Solène reste plus d'une heure dans la bibliothèque.
Elle tente à plusieurs reprises de se concentrer sur les écrits préconisés par Baptiste. Mais ses pensées vagabondes sans cesse.
Elle pense définitivement qu'elle fait le bon choix en se souhaitant un autre avenir que celui de jeune épouse.
Comme pour conjurer le mauvais sort, elle choisit de se plonger dans un traité de médecine. Elle se dit que plus elle aura acquis de connaissances plus elle pourra présenter une candidature plus qu'honorable à l'université. Elle imagine alors quelle spécialité elle choisirait. La vaccination peut-être ! Les travaux de Louis Pasteur la passionnent.
Soudain elle entend du remue-ménage, elle sort dans le couloir et voit courir une servante totalement affolée. Solène la suit jusqu'à un bureau dans lequel elle retrouve Baptiste la main ensanglantée.
— Mon Dieu, mais que vous est-il arrivé ? demande-t-elle en se précipitant vers l'homme.
— Ne vous inquiétez pas, ce n'est une égratignure, annonce-t-il en se tenant la main.
— Non monsieur, vous saignez beaucoup trop il faut nettoyer et panser cette blessure au plus vite. Rosalia, apportez vite des linges propres et de l'eau chaude !
Avant que la servante n'ait le temps de passer la porte, Solène ajoute : "et une bouteille d'alcool fort !"
— Vous voulez me rendre ivre ?
— Ce sera pour désinfecter votre plaie. Mais comment vous êtes-vous fait cela ? lui demande de nouveau Solène en lui prenant la main gauche. La plaie ne semble pas si profonde, observe-t-elle, je pense que ce n'est pas très grave, rassurez-vous.
— Vous m'impressionnez chère cousine. La vue de la chair et du sang ne semble pas vous rebuter. Cependant je vous conjure de ne pas vous occuper de cela.
— Ne soyez pas déraisonnable, je vous prie, insiste Solène.
Rosalia revient enfin avec le matériel demandé. Solène installe un linge sur le bureau et y pose délicatement la main du blessé. Elle trempe un autre morceau d'étoffe dans l'eau et tamponne délicatement la blessure. Ce geste anodin mais qui fait sursauter Baptiste.
— Veuillez m'excuser, je dois nettoyer avant d'apposer l'alcool, explique Solène.
— Je suis résistant, assure-t-il.
— Je vois cela. Solène sourit à cette dernière remarque, mais reste concentrée sur sa tâche. Elle continue à frotter doucement et la plaie commence à arrêter de suinter.
— Sentez-vous quelque chose quand je fais cela ? questionne-t-elle en lui touchant le bout des doigts.
— Oui je le sens.
Baptiste l'observe à la dérobée.
Elle parait n'avoir peur de rien. Chaque situation qu'elle rencontre semble lui être un acte par lequel elle s'instruit. C'est une femme intelligente, c'est une évidence. Et elle est si proche de lui maintenant. Tellement proche qu'il peut sentir les effluves de son parfum. Fleur d'oranger, suppose-t-il.
Et puis soudain ses pensées s'affolent.
Ne devrait-il pas se méfier de cette jeune femme qui se prétend apprentie médecin ou tout au mieux infirmière ? Mais ses gestes sûrs et précis le rassurent et il se sent en confiance.
Et surtout ne devrait-il pas arrêter de la regarder avec autant d'envie ? Elle est si naïve et innocente. Cela serait si facile de la détourner de son chemin. Mais ce ne serait pas correct et surtout cela ne lui est pas permis.
Je ne dois pas dévier de l'avenir auquel je me prédestine et il est évident qu'elle n'a aucune attirance envers moi, elle semble tellement porter par ses projets d'études. Je ne pourrais que lui souhaiter de réussir si je pense qu'elle peut avoir un tant soit peu d'importance à mes yeux, penses-t-il.
— Monsieur vous m'entendez. Mon Dieu, vous faites un malaise ?
— Pardon, j'étais dans mes pensées. Baptiste reprend ses esprits et observe sa blessure, le sang s'est arrêté de couler.
— Nous devons désinfecter maintenant, lui annonce Solène. Cela risque de vous bruler un peu. Ensuite il faudra faire venir le médecin pour qu'il examine la cicatrisation.
— Je pense que je n'aurais pas besoin de médecin, lui répond-il. Vous avez déjà effectué tous les actes indispensables, il me semble.
— Mais je ne suis pas docteur, vous devez être ausculté par un spécialiste.
— Mademoiselle, je puis vous assurer que vous deviendrez un excellent médecin, répond Baptiste d'un ton soudain solennel.
Solène se sent rougir et remercie gracieusement son cousin. Elle en profite pour verser un jet d'alcool sur la plaie. Le jeune homme émet un juron et s'excuse aussitôt.
— Bien maintenant il faut panser la plaie. Je ne l'ai étudié que dans les livres, mais je n'ai jamais ...
—Je suis certain que vous ferez cela très bien, la rassure Baptiste.
Après avoir arraché quelques bandes de tissus, Solène entoure la main de l'homme assis près d'elle. Cette main qui l'avait frôlé plus tôt dans l'après-midi et qu'elle avait observée dans la bibliothèque. À présent elle pouvait la palper, il lui semble même sentir le pouls de son patient à travers elle.
Solène est méticuleuse, autant pour assurer un bon bandage que pour profiter encore quelques minutes de la chaleur de cette main masculine.
— Comment vous sentez-vous ?
— Bien je crois, répond Baptiste.
— Me promettez-vous de faire venir le médecin au plus tôt ?
— Si vous me promettez de vous occuper de choisir votre robe de bal.
Solène se met à rire. Baptiste semble vraiment être un homme doux et bon. Peut-être est-ce le genre de mari qui lui conviendrait. Une personne attentive et qui croirait en ses capacités, qui la soutiendrait même.
Aussi elle décide de donner une chance au hasard et de profiter de sa présence en ces lieux pour se laisser aller à un peu de rêverie. Le prochain bal auquel elle assistera lui permettra sans doute de côtoyer bon nombre d'hommes, peut-être parmi eux se trouvera celui qui lui est destiné.
Elle s'inquiète cependant de sa capacité à gérer ses émotions. Ces deux derniers échanges avec la gent masculine la laissent perplexe sur ce sujet : d'abord Antoine qui lui a semblé être si entreprenant, vif et éclatant et maintenant Baptiste dont l'intellect l'attire irrésistiblement, mais qui lui parait si désintéressé. Est-ce que toutes les rencontres lui seront aussi compliquées ?
— Solène, mon enfant, où vous trouvez vous ? La Comtesse apparait soudain dans le bureau. Par tous les cieux, Baptiste, mais que s'est-il passé ici ? S'inquiète Madame D'Allaincourt en voyant les linges immaculés de sang.
— Un petit accident ma tante, soyez sans crainte. Ma chère cousine m'a prodigué des soins et je dois avouer qu'elle a un talent certain pour les choses de la médecine.
Solène se sent rougir une fois de plus et pour ne pas éveiller les soupçons de sa tante, enchaine aussitôt :
— Vous me cherchiez ma tante ?
— Oui. La couturière est dans le salon. Si vous voulez bien nous y rejoindre. Nous allons prendre vos mesures.
— Avec plaisir. J'ai hâte de choisir le tissu de ma robe de bal, s'enthousiasme Solène et tournant son regard vers Baptiste.
— Vous m'en voyez ravie. Je suis soulagée que vous preniez enfin la mesure de cet évènement. Vous devez être parfaite en tout point, s'exclame leur tante.
Solène salue Antoine d'un mouvement de tête et quitte la pièce en jetant un dernier regard à son premier patient qui semble en parfaite santé au vu du sourire qui se lit sur mon visage.
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Liberté et destinée [TERMINÉE]
Cerita PendekSolène de la Mirandière est une jeune femme qui sait ce qu'elle veut. Ses parents que l'on pourrait qualifier d'excentriques dans cette aristocratie française du XIXe siècle lui ont laissé le choix de son avenir, à savoir devenir médecin, à la condi...