Chapitre 8

169 14 0
                                    


Stiles ne touchait pas Scott du regard mais Scott touchait Stiles de ses mains. Une différence de taille aux conséquences aussi différentes que dévastatrices, et qui ne tarderaient pas à émerger, avoir l'effet d'un raz-de-marée.

L'humain laissait ses yeux divaguer, mais ceux-ci ne quittaient pas le plafond. Ils n'avaient plus rien de leur teinte whisky si distinctive, plus rien de cette lumière constante qui y enfermait tant de nuances. Ils étaient vides et son âme... Aspirée par les gestes de Scott, emprisonnée à l'intérieur de sa tête, repliée sur elle-même dans l'un de ses coins. Il ne sentait rien, ne voyait rien. N'était que silence, néant, réduit à l'état d'un rien dont il ne fallait pas douter. Complètement inanimé, Stiles semblait s'être transformé en un objet, complètement dépossédé de tout ce qui faisait de lui un être humain.

Certaines choses s'étaient passées, d'autres non, mais l'âme de Stiles avait été submergée par une vague de froid sans précédent... La même vague glaciale qui avait dépourvu l'humain de toute forme de sensation. Rendu apathique, servile... Complètement manipulable. Le catalyseur de cet état n'était pas le choc – pas complètement. Il s'agissait surtout de la drogue qui le privait de sa lucidité, de sa conscience... Et qui rendait tout trop... « Trop. » Dans sa tête, c'était comme si quelque chose avait explosé, éteignant la plupart de ses lumières.

Et sa lumière.

Son corps avait chaud, parfois froid. Mais l'intérieur, lui, restait glacé. Stiles savait sans sentir. Sentait sans savoir. Sa passivité était totale... Et son monstrueux besoin de sexe n'était rien de plus qu'un souvenir. Il avait disparu d'un coup d'un seul, dès lors que Scott s'était emparé de lui. Sous ses mains, il avait perdu le peu de conscience qui lui faisait voir le moment présent et profiter malgré lui. Car s'il n'avait pas pu émettre le moindre consentement par rapport à tout ce qui était d'ores et déjà arrivé, ce qu'il avait ressenti n'était en rien comparable à ce qui était à l'origine de cette rupture avec la réalité. Rupture avec les sensations, la connaissance, la vie.

Et dans cet état, il n'était rien de plus que la proie idéale... Celle dont Scott rêvait depuis des jours déjà. Quoiqu'il préférait un Stiles conscient et en pleine possession de ses moyens, mais... Qu'y pouvait-il si l'humain n'était pas des plus coopératifs ? Puisqu'il n'avait pas eu l'air décidé à lui faciliter la tâche, Scott avait dû prendre la décision de lui ouvrir les yeux par la force. De son côté, il ne considérait cette substance diablement puissante que comme un petit coup de pouce qui mettrait Stiles devant ce qui était pour lui un fait accompli... Sa vérité. Et c'était seulement après cela, qu'il consentirait à vivre leur relation, à se rendre compte de l'évidence qu'elle représentait.

La soumission totale de Stiles en était une, selon Scott. De ce qu'il savait, la drogue n'était censée que le rendre excité et simplement docile, ivre d'un plaisir auquel il devait s'abandonner : il interprétait alors son immobilité totale comme une acceptation directe de sa personne.

Scott, tout sourire, considérait par ce fait que Stiles le désirait. Parce qu'il était farouche, son humain. Le plus flamboyant qu'il ait connu. S'il ne résistait pas même un peu, c'était qu'il le voulait. Lui, Scott McCall. C'était là toute la dangerosité de l'obsession qui le gangrénait depuis un temps inconsidérable. Scott n'avait jamais été exemplaire, mais il était désormais pourri jusqu'à la moelle.

Irrécupérable.

La façon dont il avait vrillé s'était avérée lente, extrêmement progressive et nul ne pouvait deviner quel en avait été le déclencheur. Sa façon de ne pas ignorer cette attirance qui n'avait pas lieu d'être et à laquelle Stiles n'avait jamais répondu. Au lieu d'accepter ce simple fait, il avait persisté à y croire, jusqu'à y voir des signes qui n'existaient que dans sa tête. Et le voilà, prêt à commettre l'irréparable, à souiller autant de ses mains que de son âme non seulement le corps, mais aussi et surtout la psyché de son meilleur ami... Qui n'avait rien demandé et dont le seul défaut était sa naïveté... Son aveuglement face à une situation qui le dérangeait. La drogue, c'était une autre histoire.

Mais si Stiles se pensait complètement ailleurs et ne ressentait rien, son corps, lui, sentait. Ses yeux voyaient. Son absence éphémère ne lui épargnerait pas le souvenir, ne lui accorderait pas le bonheur de l'oubli.

Quelque chose en lui s'était d'ores et déjà détruit... Il n'en avait pas conscience, tout comme il ne se doutait pas de l'importance des premiers dégâts qu'il avait à subir, à lui qui n'avait même pas eu la force de se rendre compte... Et de dire non.

Au-dessus de lui, Scott ne souriait plus depuis un moment mais son regard laissait voir une lueur des plus dangereuses, à savoir le reflet de ses désirs les plus sombres et les plus profonds. Ses propres vêtements retirés, il mira le corps offert qui lui faisait tant envie et qui ne faisait plus que peupler ses rêves : il était réel, tangible. Il y avait désormais accès. Sous ses doigts, la peau des cuisses nues de Stiles frémit et il s'installa correctement entre elles. Stiles l'attendait, il était là, il se languissait forcément de le sentir en lui ! Son toucher, ses baisers, ses caresses avaient forcément dû commencer à lui ouvrir les yeux... Scott se mordit la lèvre inférieure avec envie tandis qu'il contenait au mieux ces pulsions conscientes qu'il laisserait s'exprimer d'ici quelques secondes.

En aurait-il seulement l'occasion ?

Trop obnubilé par le crime bienheureux qu'il comptait commettre sciemment, Scott n'entendit rien, si ce n'est le souffle irrégulier et fébrile de Stiles, les battements désordonnés de son cœur qui, au contraire de son corps, réagissait. C'était uniquement sur lui qu'il se concentrait, persuadé de ne pas avoir besoin de faire attention à quoi que ce soit d'autre – il n'avait même pas fermé la porte de la chambre à clé. Pourquoi faire ? Oui, pourquoi se serait-il embêté à assurer sa tranquillité alors qu'il savait l'entièreté des occupants actuels du loft trop occupés à se sauter les uns les autres ? Alors même si les choses ne se passaient pas exactement comme il l'avait prévu... Scott trouvait que c'était mieux ainsi. Fort de son immunité grâce à l'antidote à ce poison qu'il avait pris par avance, jamais il n'alla penser qu'il risquait d'être dérangé... Que l'on chercherait à avorter ce qui était d'ores et déjà un viol mais que lui ne verrait pas comme tel. La perception des choses... Scott l'avait altérée. Que cela soit désiré ou non, les faits étaient là : pour lui, ce qu'il faisait n'était pas mal... Encore moins si c'était pour son bon plaisir.

Scott fit donc une erreur, et pas des moindres, en concentrant ses sens lupins sur Stiles... Et non sur un potentiel danger quant à la réalisation physique de son obsession. Ainsi il n'entendit pas les pas quelque peu fébriles, la respiration lourde d'un être au regard vitreux pas complètement dépourvu de lucidité. Jackson Whittemore était peut-être encore victime de cette substance qu'il était incapable de sentir, mais il n'était pas complètement impotent. Manque de chance pour Scott, il avait réussi à se défaire momentanément de son emprise, des bras de Liam... Et le voici, son regard glacial posé sur l'alpha. Des doigts de sa main gauche sortaient ses griffes non pas de loup, mais de kanima.

Et Scott ne se douta de rien, ne vit pas le coup venir... Sentit simplement les griffes lorsqu'elles se plantèrent dans son épaule sans ménagement. Le latino écarquilla les yeux et, sans lâcher Stiles, tourna la tête vers Jackson. Il le fixa de son air ahuri qui comprenait alors même que le kanima avait repris sa main. Sur ses griffes, du sang, mais pas que. Et Scott sut qu'il aurait dû penser à fermer cette putain de porte à clé, peut-être même qu'il aurait mieux valu pour lui emmener Stiles hors du loft, loin de la meute.

Loin de ce kanima qui devrait avoir oublié l'existence de Stiles pour se perdre dans le premier loup venu.

La colère naquit dans les orbes ébènes de l'alpha qui ne prit pas la peine de dire un mot, tout comme il n'essaya pas de se jeter sur lui pour lui faire regretter son geste : déjà son corps s'éteignait, ses muscles se relâchaient, il s'effondrait.

Mais ses prunelles furieuses ne quittèrent pas le visage de Jackson qui, lui-même, arborait une expression plus que glaciale. De même, celui-ci ne prononça pas un mot et si sa démarche restait quelque peu hésitante, son regard ne l'était pas. La gêne ne semblait pas l'affecter à tel point qu'il ne semblait même pas avoir conscience du fait qu'il était, comme la plupart des membres de la meute à l'heure actuelle, nu comme un ver.

Quelques secondes plus tard, Scott se retrouva seul dans la chambre, le nez dans les draps, paralysé mais plein d'une ire qui n'était pas près de se calmer.

L'union des corps (Stackson)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant