Chapitre I

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La radio grésille à l'intérieur de l'habitacle étouffant de la voiture. Des vagues de chaleur tortillent au dessus du goudron sous le soleil californien, la Mustang shelby rouge file à toute allure, quel que part entre Sacramento et Santa Rosa. Nous sommes en mai 1973, Big Ed* vient d'être arrêté, John entend ses (propres) exploits à la radio: c'est une belle journée.

Dans le coffre la dernière en date ne fait plus de bruit depuis au moins une bonne heure. Il va falloir penser à s'arrêter.

Il jette un coup d'œil à son carnet ouvert sur le siège passager. Il faudra qu'il vérifie si elle est morte de chaud ou si se sont les coups de couteau.

De tout les côtés, s'étendent de longues plaines désertiques où la chaleur écrase le moindre buisson. Il va attendre un peu avant de se garer.

Il éteint la radio pour que la stupide présentatrice la ferme enfin. Il profite du bruit des roues et du moteur, ça le calme, et puis du vent chaud dans ses cheveux noirs.

Il va s'arrêter, sur le bord de la route, quand le soleil aura baissé. Il allumera une cigarette avec une allumette, histoire de souffler un peu. Le réconfort avant l'effort, quand il faudra se trimballer la morte jusqu'à une cachette convenable. Il n'oubliera pas de porter ses gants, des gants en plastique transparent, une nouvelle paire à chaque fois, comme les chirurgiens. Il a peur d'attraper ces microbes de prostituées mortes. Et puis une pelle aussi, et un tablier.

C'est toujours comme ça, à peu près une fois toutes les deux semaines, depuis plus de semaines qu'il ne saurait en compter.

John aime sa routine et ses habitudes. Il espère qu'il aura le temps, après sa partie de "chasse aux trésors inversée", où le but est de se débarrasser du "trésor" le plus discrètement possible, de trouver un motel où dormir, la voiture, ça va bien cinq minutes...

Il se rappelle bien de tout ça, parce qu'il l'a noté en fait, dans son carnet. Il a tout écrit, du jour où il a rencontré Lola. Elle, elle n'a pas eu besoin de noter pour se souvenir.

Donc il roulait, entre Sacramento et Santa Rosa, en direction de la mer, une morte dans le coffre.

Il attendait le frais de la fin d'après midi, quand il la vit, assise devant une station essence délabrée, clope à la main, son corps maigre flottant dans une robe blanche. Ses cheveux blonds, sales et en bataille, ses cernes. Elle n'était pas très belle.

Un sac à dos posé entre ses jambes, il comprit, et c'est l'instinct de tueur peut être, il comprit, qu'elle était parfaite.

C'était la période des plus grands, "l'âge d'or", se disait John. La police en arrêtait touts les jours, des comme lui, bientôt ne resteraient plus que les meilleurs tueurs américains, ceux qu'on attraperait pas. Il serait de ceux là.

Il existe plusieurs types de tueur: déjà, il faut savoir différencier le tueur de masse, le tueur à la chaine et le tueur en série. John tombe évidemment dans cette dernière catégorie, avec une moyenne de deux victimes par mois depuis maintenant environ deux ans.

Il y a ensuite différents types de tueur en série: l'organisé et le désorganisé. John ne restait jamais au même endroit longtemps, et bien qu'opportuniste, ses crimes étaient planifiés, avec toujours le même type de victimes. Il tombait donc dans la première catégorie.

Bien sûr, si vous aviez eu la chance d'en parler avec John, il aurait lui même précisé qu'il ne cochait pas toutes les cases de sa classe. Il n'avait pas d'antécédents pénaux et vivait seul et, à part un peu d'herbe et une bière de temps en temps, il ne consommait pas de substance illicite, surtout pas au moment du crime.

Best American KillerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant