𝐏𝐚𝐫𝐚𝐥𝐥𝐞𝐥𝐬

CHAPITRE VIII

« Les corps meurtris finissent toujours par pourrir le long des quais abîmés de la société »

Félix

Je devais me dépêcher.

Aider quelqu'un n'était pas dans mes cordes, mais l'argent contribué m'avait fait dire une promesse.
Malheureusement, ici, je suis obligé de tenir mes promesses.

Je slalomais entre l'équipe navale et parcourais les longs couloirs. Les professeurs devaient déjà attendre le retour des autres élèves, mais je n'y serai pas. Lenny non plus, d'ailleurs.

Je croisais malencontreusement Sybil, l'air encore chamboulée.

« - Encore toi ? »

Je la regardais de bas en haut, l'air dédaigneux. Plus j'y repensais, plus elle me dégoûtait, elle aussi.
Après tout, elle cachait de sombres secrets, et ne pas savoir lesquels me rendaient fou de rage. Les surprises n'étaient pas une chose que j'appréciais.

Voyant qu'elle ne répondait pas, je reprenais la parole.

« - Tu ferais mieux de fourrer ton nez dans les affaires de ta copine et non des miennes. Je te conseillerai de faire vite, très vite même. »

Je la laissais là, dans l'incompréhension, courant une nouvelle fois vers une pièce que je ne connaissais que trop bien. À vrai dire, les plans du navire étaient méthodiquement acquis et connus.
J'y avais passé du temps, mais je ne regrettais pas.

Je coupais l'électricité.
Plus de lumière, plus de vrombissements assourdissants, plus de wifi.
J'allumais mon téléphone ; à bord du bateau, personne ne captait de 4G, et je n'avais toujours pas reçu de photo sur le groupe WhatsApp, signifiant bien que Lenny n'avait pas eu le temps d'envoyer le cliché d'Annabelle.

Très bien, désormais il ne me manquait plus qu'à le trouver.

Petit aimant à professeurs, je me dirigeais avec discrétion près du lieu de rendez-vous des élèves, son lieu favori. Je scrutais les alentours, mais aucune trace de Lenny.
En revanche, les autres étaient crispés, soufflant et ruminant contre leurs téléphones. Je n'avais aucune idée de combien de temps allaient mettre les agents de bord pour remettre l'électricité, mais je savais que les minutes étaient comptées. Plus j'attendais, mieux je louperai ma cible.

Des cheveux blonds attirèrent mon attention de l'autre côté du couloir, le bras en l'air et la main secouant à tout va son cellulaire.
Je me frayais un chemin à travers la troupe d'élèves dont seule la lumière de leurs téléphones éclairait leurs visages. Dehors la nuit commençait à tomber, le vent était frais, les professeurs avaient donné un point de rendez-vous à l'abri, pour mon plus grand bonheur.

« - Tu n'iras pas plus loin, assénais-je à Lenny en addition d'un croche-pied. »

Celui-ci tomba presque en silence, contre toute attente, et laissa échapper son téléphone qui se retrouva à quelques centimètres de l'eau. Une barrière protégeait les individus d'une quelconque chute fatale, mais pas pour la technologie.
Je poussais allègrement son appareil avec le bout de ma chaussure, laissant entendre le bruit de celui-ci s'accouplant avec l'eau gelée sous le navire.

« - Putain, grogna Lenny, t'es sérieux, mec ? »

Son ton méprisant me procura de nombreux frissons dans le cou, laissant mon calme déjà peu commode laisser place à un sentiment amer.
J'attrapais, non sans difficulté, le col de sa chemise, l'étouffant au passage. Mon camarade toussa et cracha, tout en essayant de se débattre.