Chapitre 1

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La famille Macauwé vivait dans un petit appartement situé dans une commune populaire de la grande capitale économique haboramienne, Etrela. Les Macauwé avaient trois enfants. La première se nommait Lauren Edje Macauwé-Bewa, une adolescente de dix-sept ans. Sa jeune sœur, Dalia Heba Macauwé, avait treize ans et enfin leur jeune frère, Gabriel Nitti Macauwé, en avait neuf. Les deux parents, Augustin et Itta, étaient des modèles de parents aimables, attentionnés et fermes. Ils éduquaient leurs enfants en se basant sur leurs objectifs pour eux. Leur vision englobait la richesse, du bonheur et de l'opulence, mais aussi la bonté.

Lauren n'était pas la fille biologique d'Augustin. Cette vérité, elle l'avait toujours connue car Augustin était entré dans leur vie à ses deux ans. Il était un homme beau et charmeur qui avait su séduire Itta du premier coup. La mère et sa fille avaient alors abandonné la ville de Marauju pour Etrela afin de s'installer avec le nouveau père de famille. Lorsque Lauren eut douze ans, sa mère l'estima suffisamment intelligente et mature pour comprendre les circonstances de sa naissance.

Itta travaillait en tant que femme de ménage pour la famille Anskey, un empire puissant détenant des plantations de banane plantain et des usines de transformation de ressources agricoles. Le patriarche de la famille, Tosti Anskey, était connu pour son éducation et ses valeurs anciennes ainsi que sa canne aux attraits de rhinocéros. Il entretenait une relation intime avec le premier président de la République et avait épousé la fille du ministre de l'Économie et des Finances. M. Tosti était un grand homme et son objectif, mis à part celui de continuer de s'enrichir, était de faire de ses enfants ses héritiers, tous aussi intelligents et rusés que lui. Seulement, le troisième enfant de la fratrie de cinq, Robert Netichkansar, littéralement « l'enfant né sous l'étoile Divine » en langue Jewousa, tomba amoureux de la jeune fille qui nettoyait sa chambre et lavait son linge, Itta. Un amour interdit par la vision de ses parents et par un destin qui lui était assigné dès le départ. Cela, Robert l'avait compris. Cependant, il disait souvent à Itta : « Je t'aime, je ne peux vivre sans toi » et la couvrait de baisers durant les minutes qui suivaient, seuls dans sa chambre fermée à double-tour. Entre caresses et bisous dans le cou, il lui soufflait : « Je ne te laisserai jamais tomber, jamais ». Ces paroles mettaient Itta en confiance ; il semblait si sûr de lui. Pourtant, il évitait de montrer sa relation aux autres, et Itta continuait de quitter ses draps avant quatre heures du matin. Puis, un jour, la nouvelle tomba comme la pluie diluvienne qui s'abattit sur l'île haboramienne sept jours durant. « Robert épousera Sissilia Neoh, la dernière fille du patron d'une grande entreprise régionale minière.

Itta fût dévastée lorsque cette dernière vint dîner à la villa Anskey. C'était une belle jeune fille intelligente qui avait fait des études de médecine à Londres. Son sourire était éclatant, ses manières et gestes contrôlées, son langage fin et correct, son visage beau et rafraîchi, ses parures brillantes à la lueur des ampoules dorées. Cette femme qui lui prendrait bientôt son petit-ami pouvait rivaliser avec elle et gagnait : elle lui dépassait la cheville, et même la tête. Robert l'avait alors calmée. Encore une fois, il lui expliqua qu'il ne l'épouserait pas, qu'il ne l'aimait pas et qu'Itta était la femme de sa vie. En vérité, la jeune femme sentait que son amoureux craignait la réaction de sa famille et des conséquences de cette décision. Même s'il trouvait le courage de la présenter comme sa fiancée, Itta elle-même ne se sentirait pas à sa place et encore moins à la hauteur de cette responsabilité. Désœuvrée, Itta se mit à envisager une éventuelle séparation. Ce fût dans cette même période qu'elle tomba gravement malade et décida de faire des examens médicaux. Le mariage de Robert était dans deux mois lorsqu'elle entendit le médecin lui faire une annonce qu'il croyait superbe : « Félicitations mademoiselle, vous êtes enceinte ! ». Enceinte ? pensa-t-elle à voix haute. « Oui, de deux mois. Revenez à l'hôpital pour faire des consultations avec la gynécologue ! ». Robert fût heureux et attristé de cette nouvelle, tout comme la mère de son futur bébé. Cette dernière n'avait certes pas totalement confiance en elle, mais désirait tellement que Robert s'énerve, annule son mariage et parte loin avec elle... Itta se sentait coupable de penser une telle chose. Il était, avec ses frères, l'avenir des Anskey, un héritier promis au succès et à la gloire, et elle ne devait pas détruire sa vie. Ce bébé naîtrait et elle l'élèverait... mais sans lui.

Lorsqu'elle quitta la demeure des Anskey, Itta vécut un moment à Etrela où Robert lui envoyait de l'argent et où ils se rencontraient pour des relations intimes. Il fût même présent chez elle, un jour après la naissance de leur fille. Cependant, lors d'une réunion de famille, Tosti lui fit remarquer qu'il connaissait toute l'histoire depuis un bon moment. « Tu n'as pas intérêt à reconnaître la gamine qui est née. Elle n'est pas issue d'une union reconnue par tous. Si tu continues de voir cette servante, je ferai répandre cette information dans toute la famille, je t'humilierai et enfin... je te retirerai tous tes droits ». Le lendemain de la naissance de Edje fût la dernière fois qu'ils se virent. Plus aucun appel, ni message, ni nouvelle, ni somme d'argent, ni rien.

Itta avait vingt-sept ans, un bébé sous les bras et le chômage sur la tête. Elle rencontra heureusement Adeola, une dame forte qui avait acceptée de l'héberger et de la prendre comme cuisinière dans son restaurant. Elle avait ensuite rencontré Augustin, en ce temps-là un pharmacien avec la tête dans les livres et les ordonnances, puis l'avait laissé entrer dans son cœur.

Par la suite, Lauren avait pu voir son père biologique deux fois ; la première, dans un journal télévisé, la seconde, dans un magazine. La fillette avait trouvé des traits de ressemblance physique : ils avaient le même nez, le même teint caramel et d'épais sourcils. Sa mère lui avait alors demandé : « Veux-tu le rencontrer ? » et d'instinct, Lauren répondit « Non ». Ce « Non » surprit Itta, qui s'attendait à voir plus d'intérêt venant de sa fille. Au même moment, Augustin sortit de la chambre parentale, encore épuisé par une nuit trop courte. La Edje de douze ans courut vers celui qui l'avait élevée et l'enlaça avec tendresse. Sa mère et elle échangèrent un sourire sincère, et Itta referma le magazine.

Plus rien ne sera jamais comme avantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant