Chapitre 4 : L'eau de la liberté

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Le campement viking s'éveillait doucement sous les premières lueurs du matin. L'air frais de la campagne anglaise portait avec lui les odeurs humides de la terre et de la rosée, enveloppant le camp dans une quiétude trompeuse. Les hommes commençaient à s'agiter, préparant les chevaux et rassemblant leur équipement pour la longue marche à venir. La nuit avait été courte, mais les guerriers, habitués à ce rythme, étaient déjà debout, prêts à repartir.

Aelfwynn émergea de la tente dans laquelle elle avait passé la nuit, son esprit encore embrouillé par le manque de sommeil et les événements de la veille. Ses poignets, libérés de leurs entraves pendant la nuit, portaient encore les marques rouges des cordes qui les avaient étreints. Elle massa doucement sa peau sensible, ses pensées tournées vers sa prochaine tentative d'évasion.

Eirik l'observait de loin, ses yeux perçants ne quittant pas sa silhouette fragile. Depuis qu'il l'avait libérée de ses liens pour la nuit, un étrange sentiment s'était installé en lui. Il avait déjà capturé des femmes par le passé, mais jamais il n'avait ressenti une telle curiosité, mêlée d'une tension qu'il n'osait pas admettre. Cette religieuse, avec ses airs d'innocence et sa force intérieure, éveillait en lui quelque chose qu'il avait du mal à définir.

S'approchant d'elle, il l'interpella d'une voix grave : « Viens, tu dois te laver. »

Aelfwynn leva les yeux vers lui, ses traits encore marqués par la fatigue, mais sans trace de peur. Elle hocha la tête en silence, le suivant à travers le campement jusqu'à une petite fontaine naturelle nichée entre les arbres. L'eau y était claire et froide, reflétant les premiers rayons dorés du soleil.

Eirik s'arrêta près de la fontaine et, après un moment d'hésitation, commença à dénouer la corde qui lui avait servi à la lier. Ses doigts rugueux effleurèrent sa peau douce, et il ressentit un léger frisson qu'il dissimula sous son masque de dureté. Lorsqu'il eut fini, il se recula de quelques pas, la surveillant de près, son regard plus intense que jamais.

Aelfwynn, maintenant libre de ses mouvements, se pencha sur la fontaine pour se laver. Elle éclaboussa son visage d'eau froide, savourant la sensation rafraîchissante qui chassait les dernières brumes de la nuit. Ses gestes étaient simples, presque enfantins, mais à chaque mouvement, Eirik sentait une chaleur envahir son être. Il ne comprenait pas pourquoi cette femme, avec ses gestes si anodins, éveillait en lui un désir qu'il ne parvenait pas à maîtriser.

Elle ne se rendait pas compte de l'effet qu'elle produisait sur lui, ni sur les autres hommes du camp. Pour elle, se laver le visage, passer les doigts dans ses cheveux mouillés pour les démêler, ou frotter doucement la peau de ses bras était simplement une routine matinale. Mais pour Eirik, ces gestes simples prenaient une tout autre dimension. Chaque éclat d'eau sur sa peau, chaque mouvement de ses mains fines, chaque soupir d'aise évoquait en lui des images troublantes, des pensées qu'il n'aurait jamais cru possibles en cet instant.

Son regard se fit plus intense lorsqu'elle se redressa, l'eau ruisselant sur son cou et sa poitrine à peine dissimulée par le tissu déchiré de sa tunique. Le vêtement, déjà en lambeaux, laissait entrevoir des courbes délicates, des lignes gracieuses qui attisaient un désir profond et inattendu en lui. Aelfwynn, innocente de ce pouvoir, s'essuyait doucement, inconsciente de l'effet qu'elle produisait sur l'homme qui la surveillait.

Eirik serra les poings, luttant pour reprendre le contrôle de ses pensées. Il n'était pas un homme que l'on troublait si facilement, encore moins une captive, une religieuse de surcroît. Pourtant, il se sentait attiré par elle, comme si sa beauté et son innocence éveillaient quelque chose de primal en lui, un besoin de la posséder et de la protéger tout à la fois.

Lorsqu'elle se redressa complètement, prête à revenir vers lui, Eirik détourna légèrement le regard, tentant de cacher son trouble. Il reprit la corde pour rattacher ses poignets, mais cette fois, ses gestes étaient plus lents, presque hésitants. Il sentait la douceur de sa peau sous ses doigts rugueux, et cela l'affectait plus qu'il ne voulait le montrer.

« C'est suffisant, » dit-il, sa voix plus rauque qu'il ne l'aurait souhaité. « Nous devons repartir. »

Aelfwynn, ignorant toujours l'effet qu'elle avait sur lui, hocha la tête et le suivit docilement, ses pensées déjà tournées vers une éventuelle évasion. Elle savait que ce monde barbare regorgeait de dangers, mais elle refusait d'abandonner. La liberté, même fragile et incertaine, valait tous les risques.

Tout au long de la journée, Eirik restait près d'elle, son regard parfois se perdant sur les traces laissées par l'eau sur sa tunique déchirée. Il luttait contre lui-même, tentant de maintenir une distance émotionnelle, mais chaque geste d'Aelfwynn, aussi innocent soit-il, réveillait en lui un désir croissant. Cette tension devenait presque insupportable, mais il se refusait à céder. Il était un chef, un guerrier, pas un homme que l'on envoûtait si facilement.

Aelfwynn, de son côté, guettait chaque occasion, chaque moment d'inattention, pour tenter de fuir. Ce fut au crépuscule, alors que le groupe s'arrêtait pour la nuit, qu'elle décida de tenter sa chance. Eirik s'était éloigné pour donner des ordres à ses hommes, et Aelfwynn, profitant de l'obscurité, s'éclipsa doucement vers les arbres, ses pas légers sur la terre.

Mais alors qu'elle atteignait presque la lisière de la forêt, une main brutale l'attrapa par le bras. Elle se retrouva face à l'un des vikings, le même qui avait tenté de l'agresser la nuit précédente. Son sourire cruel révélait des intentions sinistres, et Aelfwynn sentit son cœur se serrer de peur.

« Tu crois pouvoir t'échapper, ma jolie ? » susurra-t-il, son haleine fétide lui soufflant au visage.

Aelfwynn lutta désespérément, mais l'homme la plaqua contre un arbre, ses mains brutales déchirant encore plus le peu de tissu qui couvrait son corps. Ses gestes frénétiques n'étaient plus seulement pour échapper à la capture, mais pour protéger ce qui restait de son honneur. Elle poussa un cri de terreur, ses doigts griffant la peau rugueuse de son agresseur.

Alors qu'elle croyait que tout espoir était perdu, une silhouette imposante surgit des ténèbres. Eirik, ses yeux brûlant de colère, s'abattit sur l'homme avec une violence fulgurante. Il l'arracha de force d'Aelfwynn, le projetant au sol d'un coup puissant. Le viking roula sur le côté, son sourire effacé par la surprise et la douleur.

« Je t'avais dit de la laisser tranquille ! » rugit Eirik, sa voix vibrante de rage.

Le combat fut bref et brutal. Eirik, empli d'une fureur incontrôlable, se déchaîna sur l'homme, frappant avec une force qui trahissait bien plus que de la colère. Chaque coup était une affirmation de possession, une déclaration que cette femme, même capturée, était sous sa protection.

Essoufflé, il se redressa enfin, son regard se posant sur Aelfwynn qui était toujours plaquée contre l'arbre, tremblante. Son cœur battait encore à tout rompre, non seulement à cause de la peur, mais aussi du trouble qu'elle ressentait en voyant cet homme se battre pour elle. Malgré tout ce qu'il représentait, quelque chose en lui la fascinait, une force brute mêlée d'une étrange forme de tendresse qu'elle n'aurait jamais imaginée chez un Viking.

Eirik s'approcha doucement, son regard encore durci par la bataille. « Je t'avais prévenue de ne pas tenter de fuir, » murmura-t-il, sa voix adoucie par une lueur d'inquiétude. « Tu ne réalises pas le danger que tu cours ici. »

Aelfwynn, toujours sous le choc, ne trouva pas les mots pour répondre. Elle sentait qu'il y avait quelque chose de plus profond que la simple brutalité dans ses actions, mais elle n'était pas prête à l'accepter. Elle se contenta d'acquiescer, laissant Eirik la ramener vers le campement, où elle serait à nouveau surveillée de près.

Cette nuit-là, tandis qu'elle s'endormait, elle comprit que la situation était bien plus complexe qu'elle ne l'avait imaginée. 

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