Chapitre 3

1 0 0
                                    


Lauren échangea sa toute première conversation avec sa voisine de palier, Leïn, un mois après leur rencontre. En deuxième année, les étudiants quittaient les chambres doubles et s'installaient dans des chambres individuelles. Lauren s'était retrouvée au bâtiment I avec deux camarades de classe : Fatima et Nelly. Les treize autres filles de sa promotion d'études en marketing vivaient au bâtiment H. Sa chambre était située à l'extrémité du couloir et celle de Leïn, une étudiante de troisième année se trouvait juste à droite, collée à celle de Lauren. Leïn semblait être une jeune femme pleine de vitalité qui souriait toujours à ses cadettes. Nelly la connaissait depuis sa première année et l'appelait affectueusement « Solé », ce qui venait de « soleil » pour traduire son attitude. Très vite, les autres aussi s'étaient éprises d'amitié envers elle et avaient développé une relation correcte sauf Lauren. En réalité, elle se sentait un peu timide de l'approcher alors qu'elle l'appréciait énormément. Leïn sembla le remarquer, et ce fût elle-même qui lança la discussion en partant expressément lui demander du cube d'assaisonnement pour son repas.

Ce jour-là, Lauren lisait l'un des nombreux livres qu'elle avait amenés d'Etrela et qui décoraient désormais sa chambre. L'on ne voyait pas, comme d'ordinaire dans les chambres, des flacons de parfum ou des pots de pommade, ni des stocks de biscuits pour grignoter. Il y avait seulement des livres, des classeurs et fournitures de bureau, un ordinateur, des appareils technologiques en tout genre et des « milliers » de chargeurs entremêlés. Leïn en profita pour créer une conversation et lui dit « Tu sembles vraiment très cultivée. J'aime aussi les livres, mais je préfère les vidéos », confia-t-elle en souriant. Lauren ne sut franchement comment réagir et rit juste un peu en se grattant la tête. La voisine ne s'éternisa pas mais revint plusieurs fois lui demander quelque chose, jusqu'à ce que Lauren se retrouve elle aussi si coincée qu'elle frappa elle aussi à la porte numéro 73 de Leïn. La demoiselle apparut devant elle, un peu surprise, mais souriante. « Bonsoir Leïn, j'espère que tu vas bien. Désolée de te déranger...

- Rectification, la corrigea-t-elle. Tu n'as pas besoin de t'excuser, voyons. Rentre vite !

Elle la prit par la main et referma la porte. L'air faussement préoccupée par une prétendue poussière sur son lit, elle le tapota un peu, fit mine de réfléchir puis lui expliqua :

- En fait, lorsque je reçois des invités de marque, il faut franchement que je fasse attention à tous les détails. Je ne peux me permettre de faire des bêtises, dit-elle avec une voix expressément haut perchée.

Lauren fût surprise et rigola à sa blague, puis lui demanda ce dont elle avait besoin : du gari, si possible.

- Mais tu as faim, en fait ?

- Oui... répondit Lauren confuse et gênée.

Elle avait tellement bossé pour son devoir qu'elle avait oublié de se nourrir et ce n'était qu'à vingt-deux heures qu'elle entendit son ventre chouiner. Tous les commerces de nourriture étaient fermés, sa réserve de nourriture était vide et elle avait oublié d'acheter du pain. Nelly n'était pas là, Fatima n'avait rien à lui offrir.

Leïn se leva et ouvrit son réfrigérateur. Elle y trouva de la confiture puis fouilla dans un sac à pain d'où elle sortit un morceau. Ensuite, elle passa un appel et expliqua à la personne derrière le combiné qu'il ferait mieux de se dépêcher, fourra le pain, le divisa et en tendit un à Lauren. Alors que cette dernière allait débuter le monologue de remerciement, quelqu'un toqua à la porte. Un jeune homme tendit un carton de pizza à Leïn, qui s'écria « Ce n'est pas trop tôt ! » avant de lui donner de l'argent et de fermer la porte. « J'ai eu peur qu'il ne se dépêche pas, raison pour laquelle je t'ai donné ce pain. Il ne fallait pas que tu t'évanouisses de faim », expliqua-t-elle en s'asseyant sur sa table. Leïn l'invita donc à manger et elles dégustèrent la pizza royale chaude et délicieuse, tout en lui posant un flot de questions sur elle et ses études. Lauren expliqua qu'elle suivait des études de marketing et apprit en retour que sa voisine de chambre faisait de la finance. Lorsque cette dernière en parlait, ses yeux semblaient briller de mille feux.

Les deux jeunes femmes passèrent un moment si beau que Lauren finit par accepter la relation qui se créait entre elles, même si elle avait encore du mal à s'ouvrir. En fait, cela s'expliquait par le nombre de désillusions qu'elle avait eu avec ses amies précédentes. Plus jeune, Lauren avait une tendance à se lier très fortement aux personnes qu'elle considérait énormément. Dès qu'une fille devenait son amie et qu'elle retrouvait en elle des points communs, ou qu'elles s'entendaient bien, Lauren la considérait comme sa meilleure amie et se confiait à elle, voire en faisait son monde. Cependant, il n'en était pas toujours le cas pour les autres. Deux amitiés foireuses la firent prendre conscience de ce qu'elle considérait maintenant comme une erreur et lui fallait maintenant assez de temps pour qu'elle accepte entièrement une personne et s'y attache réellement. La première amitié, c'était avec Nadia, en quatrième, qu'elle avait considérée comme une amie en or. Cette dernière s'était mise à faire circuler des rumeurs à son propos ; elle avait dit à tout le monde qu'elle était secrètement amoureuse d'un élève de seconde qui venait souvent voir sa petite sœur dans sa classe. La deuxième, c'était la plus douloureuse et elle persistait malgré le temps ; c'était l'amitié avec Rosa. Elles s'étaient connues en quatrième et restées très amies. Après sa fixette sur Nadia, Lauren s'était vraiment rapprochée de Rosa, surtout lorsque sa famille emménagea dans le quartier de Lauren. Elles se voyaient tout le temps pour discuter, bavarder, s'amuser ou danser – car Rosa adorait la danse. Pourtant, trois ans après une amitié solide et forte, Rosa commença à s'éloigner d'elle. Elle ne lui rendait plus visite, ne lui parlait plus de ses histoires de cœur, ne dansait plus avec elle et semblait l'ignorer. Rosa accordait plus d'importance à ses nouvelles « copines » du secteur d'après ce que croyait Lauren.

L'adolescente essaya plusieurs fois de comprendre et d'en parler avec sa meilleure amie, qui se confondait toujours en excuses et disait changer. Mais toujours la même chose. Lauren était déboussolée malgré tout ce que lui disaient les autres, à savoir que Rosa n'en valait plus la peine, qu'il fallait passer à autre chose et l'ignorer. Elle essayait, mais elle pensait toujours à elle : « Est-ce qu'elle va bien ? Comment va sa famille ? ». Parfois, par le biais de statuts Whatsapp, elle tentait de la viser dans ses messages et citations sur l'amitié, mais jamais elle n'apprit que cela l'avait impactée. Rosa semblait mener une vie tout à fait normale et heureuse.

Les deux anciennes meilleures amies avaient gardé le contact, sans plus. Parfois, elles échangeaient des messages vides tels que le « Bonjour, ça va et toi ? Oui ça va » et se souhaitaient bonne journée car n'ayant rien de plus à dire. Cependant, Lauren regrettait tellement de l'avoir perdue, qu'elle évitait de s'attacher à nouveau avec quiconque pour éviter la déception.

Elle sentait qu'elle pourrait vraiment s'entendre avec Leïn, mais elle avait peur, et Leïn fit le premier vrai pas.

Pour que Lauren s'ouvre à une personne, il fallait = une excellente entente + un bon feeling + la confiance mutuelle + que l'autre s'ouvre à elle en premier. En plus, elle savait qu'une véritable entente déboucherait sur un amour inconditionnel, dont la moindre trahison ou frustration pourrait l'impacter. Elle aurait alors du mal à se séparer de la personne. Cela était la raison pour laquelle elle n'acceptait que de rares personnes dans sa coquille sociale.

Les éléments furent trouvés progressivement et, en pleine soirée de novembre, Leïn lui parla de sa vie. Elle lui expliqua que ses parents se disputaient énormément ces derniers temps et qu'elle ne supportait plus l'ambiance chez elle. De plus, elle avait du mal à suivre l'accélération des cours de troisième année et se perdait un peu dans le flux de cours. Leïn sembla mise à nu lorsqu'elle parla de ses parents. Quelques petites larmes firent même irruption sur ses paupières. Lauren ne savait pas comment la consoler et ne cessait de dire que tout irait bien, que tout se règlerait. « Tu es une fille très intelligente et gentille, Lauren. Je suis vraiment heureuse de t'avoir rencontrée, lui dit-elle par la suite.

- Moi aussi. »

Lauren se demanda si son « moi aussi » était sorti par mimétisme ou parce qu'elle le pensait vraiment. Lorsqu'elle se surprit à penser à Leïn et à ce qu'elle vivait avec sa famille, puis songea à des moyens de l'aider sans cesse, elle comprit que sa réponse devait être sincère.

Plus rien ne sera jamais comme avantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant