Fatou et Ibrahima

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Le jour du mariage arriva plus vite que Fatou ne l'aurait cru. Le soleil venait à peine de se lever sur Dakar, baignant la ville d'une lumière dorée, alors qu'elle se préparait dans la petite maison familiale. Les femmes du quartier étaient venues l'aider à se vêtir de son grand boubou blanc, un tissu d'une rare finesse offert par la famille Ndiaye. Ses amies d'enfance la regardaient avec un mélange de fierté et de tristesse. Fatou allait quitter leur monde pour entrer dans un autre, celui des riches, des « Njàk ».

Elle n'avait jamais pensé que ce mot — « Njàk », qui signifie les riches, ceux qui possèdent le pouvoir — s'appliquerait un jour à elle, même par mariage. Pourtant, aujourd'hui, elle était sur le point de devenir une épouse Ndiaye, une place que beaucoup de femmes auraient enviée, mais que Fatou abordait avec une certaine appréhension.

« Te nguëri, Fatou, tout ira bien, » murmura sa mère en ajustant les derniers détails de son voile. Te nguëri était une expression couramment utilisée pour rassurer, signifiant que tout se passerait bien. Mais pour Fatou, ces mots sonnaient creux.

La cérémonie se déroula dans l'enceinte de la résidence Ndiaye, une immense demeure située à la périphérie de Dakar, entourée de hauts murs et de jardins impeccablement entretenus. Dès qu'elle mit le pied à l'intérieur, Fatou fut frappée par le contraste entre ce monde de luxe et la simplicité de son enfance. Les invités, vêtus de leurs plus beaux habits, la regardaient avec curiosité alors qu'elle avançait vers l'autel, où Ibrahima l'attendait, entouré de ses proches.

Ibrahima, vêtu d'un grand boubou noir et doré, se tenait droit, impassible. Ses yeux sombres se posèrent sur Fatou alors qu'elle le rejoignait. Il y avait quelque chose d'indéchiffrable dans son regard, une distance froide qui contrastait avec la chaleur de l'événement. Il prononça les paroles de l'engagement avec une voix posée, presque détachée, tandis que Fatou répétait après lui, les mots glissant sur sa langue avec une étrange facilité.

Les festivités qui suivirent étaient grandioses. Les griots chantaient les louanges des deux familles, tandis que les invités savouraient les plats traditionnels de thiéboudienne, de yassa, et de mafé. Pourtant, malgré l'ambiance joyeuse, Fatou se sentait comme une étrangère dans ce monde, une pièce mal ajustée dans un puzzle trop grand pour elle.

À un moment donné, alors que la nuit tombait et que les lumières scintillaient dans le jardin, Ibrahima se tourna vers elle. « Ñu dem ci biir, » dit-il doucement, l'invitant à le suivre à l'intérieur. Leurs mots n'étaient pas nombreux depuis le début de la journée, et cette invitation, bien que simple, la troubla.

Ils traversèrent les couloirs silencieux de la maison, loin de l'agitation des invités, jusqu'à arriver à une pièce plus intime, décorée avec soin. Ibrahima referma la porte derrière eux et se tourna vers elle. « Fatou, je sais que cela doit être difficile pour toi. Ce mariage... ce n'était pas ce que tu avais imaginé, n'est-ce pas ? »

Elle baissa les yeux, ne sachant pas quoi répondre. Il avait raison, bien sûr, mais le dire à haute voix semblait inutile.

« Je ne te demande pas de m'aimer, » continua-t-il, « mais je te demande une chose : donnes-moi une chance de te montrer que ce mariage peut être plus qu'un simple arrangement. Ñu waxtaan. Parlons, essayons de nous comprendre. »

Fatou releva la tête, croisant son regard. Il y avait dans ses yeux quelque chose qu'elle n'avait pas vu auparavant — une sincérité qui la toucha malgré elle. Peut-être, pensa-t-elle, y avait-il plus en lui que ce qu'elle avait d'abord perçu. Peut-être que derrière cet homme de pouvoir, il y avait un cœur qui, comme le sien, cherchait une manière de s'adapter à cette situation imposée.

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