Alphaël
C'est un adieu ! Wafa n'aime pas les adieux. Elle n'aime pas pleurer, en témoigne sa gêne quand elle se laissait aller à la tristesse dans mes bras. J'y repensais en regardant les mots qu'elle avait gravés sur le papier à tout jamais. Elle n'est pas très expansive à l'oral, mais à l'écrit elle l'est ! Je ne l'avais jamais réellement lu avant. Du moins, ce n'étaient pas des mots que je comprenais. Là, je comprends enfin ses mots et ils me touchent. C'est normal que je veuille faire un câlin à cette feuille tout en avouant : "J'ai peur ! Mais ne t'enfuis pas ! Reste avec moi !" ?
Je ne savais pas quoi faire. Mes yeux se perdaient sur le carnet de Wafa dont je n'étais jamais parvenu à identifier la matière. L'objet sentait encore son odeur. J'y pensais en inspirant toujours profondément. Je lissais le papier du bout des doigts. Elle m'aime et elle me le promet. Sans même le traduire, je suis sûr que c'est ce qu'elle m'a laissé.
Elle m'a laissé cette trace d'amour dans la plus belle des langues. Pour moi, cette langue n'appartient qu'à elle. Puis elle fut à nous lorsqu'elle m'a fait assez confiance pour me dire comment se disait je t'aime. Cette langue, c'est la liberté de pensée, car il existe des mots variés rien que pour exprimer et débattre sur une même chose. Ce sont des synonymes, a-t-elle dit ce même soir où elle m'a dit je t'aime. Elle tenait à m'apprendre quelques bases de Dialecte et ça m'intéressait.
Le mot synonyme reste pour moi une source de fascination et d'admiration. Comment on peut avoir une multitude de mots pour transmettre une idée identique ? Elle avait ri en rétorquant : "Dans le monde Sous-Pieds, les humains n'ont pas tous les mêmes idées et ne sont pas toujours d'accord. Parfois, ça se joue à quelques nuances et à quelques mots près. D'autres fois, ils sont d'accord sur quelques sujets, et là, ils sont contents et font la paix. La diversité !" a-t-elle conclu en souriant !
Je n'avais pas du tout compris cette partie conclusive. Mais j'avais déduit de mon côté que le mot diversité était peut-être comme le mot synonyme. Ça inclut une pluralité de choses. Alors peut-être que synonyme a pour "synonyme" diversité. Ouah, c'est bizarre d'utiliser deux fois le même mot dans une phrase. En Dialecte, ma pensée aurait-elle un sens ? Ici, il n'y a même pas de robot pour retranscrire la langue de Wafa. Ça me frustre ! Je pense à elle. Comment elle ferait pour traduire avec tout ça, Wafa ?
Je m'apprêtais à rire. Je voulais lui faire part de mon interrogation quand je me rappelais que j'étais seul dans le gîte que je partageais avec elle. Mon cœur se serrait autant que ma gorge. Je me forçais à inspirer par les narines aussi fort que je pouvais. Je ne voulais pas perdre le sens de comment respirer, de comment vivre.
C'est un adieu, hein !? Sinon elle m'aurait dit où elle était partie, n'est-ce pas ? Serait-ce de ma faute ? Je ne peux pas le croire après le soir si précieux où elle m'a avoué son amour. J'ai l'impression que ce soir-là était il y a une éternité. Mais je sais que c'était hier, pour ne pas dire il y a quelques heures. Si elle m'en avait voulu pour quelque chose, toutes ses affaires auraient disparu avec et elle. Or, de nombreuses choses lui appartenant sont restées : la gourde de compote, quelques vêtements, ainsi que son inestimable carnet. Mais à quoi cela rimerait de partir sans moi ?
Mes yeux secs me piquaient. Je ne comprenais pas ce qui m'arrivait. Je ressentais de la peur et de la tristesse. La peur ne m'était pas familière à un tel niveau. À ce stade, ce n'était même plus de la peur ! J'avais la sensation d'être une proie forcée de fuir le danger. Mais j'avais aussi le devoir de courir après ces risques pour pouvoir les anéantir et me sentir serein. Paradoxe étrange qui me faisait manquer d'air.
VOUS LISEZ
Wafa et les Zolins
FantasyWafa, c'est mon nom. Je suis du genre à constituer une énigme pour les Zolins que je côtoie. Mais pas du genre mystérieuse et suscitant l'admiration. Je suis plutôt une énigme bizarre. Et bien évidemment, bizarre, dans un sens péjoratif. Je le sais...