-C'est moi.
"C'est moi".
La télé bourdonne ses infos près-faites depuis le début de la journée. John fume en s'abreuvant de son discours. Il aime bien cette chaîne, ils parlent de lui de la bonne façon, la façon qu'il aime.
Midi. Santa Rosa. Trente six degré à l'ombre. Lola est attaché sur le lit.
"C'est moi".
Elle écoute distraitement la télé. C'est sa seule distraction. Distraction de la douleur, chaleur, du manque et de la faim.
Ça parle d'un tueur. Un tueur en série. Le California devil. Il aurait assassiné dix neufs femmes. Il terrorise la côte ouest depuis près de trois ans, et la police n'a toujours aucune idée de qui il est.
"C'est moi".
Les mots de John résonne dans la pièce et dans la tête de Lola. C'est lui. C'est lui, dont il parle à la télé. Elle ne sais pas quoi penser, quoi répondre.
1973.
Président : Richard Nixon.
Janvier, retrait d'une partie des troupes américaines au Vietnam. Février, 250 000 tonnes de bombes seront larguées en l'espace de six mois au Cambodge. Mars, explosion du scandale de Watergate. Avril, inauguration du World trade center à New York.Mai, John révèle qu'il est le California devil devant Lola. Ça lui fait l'effet d'une bombe.
Elle y repense dans la voiture depuis qu'ils ont "déposé" miss USA. L'homme à côté d'elle est un tueur. Un tueur doublé d'un violeur. Pourtant, il a l'air si normal, si loin des monstres auquel la télé veut nous faire croire.
Donc au moins dix neufs filles, vingt neuf en fait mais elle ne le sais pas, sont mortes de la main de John. Elle l'appelle John maintenant, dans sa tête seulement. Il lui a dit que Jared était un faux nom. Elle comprend pourquoi il utilise un faux nom, un truc de tueur, vous savez.
Dix neuf filles. Pourquoi? Pourquoi, comment ? Quand ? Pourquoi ? Pourquoi, pourquoi ? Et c'est quand son tour à elle?
Elle pose sa tête contre la fenêtre. Elle va mourir. On meurt tous un jour mais elle plus tôt qu'un autre. Et la cause de sa mort conduis la voiture dans laquelle elle est assise. La cause de sa mort fume une clope à côté d'elle, les yeux rivés sur la route.
Sa tête va exploser. Son instinct de survie devient fou. Il lui somme de se jeter sur la route, de dévier la mustang ou de s'ouvrir la gorge avec sa lime a ongles. Sa raison la convainc de ne rien faire. D'attendre.
John regarde Lola qui tremble à sa droite. La pauvre petite junkie est en manque. Elle serre les dents sans s'en rendre compte. Il va lui autoriser un fix ce soir, pour la récompenser, d'être une bonne fille, de ne pas avoir tenté de s'enfuir. Une bonne chienne.
C'est comme ça qu'on dresse les chiens : à la récompense. Si il la garde, enfin, comme il la garde, il va falloir qu'elle soit bien dressée.
C'est rare de voir venir la mort d'aussi loin que Lola. C'est aussi très rare de se faire kidnapper et tuer par un inconnu. Elle a toujours cru que si quelqu'un devait l'assassiner cela serait un de ses loosers de petits amis ou son père.
Une fois, papa l'avait frappé si fort qu'elle avait dormi pendant deux jours. Les connards du lycée s'était moqué d'elle à cause de sa lèvre tuméfié et de son son œil au beurre noir.
De toute façon, ils trouvaient toujours un prétexte pour se foutre d'elle. La pute, la pauvre, la droguée. C'est bon, elle avait compris !
Elle n'a jamais eu d'amis, de bon amis. C'était toujours, vous savez, ces gens qui sont vos potes tant que vous avez de quoi boire ou fumez. Ce genre de gens. Toujours mal accompagné, je vous l'avais dit.
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Best American Killer
Mystery / ThrillerElle l'appelait 'monsieur' et lui l'appelait par son prénom. Voilà comment on aurait pu résumer la relation entre John et Lola. C'était durant la période des plus grands, "l'âge d'or", comme disait John. La police en arrêtait tous les jours, des com...