Le premier client

198 15 9
                                    

Vue de Mao Mao

  Je le redoutais, mais il fallait bien qu'il arrive un jour. Alors, après avoir payé plusieurs milliers d'euros juste pour me voir moi, ce qui aurait été un honneur dans d'autres conditions, j'ai dû mettre à profit toutes ces leçons pour satisfaire les besoins et les désirs de mon premier client. Il s'appelait Hoku, il devait se rapprocher de la trentaine d'années, et devoir coucher avec un autre homme que toi, Jinshi, me semblait complètement impossible. Mais ainsi était mon rôle, voilà à quoi j'étais réduite, un jouet, l'objet de toutes les convoitises de ces hommes assoiffés de sexe.

  Hoku était plutôt beau, mais avait tout d'un homme banal : une taille normale, une peau normale, un teint normal, des cheveux bruns on ne peut plus normaux, des yeux châtain clair sans originalité, un sourire en coin qui pouvait faire craquer les demoiselles les plus sensibles au charme, un corps musclé mais pas d'athlète non plus, un poids normal, un métier normal, tout ce qu'il pouvait y avoir de normal chez un homme avec un prénom pareil et un âge comme ça.

  J'ignorais s'il était riche, parce que s'il venait de dépenser sa fortune juste pour une nuit avec moi, je n'étais clairement pas la bonne personne pour le satisfaire pleinement. Bien sûr, chaque prostituée du Palais Vert-de-Gris avait bien commencé par quelqu'un pour acquérir de l'expérience avec les années et les hommes qu'on devait s'enchaîner en gardant plaqué sur le visage ce même sourire aimable figé sur ma figure qui cachait une grande tristesse et une soudaine haine que je vouais à la vie pour me faire tomber au plus bas.

  Ça a d'abord commencé dans une grande salle au deuxième étage prévu à cet effet, où je souriais et riais à ses blagues d'un manque humour très prononcé autour d'une table remplie de petits gâteaux dont je n'avais pas le droit de me goinfrer avec au risque de prendre trop de poids, ce qui serait fatal pour ma réputation de prostituée. Il y avait également une théière fumante de thés aux herbes que j'avais le droit de boire dans ma belle tasse en porcelaine malgré le fait que ça puait excessivement trop pour un simple thé.

  La discussion allait bon train, à mon avantage car il s'avérait que Hoku était plutôt bavard et que je n'avais pas à combler les silences gênants avec des sujets de conversation peu intéressants et impersonnels. Il souriait et riait trop facilement à mon goût, on percevait facilement qu'il avait en lui une grande joie de vivre, je lui enviais ça. Moi, qui venait de perdre mon père, mon travail d'apothicaire à la cour impériale, mon univers entier, pour devenir un jouet qu'on pouvait toucher sans que j'aie mon mot à dire.

  Quand je me suis aperçue que, malgré le fait qu'il soit un moulin à paroles, il voulait passer aux choses pour lesquelles il était réellement venu, je me suis levée lentement et avec toute la grâce du monde pour lui indiquer d'un mouvement vaste de bras la porte. Alors qu'il se levait, et, prenant mon nouveau rôle, ma nouvelle identité, un peu trop à coeur, j'ai agrippé sa main sans qu'il puisse protester, même que ça l'a fait rougir.

  Je l'ai entraîné doucement jusqu'à la chambre inoccupée la plus proche, puis j'ai refermé délicatement la porte derrière lui alors que l'homme allait s'asseoir sur le lit. Quand je me suis retournée, il me jetait un de ses regards on ne peut plus sauvages, comme s'il me déshabillait du regard, de ses yeux marrons si banals qui devenaient soudain intéressants par l'animosité soudaine du désir dans ses prunelles ambrées.

  Mais mon rôle était également de faire amplifier le désir en le repoussant le plus longtemps possible, comme si je le testais, comme pour savoir combien de temps il pouvait se contenir avant de se jeter sur moi et de faire tout ce qu'il veut.

  Mes yeux verts dans ses yeux marrons, il me suivait du regard alors que je marchais dans la pièce pour que la chambre soit soudainement emplie d'une douce musique orientale, mais durant tout mon court trajet, je n'avais cessé de le regarder, ne voulant absolument pas briser ce contact qui nous liait.

Mao Mao x Jinshi : Sauve-moi...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant