Chapitre 12

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Ce jour-là, Stiles alla en cours malgré le flou immense qui l'habitait et cette douleur particulièrement étrange qui continuait de vriller le bas de son dos. S'il s'acharnait à tout faire pour essayer de l'ignorer, il n'arrivait pas à l'oublier complètement. Sans être insupportable, elle savait se rappeler à sa mémoire de façon efficace. Ainsi, le jeune homme ne trouva aucune position confortable et passa sa journée de cours à faire au mieux pour mettre de côté cette grosse gêne, cet inconfort des plus prononcés. Une journée qu'il trouva d'ailleurs extrêmement étrange. Pourquoi ? Parce qu'il ne croisa pas beaucoup des membres de la meute... En fait, la plupart étaient absents pour une raison qu'il ignorait. Et de son côté, Stiles n'envoya aucun message, par choix. Un choix qu'il ne comprit pas, mais qu'il fit malgré tout en son âme et conscience. Parce que quelque chose continuait de le titiller, de le faire se sentir mal et malaisé. Même la littérature, cette matière qu'il détestait tant, ne suffit pas à le faire penser à autre chose. Et le plus frustrant, c'était bien cela : réfléchir à une chose dont il n'avait absolument pas idée, sans pouvoir s'en détacher toutefois. Le comble de l'étrange. Stiles aurait bien demandé à Lydia, elle qui était si intelligente, de l'aider, mais... Elle n'était pas là, elle non plus. Le seul qu'il avait très brièvement croisé à la pause de midi, c'était Liam.

Enfin, aperçu serait plus juste. Brièvement croisé, c'était finalement bien trop par rapport à la réalité. Car Liam, s'il avait bien fait une apparition dans son champ de vision, n'y était pas resté plus de deux secondes car... Sitôt qu'il avait croisé le regard de Stiles, le louveteau s'était empressé de... Fuir. C'était là l'impression qu'il lui avait donnée en détalant comme un lapin. L'hyperactif s'était néanmoins dit que Liam était sans doute en retard à l'un de ses cours. Cette idée lui était tout de suite apparue comme fausse, mais... Il l'avait acceptée quand même, sans trop comprendre pourquoi. D'ailleurs, ce simple mot le terrifiait, alors il évitait de le formuler dans sa tête. Encore une fois, il n'en cherchait pas la raison. Cela ne lui ressemblait pas, à lui qui aimait tout savoir, tout comprendre, maîtriser chaque situation qui se présentait à lui. Cette fois, à peu près tout lui échappait... Et il l'acceptait non pas à bras ouverts, mais... Un peu comme s'il n'avait d'autre choix que celui-là.

Autant dire que Stiles ne se montra pas des plus assidus en cours et que la plupart du temps, il ne faisait que recopier mécaniquement ce que les professeurs prenaient la peine d'écrire au tableau. Du reste, il ne lisait même pas dans sa tête, ne chercha pas à comprendre telle formule ou telle figure de style, tel calcul, tel concept. Dans cet état qu'il sentait anormal, Stiles ne trouvait pas utile de se forcer à faire le moindre effort, d'autant plus que le simple fait d'être venu en était un énorme qu'il était à deux doigts d'effacer à la prochaine pause. Il se sentait mal, n'arrivait pas à trouver le moindre confort dans la position assise... Et n'arrêtait pas de penser à toutes ces choses qu'il ne comprenait pas. C'était dingue, il savait nommer ses ressentis sans être capable de les expliquer... Ce qui rendait sa frustration d'autant plus grande. Et puis pourquoi continuait-il de se dire qu'il lui manquait quelque chose ? La crise de larmes qu'il avait eue à subir avant de partir, il s'en souvenait fort bien. Ce genre de choses, ça ne lui arrivait jamais. Non, vraiment, il détestait ça et faisait toujours tout pour éviter d'exprimer un hypothétique mal-être de cette manière. Sauf que ce matin, impossible de se retenir : les larmes s'étaient échappées de ses yeux sans penser à lui demander son consentement.

Un miracle qu'il ait réussi à trouver la motivation de venir même si à ce moment-là, ses yeux avaient adopté le même genre de teinte que son nez. Un rouge pâlot mais tout de même bien présent.

Stiles ne saurait décrire avec justesse l'état dans lequel il se trouvait et ce, pour une raison fort simple : il ne comprenait pas ce qu'il lui arrivait, ni ce qui avait bien pu se passer pour qu'il se sente aussi fébrile. La douleur lancinante – mais supportable – au bas de son dos le poussait de plus en plus à essayer de réfléchir à un acte passablement... Intime. Le truc, c'est que ça ne collait pas. Stiles se savait bisexuel, mais avec une petite préférence marquée pour la gent féminine, alors à moins qu'il ait désiré tenter quelque chose de radicalement différent avec l'une de ses représentantes... Et puis même, avec qui ? Comment ? L'expérience avait-elle été trop particulière, au point qu'elle ait pu le traumatiser, créant une espèce d'amnésie à ce sujet ? Si la fin de sa réflexion était la bonne, son point d'origine était à revoir. Dans tous les cas, Stiles devait trouver un moyen de se souvenir... Au moins du minimum. Il ne pouvait décemment pas se contenter du peu qu'il savait – autrement dit, quelque chose avoisinant le zéro absolu.

Ainsi passa la journée de l'hyperactif. A ressasser cette absence, ce trou de mémoire et ces douleurs que le déni l'empêchait de comprendre. Quelque chose le bloquait, c'était certain, mais quoi ? Lorsqu'il rentra chez lui, le jeune homme s'installa à son bureau et prit le soin de mettre un coussin fort moelleux sous ses fesses, histoire de réduire cette fichue douleur de merde. Déjà qu'il avait passé sa journée à changer plus ou moins de position sur sa chaise, s'appuyant tantôt sur une fesse, tantôt sur l'autre, autant ne pas continuer dans la torture. Chez lui, Stiles pouvait privilégier son confort sans qu'on le regarde mal ou qu'on le juge. C'était d'autant plus vrai que la maison était vide – son père ne rentrerait sans doute qu'après le repas. Stiles avait, techniquement, le champ libre pour réfléchir tranquillement sans être interrompu. De même, il n'éteignit pas son téléphone. Il s'agissait d'un oubli, mais celui-ci n'avait rien de dérangeant étant donné que personne ne lui avait envoyé le moindre message ce jour – peu de chance donc qu'il en reçoive un dans les heures qui allaient suivre.

Stiles mit toutes les chances de son côté et s'attela à se stimuler de toutes les façons possibles. L'angoisse qu'il ressentait avait un tel pouvoir sur lui qu'il se laissa aller à essayer de méditer. Méditer. De faire tous ces trucs que conseillaient parfois les psys à leurs patients. Celle qu'il voyait de temps à autres avait essayé de le convertir à ces choses-là, sans succès. D'une part parce que certaines techniques n'étaient pas compatibles avec son TDAH – en particulier cette hyperactivité toujours aussi difficile à contrôler. Avec les médicaments, il dominait son corps, mais pas sa tête. Elle pensait trop et le rythme de ses pensées ne diminuait pas assez par rapport à ce dont il aurait besoin pour méditer.

Il essaya même s'il savait pertinemment que cela ne fonctionnerait pas. Il essaya de tout son être, de tout son cœur. S'il obtint un résultat ? Pas le moins du monde, ses souvenirs restaient bloqués en lui. Ainsi, il passa à une autre méthode... En laquelle il n'accordait pas davantage de crédit. Mais Stiles avait besoin de savoir, ce qui justifiait l'utilisation de toutes les techniques qui lui venaient à l'esprit. Cette fois-ci, il s'agissait d'écrire sur une feuille tous les mots qui lui venaient lorsqu'il pensait à cette situation. A part néant, confusion et angoisse – suivis de leurs dérivés et synonymes –, rien ne lui apparut. Le jeune homme tint à s'acharner jusqu'à ce que son corps lui dise stop. Comment ? En étendant la douleur de son fessier jusqu'à ses épaules. Il avait besoin de s'allonger un peu. Stiles s'avoua vaincu et céda à un certain désespoir, lequel le terrifiait. Enfin, force était de constater que sa mémoire ne voulait pas fonctionner. Pourtant, elle était prête.

Elle attendait juste le moment où il irait poser sa tête sur son oreiller.

L'union des corps (Stackson)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant