Belle des Pluies (Romantasy)

Chapitre 7 - Nuit de consommation

Riham - Terres pluvieuses, Premier Beylik

Assise devant le miroir en cuivre poli de ma coiffeuse, je garde les yeux fermés. La brosse en bois caresse ma longue chevelure brune, émettant un murmure apaisant. Les doigts de Kareem effleurent ma nuque, ses gestes précis et méthodiques apprivoisent mes boucles rebelles.

Les bougies vacillantes projettent des ombres sur nos visages, et le clapotis de la pluie qui frappe les dalles de pierre dehors crée un bruit de fond paisible.

Tout semble si calme, si serein.

Pourtant, à mille lieux de cette apparente tranquillité, une tempête gronde en moi. Cette nuit est cruciale pour ma mission, et j'appréhende - une sensation peu familière.

J'essaie de me raccrocher à l'atmosphère apaisante qui m'entoure, en vain.

Ces marques, ces bleus sur la peau de la concubine ont fissuré mes certitudes.

Samira m'a pourtant appris à faire de chaque partie de mon corps une arme de plaisir. La courbe de mes hanches, la dextérité de mes doigts, la danse de ma langue, l'intonation de mes gémissements. Je connais les secrets pour rendre un homme fou de désir.

Malik m'a incité à prendre un masque de soumission devant le Bey Kafir. A présent, je prie pour que ce masque ne se brise pas. J'abhorre les hommes violents. Je ne suis pas de celle que l'on force à plier l'échine, je ne me soumets pas.

Les leçons que mon instructrice m'avait inculquées pour gérer ce genre de client se sont rarement terminées sans effusion de sang. Le leur, pas le mien. Dans l'art du sexe, je suis douée, mais dans celui du meurtre, je suis inégalable. Les dominateurs abusifs ont goûté ma lame plus que mon corps.

Je prends une longue inspiration, et ouvre les yeux. Mon reflet me renvoie l'image d'une femme belle, sublimée par un maquillage délicat et des bijoux scintillants. Le joli objet d'un Bey puissant.

— Tu es à couper le souffle, mon cobra.

Des talons claquent derrière nous, le visage de Mariam apparaît bientôt à côté de Kareem dans la psychée. Elle tient entre ses mains un écrin pourpre. Doucement, elle place sur mon front un diadème d'or orné de diamants étincelants.

— Il est magnifique, je murmure, caressant la pierre centrale du bout des doigts.

Son regard froid ne trahit aucune émotion.

— Tu es prête, dit-t-elle de sa voix glaciale.

Mariam saisit un flacon de parfum en cristal posé sur la coiffeuse, elle verse quelques gouttes sur mes poignets et derrière mes oreilles. L'air s'emplit instantanément d'une fragrance envoûtante de jasmin et de bois de santal.

— Le Bey peut être dur, me confie-t-elle à voix basse. Surtout avec ses concubines.

Je hoche la tête, surprise qu'elle partage une telle confidence. Un avertissement à peine voilé. Ses yeux s'accrochent aux miens avec une intensité troublante.

— Vous apprendrez vite à vous faire plus discrète, sans quoi...

Kareem l'interrompt brusquement d'un raclement de gorge. Elle lui lance un regard appuyé, avant de s'écarter.

L'attitude de la Reine-Mère me déroute complètement. Cette soudaine prévenance contraste avec l'image que j'avais d'elle. Me serais-je trompée sur ses intentions ?

Le Rab ekalli ajuste une dernière mèche de mes cheveux avant de reculer pour inspecter son travail.

— Parfaite. Rappelle-toi de rester calme et de parler peu. Le Bey apprécie la discrétion.