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Le soleil se levait à peine, projetant des lueurs dorées à travers les rideaux de la chambre de Fatou. Elle ouvrit les yeux, sentant le doux souffle du matin sur sa peau. Un léger sourire étira ses lèvres alors qu'elle écoutait les rires lointains venant du jardin. Les enfants étaient déjà debout, remplissant l'air de leur énergie et de leur joie innocente. Ce son, chaque matin, était devenu pour elle une douce mélodie qui annonçait une nouvelle journée pleine de promesses.

Fatou se leva doucement, enfilant une robe légère avant de sortir de la chambre. En passant devant le miroir, elle remarqua les ombres sous ses yeux, des traces d'une nuit d'insomnie. Ces derniers jours avaient été marqués par une certaine anxiété. Fatou sentait qu'elle n'était pas encore parvenue à trouver sa place au sein de cette nouvelle famille, et la présence des enfants d'Ibrahima lui rappelait constamment cette réalité. Mais ce matin, elle avait décidé de tenter une approche différente, de se rapprocher d'eux, de leur montrer qu'elle n'était pas là pour les remplacer, mais pour les aimer à sa manière.

Elle descendit les escaliers en silence, ses pieds nus glissant sur le parquet lustré. À mesure qu'elle se rapprochait du jardin, les éclats de rires se faisaient plus nets, mêlés au chant des oiseaux qui saluaient le jour naissant. Chaque détail de la maison, du parfum des fleurs fraîchement cueillies sur la table du salon à la lumière douce qui traversait les vitres, témoignait de l'amour qu'elle avait mis à en faire un foyer accueillant pour sa famille. Fatou fit une pause à la porte du jardin, s'arrêtant un instant pour observer la scène devant elle.

Les deux enfants jouaient avec Awa près du grand manguier qui dominait une partie du jardin. Le garçon, Malik, d'environ sept ans, courait après sa petite sœur, Aïssatou, qui riait aux éclats en essayant d'échapper à son frère. Fatou les regarda, une boule dans la gorge. Ils étaient beaux, avec leurs cheveux crépus et leurs sourires lumineux, mais ils lui semblaient encore si distants, si inaccessibles. Elle ressentait un mélange de crainte et d'espoir à l'idée de s'approcher d'eux, de tenter de combler le fossé qui les séparait.

Fatou sentit une chaleur, mêlée d'appréhension, envahir son cœur en les observant. Elle se savait aimée par Ibrahima, mais elle voulait aussi que les enfants l'acceptent, la voient comme quelqu'un de bienveillant, quelqu'un sur qui ils pouvaient compter. Cependant, jusqu'à présent, chaque tentative de rapprochement avait été accueillie par un certain scepticisme, surtout de la part de Malik, qui semblait toujours sur la défensive.

Aïssatou, du haut de ses cinq ans, aperçut Fatou à l'entrée du jardin et ralentit sa course, jetant un regard incertain dans sa direction. Contrairement à son frère, elle semblait plus ouverte, mais une certaine réserve persistait. « Maman... euh, Fatou, tu veux jouer avec nous ? » demanda-t-elle finalement, avec une innocence qui fit sourire Fatou.

Fatou s'accroupit pour être à la hauteur de la petite fille, l'accueillant avec un sourire chaleureux. « J'aimerais beaucoup jouer avec vous, si tu veux bien. » Elle tendit la main à Aïssatou, espérant que ce simple geste serait un premier pas vers une nouvelle relation.

Aïssatou hésita un instant avant de prendre la main de Fatou, un sourire timide se dessinant sur son visage. « D'accord, mais tu dois promettre de ne pas tricher comme Malik ! » lança-t-elle en riant.

Malik, qui observait la scène de loin, se rapprocha, croisant les bras avec un air sérieux. « Aïssatou, tu ne devrais pas la déranger. Elle n'a pas l'habitude de jouer avec nous. » Ses mots étaient lourds de méfiance, un rappel que pour lui, Fatou restait encore une étrangère.

Fatou se redressa, posant un regard doux sur Malik. « Je sais que je n'ai pas encore eu beaucoup de temps pour jouer avec vous. Mais j'aimerais vraiment essayer, si tu es d'accord. » Elle savait que gagner la confiance de Malik serait un défi, mais elle était prête à faire les efforts nécessaires.

Malik la regarda un instant, ses yeux trahissant un mélange de curiosité et de protection envers sa petite sœur. « D'accord, » finit-il par dire d'un ton neutre, sans grand enthousiasme, mais au moins sans opposition.

Les enfants reprirent leurs jeux, cette fois sous le regard attentif de Fatou, qui cherchait à s'intégrer sans imposer sa présence. Elle participait discrètement, essayant de s'adapter à leurs règles, de montrer qu'elle pouvait être à la fois une amie et une figure maternelle, sans jamais forcer leur affection.

Alors qu'ils jouaient, Fatou ne pouvait s'empêcher de penser à ce qu'elle pourrait faire pour se rapprocher davantage d'eux. Peut-être leur lire une histoire ce soir, ou préparer leur plat préféré. Elle se souvenait que lors d'une de leurs rares conversations, Ibrahima lui avait dit que les enfants adoraient le thiéboudienne, ce plat sénégalais à base de poisson et de riz. Elle décida alors de leur préparer ce repas, espérant que cela pourrait les réunir autour de la table, dans un moment de partage et de convivialité.

Quelques heures plus tard, alors que le soleil était déjà haut dans le ciel, Ibrahima franchit enfin la porte d'entrée. Fatou, qui était en train de préparer le repas dans la cuisine, leva les yeux lorsqu'elle entendit le bruit de ses pas. Il était visiblement épuisé, les épaules voûtées, mais ses yeux s'illuminèrent légèrement en voyant les enfants courir vers lui.

« Papa ! Papa ! » s'écrièrent Malik et Aïssatou en chœur, chacun s'agrippant à l'une de ses jambes. Leurs petites mains cherchaient à attirer son attention, à lui montrer un dessin, à lui raconter un rêve. Ibrahima posa un regard doux sur ses enfants, se penchant pour les prendre dans ses bras malgré sa fatigue. Leurs rires et leurs baisers sur ses joues parurent dissiper un peu de la noirceur qui l'habitait. Il releva la tête pour croiser le regard de Fatou, qui lui souriait doucement depuis l'ombre de la cuisine. Ce regard, plein de tendresse et de compréhension, lui rappelait les raisons pour lesquelles il se battait chaque jour.

Fatou s'approcha, tendant à Ibrahima un verre de jus de bissap. « Tu as l'air d'avoir besoin de ça, » dit-elle en inclinant légèrement la tête. Elle connaissait bien cet air fatigué, ces cernes qui marquaient ses nuits sans sommeil. Pourtant, elle savait qu'il n'était pas seulement fatigué physiquement ; il portait aussi un fardeau émotionnel dont il ne parlait jamais.

Ibrahima prit le verre avec gratitude, ses doigts effleurant ceux de Fatou. « Merci, » murmura-t-il, avant de boire une longue gorgée du jus sucré et rafraîchissant. Le silence qui suivit n'était pas pesant, mais plutôt rempli d'une compréhension tacite. Les enfants reprirent leurs jeux, remplissant l'air de leurs rires, tandis qu'Ibrahima et Fatou restaient côte à côte, profitant de ce moment simple mais précieux. C'était dans ces moments de calme qu'ils trouvaient un répit, une pause dans le tumulte de la vie quotidienne.

Après quelques instants, Fatou rompit le silence. « J'ai pensé que nous pourrions passer la journée ensemble, tous les quatre. Les enfants seraient ravis de passer du temps avec toi. » Sa voix était douce, pleine d'espoir. Elle savait qu'il avait besoin de se reconnecter avec sa famille, de se rappeler que malgré les difficultés, il avait un foyer rempli d'amour qui l'attendait.

Ibrahima hocha la tête, son regard se perdant un instant dans la contemplation de ses enfants. « Oui, c'est une bonne idée. J'ai besoin de ça aussi. » Il se rendait compte qu'il avait négligé ces moments simples, pris dans le tourbillon de ses responsabilités professionnelles et des préoccupations qui le hantaient. Mais aujourd'hui, il voulait être présent, vraiment présent, pour sa famille.

Ils passèrent la journée à jouer, à pique-niquer sous le grand manguier, et à profiter de la chaleur du soleil. Fatou, même si elle restait parfois en retrait, sentit qu'un petit changement s'opérait. Malik semblait plus à l'aise, et Aïssatou, toujours curieuse, commençait à poser des questions, à vouloir en savoir plus sur elle. Fatou leur raconta

Fatou et Ibrahima Where stories live. Discover now