Chapitre 5 : La Chute des Masques

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La soirée avait laissé place à une matinée brumeuse, où le ciel gris pâle semblait pleurer les derniers vestiges de la nuit. Le manoir était maintenant calme, les invités étant partis ou encore endormis dans leurs chambres. Harper se trouvait dans une pièce de la maison qu'elle n'avait encore jamais explorée, une bibliothèque ancienne aux murs tapissés de livres. Le silence était presque apaisant, brisé seulement par le bruit du vent qui sifflait à travers les fenêtres légèrement entrouvertes.

Elle s'assit à une grande table en bois sombre, feuilletant un vieux volume relié en cuir. Ses pensées étaient encore hantées par la conversation de la veille avec Aston. Ce qu'elle avait ressenti était si intense, si perturbant, qu'elle avait du mal à revenir à une routine normale. Chaque fois qu'elle fermait les yeux, elle revoyait le regard pénétrant d'Aston, la douceur de sa voix, et les promesses silencieuses de compréhension et d'acceptation.

Tout semblait changer à une vitesse vertigineuse. Le masque qu'elle avait si soigneusement construit au fil des années se fissurait lentement, exposant des parties d'elle-même qu'elle avait longtemps gardées enfouies. Et, contre toute attente, ce changement lui faisait peur. Harper avait toujours eu le contrôle, la maîtrise parfaite de son image et de ses émotions. Mais maintenant, avec Aston, tout semblait incertain, fragile.

Alors qu'elle était plongée dans ses pensées, la porte de la bibliothèque s'ouvrit doucement. Harper leva les yeux, s'attendant à voir un membre du personnel ou un invité errant encore dans le manoir. Mais c'était Aston qui entra, son visage dénué de la façade habituelle, son expression grave et préoccupée. Il avait visiblement cherché à la trouver, et il semblait aussi absorbé par ses pensées que Harper l'était par les siennes.

« Bonjour, » dit-il, sa voix rompant le silence.

Harper l'accueillit avec un sourire fatigué, tentant de cacher le tourbillon émotionnel qui se déroulait en elle. « Bonjour. Vous cherchez quelque chose ? »

Aston s'avança, ses yeux scrutant la pièce comme s'il cherchait un moyen de commencer la conversation sans paraître trop direct. « En réalité, je cherchais à vous parler, » dit-il enfin, prenant place en face d'elle à la table. « Il y a quelque chose que nous devons discuter. »

Harper sentit une vague d'anxiété l'envahir. Elle n'était pas sûre de ce qu'Aston voulait dire, mais le sérieux dans sa voix lui indiquait que ce n'était pas une conversation légère. Elle posa le livre qu'elle feuilletait et croisa les bras sur la table, se préparant à ce qui allait suivre.

« De quoi voulez-vous parler ? » demanda-t-elle, essayant de maintenir une voix neutre.

Aston prit une profonde inspiration avant de commencer. « Hier soir... ce qui s'est passé entre nous... je ne veux pas que vous pensiez que je vous ai poussée à quelque chose. Je veux seulement que vous sachiez que j'ai l'intention de vous soutenir, peu importe ce que vous choisissez de partager ou non. Mais il y a des choses que je dois vous dire, des choses que j'ai réalisées. »

Harper sentit son cœur s'accélérer. Le fait qu'Aston se soit ouvert de cette manière était déjà une grande étape, mais elle était impatiente de savoir ce qu'il avait à lui révéler. « Allez-y, je vous écoute, » dit-elle, sa voix trahissant une légère nervosité.

Aston fixa un moment la table, puis releva les yeux vers elle. « Quand je vous ai rencontrée, j'ai vu une femme forte, quelqu'un qui semblait avoir tout sous contrôle. Mais à mesure que nous avons parlé, j'ai vu une facette différente de vous; une vulnérabilité, une sincérité que vous cachez derrière des couches de stratégie et de manipulation. Je ne sais pas si c'est le bon moment pour aborder ce sujet, mais je pense qu'il est important que vous sachiez que je ne suis pas venu ici pour jouer un rôle ou pour obtenir quelque chose de vous. Je suis ici parce que je crois qu'il y a quelque chose de véritable entre nous. »

Les paroles d'Aston résonnèrent en elle comme une révélation. Elle avait passé sa vie à jouer des rôles, à manipuler les gens autour d'elle pour atteindre ses propres objectifs. Mais à cet instant, elle réalisait que ses propres jeux avaient des conséquences, et que cette connexion avec Aston était quelque chose qu'elle n'avait pas prévu, mais qu'elle ne pouvait plus ignorer.

« Vous avez raison, » dit-elle doucement, se laissant aller à la vulnérabilité qu'elle avait tant tenté de cacher. « J'ai passé tellement de temps à me protéger, à construire cette façade, que je ne sais plus comment être simplement... moi. »

Aston l'observa attentivement, un regard empreint de compassion. « Vous n'avez pas à être quelqu'un d'autre ici, Harper. Je ne veux pas que vous vous sentiez obligée de jouer un rôle avec moi. Je veux que vous soyez vous-même. Je veux que vous sachiez que je ne vous jugerai pas pour cela. »

Le silence qui suivit était chargé d'émotions. Harper sentit les larmes menaçantes, mais elle se retint, ne voulant pas se laisser submerger. Les mots d'Aston étaient comme un baume sur ses blessures, mais elles étaient encore fraîches, encore douloureuses. Elle avait tellement peur de perdre le contrôle, de montrer ses faiblesses, mais ici, avec lui, quelque chose changeait. La peur était encore là, mais elle était accompagnée d'un espoir inattendu.

« Merci, » murmura-t-elle enfin, sa voix chargée d'émotion. « Merci de ne pas me pousser à être quelqu'un que je ne suis pas. Je ne sais pas ce que l'avenir nous réserve, mais... je suis prête à essayer. À essayer d'être honnête, avec vous et avec moi-même. »

Aston hocha la tête avec un sourire léger. « C'est tout ce que je demande, Harper. Juste de l'honnêteté. Et sachez que, quel que soit le chemin que nous prenons, je serai là pour vous soutenir. »

Leurs regards se croisèrent, et pour un moment, Harper sentit une paix intérieure s'installer. Elle avait toujours été une femme de contrôle, une femme qui savait manipuler les situations à son avantage. Mais maintenant, elle sentait qu'elle était sur le point de découvrir une nouvelle forme de force—celle de se laisser aller, de se laisser connaître, de se laisser aimer sans artifice.

La conversation prit fin sur une note de compréhension mutuelle, et le silence retomba sur la bibliothèque. Cependant, ce silence était différent de celui de la veille. Il était empreint d'une acceptation silencieuse, d'une promesse de vérité à venir.

Aston se leva finalement, brisant la tranquillité. « Je ne veux pas vous retenir plus longtemps, » dit-il. « Mais sachez que je suis disponible, si vous avez besoin de parler ou simplement de quelqu'un à vos côtés. »

Harper acquiesça, se levant à son tour. « Merci, Aston. Pour tout. »

Ils se dirigèrent vers la sortie, et Harper ressentit une légèreté nouvelle dans ses pas. La brume matinale semblait se dissiper lentement, et avec elle, les derniers vestiges de ses craintes et de ses doutes. Elle n'était pas encore prête à se dévoiler complètement, mais elle sentait que chaque moment passé avec Aston l'aidait à progresser vers une version plus authentique d'elle-même.

La journée qui s'annonçait était encore incertaine, pleine de défis et de choix. Mais pour la première fois depuis longtemps, Harper se sentait prête à les affronter, non pas en cachant qui elle était, mais en acceptant la possibilité de se montrer telle qu'elle était vraiment.

Avec Aston à ses côtés, elle savait que le voyage ne serait pas facile, mais elle avait aussi l'espoir qu'il pourrait être transformateur. Pour la première fois, elle était prête à lâcher prise, à abaisser ses murs et à voir où cette nouvelle route la mènerait.

Le Maître du Jeu : Quand l'amour Déjoue le PlanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant