Chapitre 2

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Lisant dans son regard la curiosité de sa fille, Azano se leva, et désigna la petite carte. Son doigt glissa sur les représentations de diverses villes, rivières, montagnes, faisant le tour de lieux marqués par de petites punaises rouges qui laissaient un minuscule impact dans le papier fin.

- Ces endroits ont été victimes d'attaques, expliqua-t-il d'une voix qu'il voulait grave. Toujours le même mode opératoire, ils arrivent, détourne notre attention, et détruisent quelques demeures avant de fuir comme des rats.... Parfois, ils s'en prennent même aux civils ! Ces êtres infâmes nous passent entre les doigts à chaque fois, et aucun de mes gardes n'arrive à régler ce problème !

Son poing enragé se serra, contre le bois épais de la table, avant de se calmer. Alira observa son père quelques instants, écoutant chacune de ses paroles avec beaucoup d'attention.

- A-t-on identifié de qui il s'agissait ? interrogea-t-elle. Il faut vite mettre un terme à ces agressions au plus vite !

Le roi laissa échapper un petit rire satisfait. Sa fille le comprenait, et il ne pourrait être plus fier qu'en ce moment. Il se laissa tomber sur son siège, frottant sa nuque avec appréhension.

- Bien entendu, que crois-tu... souffla-t-il d'une voix contrariée. Sans surprise, il s'agit de ces traîtres, que nous avons bannis...

Sa main glissa de nouveau sur la petite carte, et il tapota une chaine de montagne, entourée d'un sol rocailleux, à l'ouest d'Erizia. La contrée d'Isilo. Ce lieu n'était qu'une prison où Azano envoyait ceux qu'il jugeait dangereux, et ne pouvait les tuer.

Les enfermer à perpétuité ne constituait pas une solution. Chaque habitant ici était doté d'un pouvoir, plus ou moins fort, acquis dès la naissance. On apprenait ensuite à le perfectionner, lorsqu'il était assez intéressant, ou on le laissait de côté. L'élite, pour qui le hasard faisait bien les choses, était souvent destinée à entrer dans la garde royale. Au fil des années, on avait constaté que les meilleures magies apparaissaient en même temps qu'une longévité accrue, permettant aux plus forts de durer longtemps, et, ainsi, rien ne garantirait l'heure de la mort de ces traîtres s'il se contentaient de les enfermer, et leurs prisons seraient, au goût du souverain, bien trop pleines.

Celui-ci, deux siècles auparavant, avait pris le pouvoir en chassant une bande de rebels, qui, par leurs actes de violence, menaçaient la paix du royaume. Il était destiné à régner, et son père, âgé, était mort au combat. Bouillonnant de rage, il avait créé, pour les survivants ennemis, la contrée d'Isilo. Sa propre magie permettait de prendre le pouvoir d'un autre, après l'avoir vaincu, et, si Azano était assez puissant -ce qui était toujours le cas-, de l'absorber sans pitié, ou de le sceller. Il avait ensuite le loisir d'achever ses victimes, ou de les maintenir en vie sur ses terres, lorsqu'il jugeait amusant de garder leur force dérobée.

Ces êtres étaient donc faibles, et loin de constituer une menace, si un petit groupe de citoyen n'avait pas décidé, tout en conservant leur magie, de les rejoindre ; en effet, rien ne pouvait servir de frontière à ces terres désolées.

Azano se tourna vers sa fille, qui réalisa immédiatement l'ampleur de la menace. Ses sourcils se froncèrent en signe de détermination.

- Père, laisse-moi m'y rendre ! implora-t-elle. Je prendrai mes dagues, et terrasserai une bonne fois pour toutes ces monstres ! 

L'homme aux cheveux noirs, qui, jusque là, était resté silencieux, nia d'un signe de tête. Le roi lui accorda, d'un signe de main, la parole, et il se leva à son tour pour approcher la carte. Le monarque tressaillit en le voyant repousser la chaise au loin, ce que son conseiller remarqua aussitôt, et corrigea avec la plus grande minutie.

Les traîtres d'EriziaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant