Chapitre 1

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Un matin, alors que l'aube se levait sur le royaume d'Erizia, la première agitation de la journée se faisait entendre. Les rayons du soleil baignaient d'une douce lueur les rues aux pavés rocailleux, offrant un agréable jeu de lumières aux murs colorés de teintes chaudes qui bordaient chaque côté des allées. De petits bourgeons, naissant dans des espaces verts réservés sur chaque trottoir, se réveillaient, laissant tomber d'humides gouttes de rosées contre l'herbe fraîche. La ville d'Alizor avait toujours offert aux voyageurs qui s'y aventuraient un paysage magnifique, et la ravissante capitale était louée autour du monde comme le lieu le plus paisible et agréable ayant jamais existé.

Si l'endroit offrait une sublime réputation à ce pays, ses habitants n'avaient pas à en rougir. Leur ponctualité les faisait lever tôt le matin, et, vers 7h, un joli cortège de passants envahissait déjà les rues. Tous étaient connus pour leur politesse et leurs manières irréprochables, ainsi que leur respect, presque insipide, pour chaque mot qu'on leur offrait. Ainsi, personne n'osait contredire ce petit rythme, et ceux qui faisaient différemment, bien que très rares, étaient, sans être ouvertement jugés, perçus comme assez inhabituels.

Cette agitation était sérieusement régie par le roi, un homme majestueux qui apparaissait au public tous les samedis matins. Il s'approchait de la place centrale, saluait le peuple, les honorant de sa simple présence. Il serait totalement fou de dire qu'une personne parmi tant d'autre puisse vouer une quelconque animosité à cet homme si ordonné, si attaché à ses bonnes habitudes et à ses principes. Lorsqu'une décision importante devait être annoncée, ce qui arrivait très rarement, l'attention du peuple entier s'y concentrait, certains n'hésitant pas à faire des jours de marche pour rencontrer sa majesté en personne.

En effet, cette charmante contrée n'était équipée que d'un minimum de technologie. Le roi la visualisait comme une perte de son précieux temps, contrairement à leurs quelques voisins, qui s'étonnaient toujours de voir des piles immenses de courrier amenées en calèches aux villes voisines. Celui-ci, dans la capitale, était récupéré à 8h le dimanche, et à 6h les autres jours ; les habitants se pressaient d'eux-mêmes pour être au rendez-vous, et récupérer dans le tas déposé là une quelconque lettre à leur attention.

Ce petit rythme, parfois jugé contraignant par les visiteurs, leur plaisait toutefois parfaitement, et leur civilisation renvoyait l'image d'un lieu calme et ponctuel. Quelques gardes, absurdement postés aux coins de quelques rues, patrouillaient la journée durant, afin de repérer un éventuel problème pouvant entraver la paix si chère aux yeux de tous. 

Cette activité était réclamée par le palais royal, un vaste bâtiment aux murs blancs comme la neige, sommet de l'architecture de ces lieux. De hautes colonnes sculptées de scènes mythiques du fondement du pays ornaient l'entrée, quelques batailles importantes y étaient contées d'une manière si impressionnante qu'il était impossible, si on n'y habitait pas, de ne pas laisser son regard s'attarder sur les divers détails représentés.

À l'intérieur, de larges couloirs pavés d'un carrelage aux reflets semblables à ceux des opales, pierres favorites du roi pour leurs associations variées de couleurs, créaient une atmosphère engageante. De nombreuses ailes, correspondant aux chambres, salles de réunion, de dîner ou autres pièces, entouraient cet immense bâtiment. Le couloir principal, plus vaste encore, était illuminé par d'immenses fenêtres teintées d'un verre bleu dont la couleur pure rappelait le ciel ensoleillé. Il menait à la salle du trône, où le roi demeurait installé chaque matin, au réveil de sa demeure. Les mèches dorées de sa chevelure reflétaient les lueurs portées par les associations de couleurs environnantes, tandis que ses yeux émeraudes lui donnaient un regard perçant et délicieusement fascinant.

Mais ce matin, il n'était pas le premier à se préparer à cette petite tradition journalière. Une jeune femme, dont les cheveux clairs rappelaient la lumière du soleil, se préparait dans sa vaste chambre. Elle s'approcha des rideaux de velours cramoisi, jetant un vif coup d'oeil dehors pour admirer l'aube sur ce lieu si cher à son cœur. Sachant qu'elle n'avait que peu de temps, elle se hâta de rejoindre sa longue garde-robe, un meuble de chêne si immense qu'il pouvait renfermer autant de parures qu'elle le désirait.

Elle en extirpa une longue robe bleue nuit, aux fines manches couvertes de broderies imaginées par un couturier de renom. Elle se dévêtit rapidement de sa robe de chambre froissée, qu'elle jeta sur le matelas derrière elle, et enfila la tenue qu'elle avait choisie. Trouvant le décolleté un peu vide, elle sortit d'une large boite noire un collier de pierres si éclatantes qu'elles rappelaient les astres qu'elle aimait, si innocemment, observer le soir, depuis le balcon de sa chambre.

Connaissant l'importance du rendez-vous auquel elle assisterait dans quelques instants, elle fit accompagner ceci d'une paire de talons bas, ayant horreur d'être gênée dans sa démarche. Quelques petites lacets montaient sur ses jambes, mettant en valeur, du peu qu'on voyait, ses mollets fins et musclés.

- Dame Alira, dépêchez ! cria un homme, dehors. Votre père vous attend !

La jeune femme soupira. Son paternel, Azano, n'était autre que le roi de la contrée, faisant d'elle une princesse aux mille responsabilités. Elle ne s'en était jamais plainte, toutefois, et se sentait honorée d'assister un personnage si important. Sa mère, une femme fort cultivée, d'après les dires, avait perdu la vie alors qu'Alira n'était qu'un bébé, et cela donnait à la jeune femme, du haut de ses vingt ans, la responsabilité d'aider son père.

La princesse sortit, réajustant un diadème d'or posé sur son crâne, et salua le garde qui l'avait tant appelée.

- Excuse-moi de t'avoir fait attendre, Lucius, annonça-t-elle d'un ton navré. Je me préparais pour cette importante réunion...

L'homme ne put qu'acquiescer d'un signe de tête respectueux, et s'avança à travers les couloirs aux côtés de sa protégée. Depuis la naissance de la jeune femme, il avait reçu pour ordre de s'occuper d'elle, lorsqu'elle était au château -et donc, la majorité du temps. Ses cheveux gris, tombant légèrement sur le sommet, avaient vu des jours meilleurs, et son costume anthracite était en tout point identique depuis deux décennies, soit le temps qu'elle l'avait connu. Sa démarche boiteuse, dûe à un problème de hanche non résolu, contrastait avec l'allure gracieuse et enthousiaste de celle qui l'accompagnait.

Tous deux traversèrent quelques couloirs, enchantés par la lueur matinale qui faisait revivre sa jeunesse au vieil homme, jusqu'à la salle de réunion. Une haute porte, de couleur crème, la fermait, mais quelques voix passaient à travers cette barrière. La princesse, curieuse, reconnut le timbre doux et maniéré de son père, accompagné par moments d'une intonation grave et profonde qu'elle ne connaissait pas.

Elle toqua doucement à la porte, sentant le bois rugueux contre ses doigts fins. Des pas légers se firent entendre, jusqu'à ce que la silhouette d'Azano apparaisse dans l'encadrement. Son costume aubergine mettait en valeur sa chevelure brillante et ses yeux clairs, tandis qu'une chemise de soie blanche apparaissait derrière le col fin de sa veste. Une chaînette dorée était accrochée à celle-ci, et plongeait dans une petite poche qui renfermait une montre, très utile pour identifier l'heure de ses rendez-vous.

- Ma chère fille ! s'écria-t-il de son habituelle voix joviale, offrant une étreinte à la nouvelle arrivée. Je t'attendais, justement. Viens, entre !

Lucius s'écarta, et laissa la jeune princesse s'avancer dans la pièce. La lourde porte se referma derrière elle. 

La salle de réunion était composée d'une immense table de bois, autour de laquelle un groupe de chaises étaient disposées, au millimètre près. Une grande fenêtre, donnant sur un jardin débordant de verdure, illuminait la pièce, tandis qu'une branche d'un grand arbre filtrait quelques uns des rayons du soleil à travers ses épaisses feuilles de diverses nuances de vert.

Un homme aux cheveux noirs, à la figure sévère, se tenait là, observant calmement la famille royale. Ses petits yeux bleus étaient cernés de lunettes aux verres assez épais. Son costume était parfaitement soigné, et il donnait l'impression d'être une personne fort organisée, ce à quoi Azano accordait une immense importance.

Alira s'avança, et prit place sur une petite chaise, à l'extrémité de la table, comme elle avait toujours eu l'habitude. Elle attendit que son père prît place, et porta son attention sur le plan disposé entre eux, sur le support de bois.

- Écoute moi bien, commença le roi, ce que je vais te dire là est très important... Je te confie une mission des plus délicates.

Impatiente de comprendre de quoi il s'agissait, la blonde s'avança légèrement, dévoilant son désir d'en savoir plus 

Les traîtres d'EriziaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant