Alphaël
Tout se passait dans un silence lourd et pesant. Pas besoin de parler pour paraître intimidant. Je plaquais la froide lame du couteau, entachée du sang de Wafa, sur la jambe de Sarya. Elle ne bougeait plus mais prononçait ses mots avec une chaleur et un calme étonnants :
— Je suis venue pour Wafa. Je vais enlever ses menottes.
— Vous avez la clé alors ! Ne faites pas un geste, laissez la tomber et je me charge du reste.
Mais d'un geste vif et adroit, je vis Sarya s'agenouiller face à nous comme je l'avais moi-même fait plus tôt, lorsque j'ai trouvé Wafa.
À mes côtés Wafa retenait à peine un sanglot. Je dirigeais ma main vers la sienne pour calmer son angoisse.
— Si... si vous vous approcher trop, vous allez mourir par l'arme avec laquelle vous avez tenté de la tuer. Je vous tuerais vraiment. Je n'hésiterai pas !
— Ne sois pas si irraisonné. Ta main tremble. Tu ne mettras pas à exécution tes menaces... je t'en prie ! Lâche cette arme ! Tu ne veux blesser personne et moi non plus.
— Tu oses... dire ça devant moi ?
La froideur de Wafa m'inquiétait car je compris qu'elle dissimulait son désespoir derrière cela. Mais j'osais penser que ça dissuaderait Sarya de faire inutilement davantage de peine à Wafa.
— Wafa, il faut que tu me crois ! Je...
— Si tu t'approches... rien qu'un peu plus près. Je le ferai. Je n'ai qu'un mouvement... à faire pour te tuer. Ma main... ne bouge pas.
Sa voix tremblait, mais il est vrai que son corps restait immobile malgré la faiblesse et la fatigue visibles dans ses traits. J'admirais son courage. J'admirais le courage qu'elle avait, que moi, je ne possédais pas.
— Je le sais Wafa. Si c'est moi qu'il y a en face, je t'en crois capable.
— Tant mieux... Mais ne me sors pas..."telle mère, telle fille." Tu n'en as... jamais été une. Et moi, je ne tuerai pas, à moins d'y être forcée... et d'être en danger.
— Qui te dit que je n'ai pas été forcée ? Et tu n'es pas morte ! Je ne t'ai pas tué.
Des gémissements de tristesse transforma le visage de Sarya. La nausée changea mes traits. Il est très peu courant chez les Zolins d'éprouver l'envie de vomir. Mais ici même, lorsque Sarya nous dévoilait ses talents d'actrice, je ressentais un besoin viscéral à cela. Je comprenais mieux comment des années de mensonges avaient pu maintenir Wafa dans un océan de crédulité. Sarya m'inspirait un dégoût sans bornes. Dans une grimace écœurée, je m'écriais :
— Ne mentez pas encore ! Ne mentez pas. On a suffisamment avalé de vos mensonges.
Elle se tournait vers la blessée lorsqu'elle affirma :
— Wafa, je suis venue avec une trousse de secours...
Une plainte de tristesse qui avait l'air feinte s'échappa de la bouche de Sarya et la força à reprendre plusieurs fois.
—Je peux m'en aller... Mais je voulais m'assurer que tout irait mieux... Wafa, crois-moi si je te dis que j'ai fait ça pour toi !
— Vous me dégoûtez ! trouvais-je la force de dire du bout des lèvres.
Elle présentait la trousse de secours devant nous. Elle l'ouvrait pour en montrer le contenu. Bandages, désinfectant, pansements, compresses, bandes de gaze. Tout y était.
— Wafa. Écoute bien ! dit-elle d'une voix nouvelle en proie à la peur. Devant le gouverneur je devais te faire passer pour morte ! Tu t'es évanouie, ça m'a aidé ! Comme ça, tu as eu moins le temps de souffrir... Wafa... Je ne suis pas ta mère, mais je ferai tout...
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Wafa et les Zolins
FantasíaWafa, c'est mon nom. Je suis du genre à constituer une énigme pour les Zolins que je côtoie. Mais pas du genre mystérieuse et suscitant l'admiration. Je suis plutôt une énigme bizarre. Et bien évidemment, bizarre, dans un sens péjoratif. Je le sais...