Stiles imaginait régulièrement ses actions durant une fraction de seconde, avant de les réaliser. Il s'agissait d'une vieille habitude qu'il avait depuis tout petit. C'était un toc, un truc qu'il faisait presque par réflexe pour se rassurer, en particulier lorsque quelque chose le travaillait. Il n'avait pas besoin d'en avoir réellement conscience : son esprit agissait seul et en avance sur sa conscience. Stiles se retrouvait en général face à la duplicité de ses actes d'abord imaginés, puis exécutés.
Cette fois-ci différa de toutes les autres.
Dans l'idée, il était censé se lever d'un bond et, le cœur battant, se saisir en quatrième vitesse de ses vêtements avant de les enfiler et de descendre manger un bout avant de partir. Parce que son alarme avait sonné... Or, il ne s'agissait pas de la première, mais bien de l'une de ses nombreuses répétitions... Ce qui signifiait qu'il se rapprochait dangereusement d'un potentiel retard. Ainsi, se dépêcher était essentiel et cela ne posait pas de problème à l'hyperactif, qui avait l'habitude de faire les choses dans l'urgence – enfin lorsqu'il pouvait s'éviter ce genre de situation, il le faisait bien volontiers. L'adrénaline pouvait aider à se montrer efficace, tandis que son voisin le stress n'avait pour vocation que de lui nouer le ventre.
Ainsi, tout était censé se passer rapidement et sans encombre.
La première chose que ressentit Stiles lorsqu'il se redressa fut un vertige sans précédent, lequel le poussa à s'appuyer sur son coude pour ne pas retomber lamentablement sur son lit et risquer de se faire à nouveau happer par le sommeil – particulièrement perfide lorsqu'il le voulait. Stiles ferma à nouveau les yeux en grimaçant. Se presser, oui. Aller trop vite ? Mauvaise idée. Malgré le peu de temps qu'il avait, il était clair que vouloir aller plus vite que la musique ne ferait rien de moins que le ralentir. De sa main libre, il se pinça l'arête du nez, prit le temps d'inspirer et d'expirer lentement. S'agissait-il d'une façon de remettre sa tête d'aplomb ou bien de calmer cette angoisse silencieuse qui le prenait depuis son réveil ? C'était étrange, parce qu'elle ne disparaissait pas, ne mutait pas non plus. Elle restait inchangée, le chevillait au corps sans qu'il ne comprenne pourquoi. Et il ne chercha pas davantage. Dans sa tête, tout était flou – autant dire que Stiles n'avait pas la moindre envie de se perdre dans des réflexions un peu trop vastes pour sa conscience à peine éveillée – et ce, dans tous les sens du terme.
Allez, s'encouragea-t-il, tu vas pas y passer la journée. S'il n'avait pas encore prononcé le moindre mot, sa propre pensée lui parut pâteuse, mâchée. Comme si juste faire ça, c'était difficile et que sa tête nageait dans un brouillard étrange. L'opacité n'était pas complète. Néanmoins, suffisamment importante pour qu'il se rende compte de sa présence. Qu'elle le gêne. Qu'il commence à s'interroger à ce sujet. Stiles décida néanmoins de passer outre. Pas le temps. Son alarme retentit à nouveau, lui rappelant ainsi qu'il avait à se presser. Les professeurs ne l'attendraient pas pour commencer leurs cours, ses amis non plus et... Stiles bloqua. Amis. Amis. Amis. Quelque chose en lui se noua. Sa gorge, son ventre, peut-être les deux.
Pourquoi ce mot le mettait-il soudain mal à l'aise ?
Stiles était incapable de décrire ce qu'il lui faisait précisément ressentir, néanmoins... Il se sentit mal, inconfortable, comme si ce terme, aussi anodin puisse-t-il paraître, avait une importance particulière. Enfin, l'hyperactif tenta à nouveau de se recentrer : il aurait le temps de réfléchir en cours, à son bureau. Ce serait toujours plus utile que de somnoler devant le tableau parce qu'il connaissait déjà la notion de mathématique du moment. Mais là, non. Pas maintenant. Et pourtant, il s'y attarda malgré lui et la chose lui parut si irrésistible que cette angoisse sourde qui l'habitait sembla lentement grandir, gagner en importance. Stiles s'efforça de la mettre de côté. Se lever. Il devait se lever. Rien d'autre.
Mais se redresser fut d'une difficulté si grande que Stiles la jugea automatiquement étrange. Le pire restait cependant à venir et il en eut la preuve quelques instants plus tard, lorsqu'il atteignit – péniblement – la position assise. Pourquoi ? Parce qu'il ne la supporta pas. De son postérieur irradia une douleur aussi forte que... Bizarre ? Mal placée ? Car Stiles jugea instantanément qu'elle n'avait pas lieu d'être et pourtant... Elle était là, partant de son fessier pour s'étaler, atteindre ses cuisses, son bas-ventre. Des zones que Stiles savait douloureuses pour certaines femmes lorsqu'elles avaient leurs règles. Fut un jour où Lydia l'avait pris à part pour lui faire un cours, et... Stop. Là n'était pas le sujet. Les sourcils froncés, il dut à nouveau se reconcentrer sur ce qui était important et qu'il devait faire. C'est alors qu'il remarqua d'autres choses – en se rallongeant à moitié. Il se sentait inconfortable, à l'étroit... Or, son pyjama était large et doux... Et il ne le portait pas. Non, ses jambes étaient engoncées dans son jean, il portait un t-shirt sale surmonté d'une chemise qui tombait de ses épaules. Puis des chaussettes aussi. Le hic, c'était que Stiles ne les gardait jamais pour dormir – il détestait ça. Un sentiment étrange le prit. Il détailla sa tenue et subit le frisson qui le parcourut de part en part. Glacial, il était lié à une pensée survenue en un instant. Elle avait l'allure d'une évidence, l'inconvenance de l'impossible.
Parce que ces vêtements-là, il les avait portés la veille et il ne lui était jamais arrivé de les garder une fois parti pour aller au lit. Même épuisé, il se changeait toujours. Alors pourquoi cette fois-ci avait-elle été différente ? Stiles réessaya de se rassoir, et il y parvint en faisant autant que possible fi de cette douleur entêtante, mais pas foudroyante. Sauf qu'elle était là et le dérangeait fortement, au point que l'inconfort suppléa à la souffrance en elle-même. Impossible pour lui de l'ignorer réellement, de ne pas se poser mille et unes questions à ce sujet. De toute faire pour ne pas envisager l'inenvisageable – il n'y pensait pas, ou du moins pas consciemment. Comment pourrait-il y songer ? Il ne flottait dans la tête de Stiles rien de moins qu'un brouillard dont l'opacité empêchait l'accès à ses souvenirs les plus récents. Il se dissipait, trop lentement toutefois pour que Stiles puisse réfléchir en profondeur.
Se mettre debout s'avéra constituer une épreuve certaine pour le jeune homme, à qui l'énergie manquait. Pourtant, il avait dormi – profondément, lui semblait-il. Avait-il seulement passé une nuit complète ? Il ne lui semblait pas s'être couché bien tard, comme s'il avait joué aux jeux-vidéos trop longtemps... De toute façon, jouer, ça ne faisait pas mal... Aux fesses. Pas comme ça. Il fallait être resté assis sacrément longtemps pour développer des escarres pareilles. Sauf que la douleur, Stiles la sentait interne. Plus profonde. Elle venait clairement de l'intérieur et... Et l'esprit du jeune homme divagua – encore. Ce qui domina en lui, ce furent ses ressentis. Il n'eut pas un semblant de réflexions – elles cessèrent de naître dès lors que son angoisse revint à la charge. Elle prit la forme d'une vague, une déferlante aquatique si inexplicable qu'elle n'en fut que plus violente. Elle rendit Stiles muet, le musela de part en part. Tout son être se paralysa, niant il ne savait quoi en bloc. Sa gorge se noua d'ailleurs si soudainement que Stiles eut l'impression que sa respiration s'en retrouva coupée – c'était faux.
Et pourtant, il les sentit, les larmes qui se mirent à couler sur ses joues. Elles dégringolèrent sans crier gare, sans lui laisser le temps de comprendre ce qu'il se passait. Stiles se sentait très mal, c'était un fait.
Mais il n'imaginait pas se mettre à pleurer sans aucune raison apparente.
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L'union des corps (Stackson)
Fanfic(Version Stackson) Un aphrodisiaque surpuissant égaré au milieu du loft va semer la zizanie au sein de la meute de Beacon Hills et mettre à nu chacun de ses membres pour le meilleur comme pour le pire. La soirée, tout d'abord catastrophiquement érot...