J'ai beau fouiller dans les tréfonds de ma mémoire, je n'arrive pas à me rappeler la moindre bribe du trajet. Seul demeure le souvenir de la terreur qui accompagnait ma crise de panique, les sensations brouillées de vertiges et d'étouffement.
Je me rappelle en revanche très bien de l'explosion qui avait fini par secouer le chemin de fer. Mon angoisse, qui s'était un peu calmée vers la fin du trajet, était remontée de plus belle. Le train s'était brusquement arrêté. Quelques secondes de latence nous avaient laissés confus, la peur grimpant en flèche dans nos esprits.
Et soudain, la lumière, la fraîcheur, l'oxygène. Les portes avaient été ouvertes. Nous étions restés immobiles, ne sachant pas comment réagir : fallait-il courir pour tenter d'échapper aux gardes, sortir calmement pour ne pas se faire frapper ou tirer dessus, ou se terrer au fond du wagon en espérant être oubliés ?
Des cris nous parvenaient de l'extérieur, quelques coups de feu aussi. Une silhouette était passée devant nos portes en criant "Qu'est-ce que vous attendez ? Courez !" Cette injonction avait agi sur nous comme un déclencheur. Tout le monde s'était rué à l'extérieur, fuyant ce train qui nous amenait vers l'enfer sur terre. Emporté par le flot de la foule, j'avais dérivé vers la forêt qui bordait la voie ferrée. Les corps me poussaient vers l'avant, mais je n'avais qu'une seule chose en tête. Te retrouver.
Du regard, j'avais cherché le moindre signe de ta présence. Je m'étais souvenu que tu avais été emmené dans l'un des derniers wagons, alors j'avais tourné mes yeux vers l'arrière du train.
L'étincelle d'espoir qui m'animait avait été soufflée en une seconde. Les portes de ces wagons n'avaient même pas été ouvertes – je pouvais voir les chaînes cadenassées qui verrouillaient les grands panneaux coulissants. Des gardes s'étaient postés devant ces compartiments tandis que d'autres interrompaient les flux de fugitifs un par un.
Malgré la clarté de cette vision, mon cerveau n'arrivait pas à assimilier l'information. Je m'étais laissé porter par le courant de la foule, dérivant comme un morceau de bois sur une mer agitée. Ce ne fut qu'une fois dans la forêt, loin du train, lorsque les fuyards s'arrêtèrent enfin, que je me laissai tomber par terre et comprit enfin que tu étais resté là-bas, aux portes de l'enfer, et que l'ultime fil qui retenait désespérément les derniers morceaux de mon monde en place se rompit.
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Histoires d'un autre monde
FantasyPourquoi un deuxième recueil ? Eh bien tout simplement parce que celui-ci regroupe des nouvelles un peu spéciales, qui prennent toutes places dans le même univers fantasy dont j'ai déjà dévoilé les cartes... Plus de détails à l'intérieur ! ^^ P-S :...