La Leucise

17 2 0
                                    

Un peu avant minuit, la Leucise a trouvé bon de nous convoquer. Il est tellement rare que nous soyons toutes les trois présentes qu'ils ont voulu profiter de l'occasion. Si j'avais su que mon mensonge deviendrait réalité, j'aurais accepté volontiers l'invitation à dîner de la petite fille. A part ressembler à un nom de maladie, cette institution regroupe une poignée d'immortels.

Ils ont été embauchés pour aider un roi, il y a de cela quelques siècles. Leucise n'avait pas encore passé son neuvième été quand il a eu l'honneur de porter la couronne. Et dire qu'on me la refuse encore. A mon plus grand désarroi, ce conseil ne s'est jamais dissout, même après sa mort et ses membres continuent de guider les différents souverains des Songes.

Ses imbéciles n'ont même pas daigné bouger le petit doigt lors de la première guerre. Quand l'occupant s'est installé, ils ont joué aux lâches sans jamais continuer à se battre. Ou commencer, dans leur cas. Lors de notre première rencontre, je les ai confrontés à ce sujet. Aucun arguments valables, voilà le peu qu'ils ont réussi à répondre.

Ce sont des dieux, je ne vois pas de quoi ils pouvaient avoir peur. La mort ? Impossible. Du moins, ça l'était. Maintenant, ils ne m'aiment pas. Ces gamins font tout pour me mettre des bâtons dans les roues, ils veulent me voir partir.

C'est en trainant des pieds, tête baissée que je me rends dans la salle qui nous sert de réunion. Choisi par Sky, un des enfants de Samy, l'une des cuisines du Manoir s'est retrouvée convertie en bureau de fortune. Si on lui demande pourquoi, Sky dira que cette pièce ne serait jamais soupçonnée en cas d'attaque.

Officieusement, c'est parce que les réunions peuvent durer des heures et ce garçon n'est qu'un ventre auquel on aurait cousu deux pattes.
Mon regard se lève pour croiser Heve qui m'attend au bout du couloir, appuyé contre la porte de sa chambre.

Tirée de son sommeil, ses cheveux parme retombent en cascade dans son dos, ses yeux peinent à rester ouverts. C'est qu'une gamine, la Leucise devrait au moins prendre en compte son besoin de dormir. Elle n'a pas pris la peine de troquer son pyjama contre une tenue plus convenable.

-J'hésite à emporter mon oreiller, ma couverture et peut-être même l'entièreté de mon lit. Elle soupire en se redressant. Tu ne veux pas te présenter en mon nom ?

-Je ne sais même pas quelles idées tu vas défendre.

-Mon vote accompagnera ta parole, tu le sais bien. Heve s'offusque, elle semble croire que je doute d'elle.

Est-ce qu'elle a tort ? Non, bien sûr que je doute de son honnêteté. Heve est constamment en accord avec ce que je dis. C'est louche. Je pourrais décider d'anéantir l'espèce humaine et tout ce qu'elle trouverait à faire c'est de lever les pousses et de dire « Super idée, grande sœur ! Allons-y ! ».

-Tu pourrais apprécier ce qu'Hell présente. Je marmonne.

Ma cadette me toise de haut en bas. Si une nouvelle recrue passe par là, elle pourrait croire que ma sœur me voit pour la première fois. Son regard finit par trouver un tout nouvel intérêt pour son tee-shirt « La fille préférée de mon papa » pendant que sa main droite enroule ses doigts autour de la chainette de son bracelet. Il faudrait que j'arrive à le voir de plus près.

-Je ne m'arrangerai jamais avec ce que notre sœur pense. C'est bien trop extrême pour moi. Tu as toujours été plus modérée, c'est pour cette raison que je prends constamment ton partie.

-Tu ne sais même pas ce que je vais proposer. Je lui fais remarquer.

-Je n'ai pas besoin d'être au courant, je sais que tu feras ce qui est juste. Vas-y et vote pour moi, je dois repartir dans quatre heures et je n'ai pas la certitude que cette réunion sera terminée, tu connais la Leucise.

L'As De SongesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant