Chapitre 2b. Voilà qu'on se réveille enfin !

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A peine arrivé chez lui, son téléphone sonna. C'était le professeur qui lui annonçait qu'il commencerait le lendemain à huit heures. Le lycée était à plus d'une heure de transport de chez lui ; il devrait donc se lever aux aurores. Et il le ferait sans rechigner, par respect pour cette main tendue.

Le soir à table, Rémi annonça la nouvelle à ses parents, qui l'accueillirent avec circonspection. Devant ce peu d'enthousiasme, il comprit qu'il devrait faire ses preuves et montrer qu'il était capable d'un minimum de sérieux, qu'il était capable de tenir le rythme.

Car ce nouveau rythme était plus soutenu que ce qu'il n'avait jamais connu. Il devait partir le matin à 6h30 et rentrait vers 19h. Mais ça, c'était quand il n'y avait pas de problèmes de train et qu'il ne restait pas bloqué à la Gare de l'Est jusqu'à 21h. Il y avait bien toujours une panne de signalisation, des usagers qui traversaient les voies ou une grève. Ces allers-retours à l'autre bout de Paris étaient la partie la plus épuisante de cette nouvelle aventure. Car il passait presque trois heures par jour à faire la navette entre chez lui et l'établissement. Mais une petite routine s'installa progressivement. Il prit l'habitude d'enfiler ses écouteurs aussitôt qu'il partait de chez lui pour ne les enlever qu'une fois arrivé à la grille du lycée. Chaque jour il se donnait rendez-vous avec Trivium, Angra, Rhapsody of Fire et bien d'autres encore. L'atmosphère épique de ces groupes de métal l'aidait à surmonter cette épreuve que tout bon francilien connaît. Ca l'empêchait de prêter attention aux importunités des transports en commun, véritable transport de bétail. Toutefois, contrairement aux animaux, les humains sont doués de parole. Alors râleries et insultes s'invitaient à la fête pour égayer encore un peu l'atmosphère morose qui pesait sur ces convois. A les voir, c'était à croire qu'ils n'avaient pas d'autres buts que de payer leurs factures, leur bouffe et leur loyer. Leurs regards étaient vides. Ils attendaient le week-end avec impatience. Mais bon dieu ! Ils étaient à Paris, la ville lumière, the city of love, la capitale la plus visitée du monde ! De quoi pouvaient-ils bien se plaindre ? Des gens tueraient pour être à leur place. Il n'y avait qu'à traverser la rue pour trouver du travail ici. Ils devraient plutôt remercier leur patron d'avoir eu l'obligeance de les embaucher. Rémi se disait que c'était ce qui l'attendait bientôt. Il se disait qu'il ne manquait plus que des coups de fouet pour ôter la dernière once d'humanité que possédaient ces pauvres gens. Alors pour plusieurs dizaines de minutes, il se noyait dans ce monde musical empli de distorsion. Il se réfugiait encore et toujours dans un monde imaginaire qui l'extirpait d'une réalité qui lui faisait peur. Son corps n'était plus qu'une enveloppe vide allant machinalement à destination.

Une fois en classe, le supplice semblait se poursuivre. Car au début, il ne connaissait personne et personne ne semblait lui ressembler véritablement. Ils avaient pourtant à peu près tous en commun de ne pas savoir ce qu'ils foutaient là. Mais ça ne suffisait pas à tisser des liens. Ils venaient des quatre coins de l'Île-de-France, tous perdus dans cette filière qui les formait à devenir managers des unités commerciales, un terme pompeux pour enrober le néant académique de la formation. Des coquilles vides assis à coté d'autres coquilles vides, ingurgitant des connaissances tout aussi vides, le tout orchestré par des formateurs qui n'ont jamais quitté la bulle de l'éducation nationale. Développement de l'unité commerciale, Relation client, Politique de marque, que de la grande érudition. Pour former à des bullshit jobs, il fallait bien créer des bullshit studies. A la limite, il y avait bien le droit de l'entreprise et l'économie qui étaient presque intéressants, mais Rémi avait bien du mal à accepter tout ce qui pouvait y être dit, notamment en économie. C'était plus fort que lui, il ne pouvait se résigner à entendre de telles inepties. Alors comme au lycée, il se révoltait. Mais la seule chose qu'il attirait était la condescendance de son professeur et l'absence de soutien de ses camarades qui se demandaient ce que Rémi pouvait bien raconter.

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 30 ⏰

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