Au premier regard

Chapitre 1 : La Collision

Dimitri, dans mon oreillette, interrompt mes pensées :

Dimitri : Alek, tu nous reçois ?
Moi : Oui, 5/5.
Dimitri : La cible est à quelques mètres. Au prochain feu, tu tournes à droite.

Ma carabine de précision repose dans un sac de sport sur le siège passager. Une arme froide, létale, comme moi. C'est ma 129ᵉ mission. Je ne compte plus les visages, les vies fauchées. Être un fantôme, un monstre, est devenu ma normalité.

Je n'avais que 17 ans quand l'Agence m'a recruté. Je croyais rejoindre l'armée russe. Ils portaient des uniformes impeccables, parlaient comme des hommes d'honneur. Mais ce n'était qu'une façade. Ils m'ont modelé, brisé, reconstruit. Orphelin, sans attaches, j'étais le cobaye idéal.

J'accélère légèrement. La berline noire que je dois suivre ralentit devant moi. Mais soudain, une jeune femme surgit sur la route, traversant sans un regard.

Cherche-t-elle la mort ?

Je freine brutalement, mais il est trop tard. Le choc est violent. Son corps heurte mon capot avant de retomber durement sur le bitume.

Un juron m'échappe. Dimitri hurle dans mon oreillette :
Dimitri : Ignore ça et continue ! On ne peut pas échouer, Alek !

Normalement, j'aurais obéi. Mais mes mains tremblent légèrement sur le volant, une première depuis des années. Une impulsion que je ne comprends pas me pousse à couper l'oreillette. Je descends de la voiture et cours vers elle.

Son corps frêle est étendu au sol. Une brune, la vingtaine. Même dans cet état, elle est... magnifique. Une plaie ouverte barre son arcade sourcilière, du sang macule ses lèvres, et son jean est déchiré sur les genoux.

Je m'agenouille. Elle respire encore. Mes doigts effleurent son cou pour chercher un pouls. À ce moment, ses paupières papillotent, révélant un regard saisissant.
Ses yeux, d'un bleu azur mêlé de gris, me clouent sur place.

Elle : Je suis... où ? Sa voix est faible, presque brisée.

Je déglutis, désarmé par cette simple question.

Moi : Je vous ai percutée. Je vais vous emmener à l'hôpital.

Elle tente de se redresser, mais vacille. Instinctivement, je la retiens par les épaules.

Moi : Ne bougez pas. Vous êtes blessée. Laissez un médecin vous examiner.
Elle : Non, ça ira. Je vais être en retard pour mes cours...

Des cours ? Une étudiante. Une vie ordinaire, si éloignée de la mienne. Elle fait un pas et manque de s'effondrer. Sans réfléchir, je la prends dans mes bras.

Elle : Lâchez-moi ! Je vais bien, je vous dis !

Elle se débat, ses mains frappant mon torse sans effet.

Moi : Vous ne tenez même pas debout. Désolé, mais vous n'avez pas le choix.

Je l'installe sur la banquette arrière de ma voiture et verrouille les portières pour éviter qu'elle ne s'enfuie. Elle frappe contre la vitre, furieuse, mais je démarre en direction des urgences.

L'accueil de l'hôpital est bondé, mais une réceptionniste au visage fermé me fixe, l'air suspicieux.

Moi : Elle a besoin d'un médecin d'urgence. Je l'ai renversée avec ma voiture.

La femme hausse un sourcil, peu impressionnée.

Réceptionniste : Le nom de la patiente ?

Je me tourne vers elle. Elle me lance un regard glacé avant de répondre.