra 

Page blanche.

Une légende urbaine pour certains, un fléau pour d'autres.

Je ne comprendrais jamais comment font ceux pour qui la flamme ne s'éteint pas. Des heures, des jours, des mois, des années. Le feu flambe, embrase chaque parcelle de leur inspiration, jusqu'à terrasser tout doute, et les moindres particules d'autosabotage. De mon côté, j'ai la sensation de m'échiner à rallumer une braise au milieu d'un hectare de cendre.

Mon regard se déporte sur la fenêtre, observe le silence. Aucun vent, aucune brise n'anime la silhouette des arbres. Seul le cliquetis discret de ma montre trouble ce calme olympien, le même qui assourdit mon imaginaire. En écho au ronflement du chat, vautré dans son manteau de poil, loin des tourments de l'artiste raté qui lui sert sa pâtée.

La porte de la chambre est restée ouverte. Ce soir encore, Nora a rejoint le lit avant moi. Je suppose qu'une part d'elle espérait que je lâcherais mon précieux ordinateur pour le bien-être de notre vie conjugale, mais le désir de parvenir à coucher des mots aura suffi à m'éloigner de mes vœux. La passion de l'art, je présume. Qui aura fini en une quantité bien trop importante de café, sept cigarettes, et un début de paragraphe mal orthographié. Si la question se pose, voici ma réponse : je vis très bien l'idée que ma correctrice me maudit.

Dans le coin opposé, l'étagère me nargue. Ma gloire trône telle une statue grecque, fière et droite, reflet d'un passé qui juge l'état actuel de celui qui a, un jour, possédé suffisamment de veine pour ce best-seller. « Quidam », évalue son créateur, avec la même ténacité que son protagoniste. À croire qu'il est parvenu à s'approprier les pages.

L'inspiration est un feu qu'on entretient et parfois, je voudrais me servir de ce foutu bouquin comme combustible.

Cher LazareOù les histoires vivent. Découvrez maintenant