Parce que je t'aime

Chapitre 8

Une nuit était passée depuis le live, une nuit durant laquelle Zoltan avait tout fait, sauf dormir. Une nuit où il avait rejoué la scène de la veille une centaine de fois, refait tous les dialogues. Il aurait dû dire ceci, pas cela. Il aurait dû faire comme ci, pas comme ça. Bref, une belle nuit blanche pour Zoltan, à refaire sa vie au conditionnel.

C'est vers huit heures qu'il se décida à se lever, décrétant qu'il n'arriverait pas à dormir. Il alla se chercher un verre d'eau dans la cuisine, puis s'assit sur le canapé du salon. Il ne commençait son travail au restaurant que le lendemain et n'avait donc pas grand-chose à faire de la journée. Bien décidé à penser à autre chose qu'un certain brun aux yeux magnifiques, il se lança dans un livre trouvé au hasard dans la bibliothèque de Sannoë. Coïncidence ou signe du destin, l'histoire racontait comment un jeune homme accomplit mille et une quêtes pour conquérir sa bien-aimée. Brune, aux yeux verts, sinon ce n'est pas drôle. Et puis, forcément, après avoir frôlé la mort un nombre incalculable de fois, bien plus qu'il ne l'est humainement possible, après avoir failli abandonner... zéro fois, les héros n'abandonnent pas, et après avoir prouvé sa valeur, son courage et son amour, le jeune homme retourna voir sa belle. Celle-ci l'accueillit à bras ouvert et son père, le roi, le fit chevalier. Puis il autorisa à épouser sa fille et, à sa mort, le jeune héros devint roi à son tour.

Cette lecture pas du tout réaliste lui prit une petite heure et il fut rejoint, quelques instants après avoir fermé le livre, par Sannoë.

« Bien dormi ?

- Absolument pas, je n'ai pas fermé l'œil de la nuit. Soupira Zoltan avec un léger sourire. Et toi ?

- Moi je me suis transformé en loir et je viens seulement de me réveiller. Tu veux en parler ?

- De quoi, Yaël ? Non, c'est bon, je lui ai déjà dédié toute ma nuit, je m'offre une pose là.

- En lisant un affreux livre de romance dont l'une des protagonistes semble être la version féminine de Yaël ? Sannoë sourit, puis ajouta, Tu sais, je pense que tu devrais essayer de le recontacter, tu l'aimes encore alors vas-y, tu n'as rien à perdre, et tout à gagner.

- "Oublie que t'as aucune chance, vas-y fonce, on sait jamais sur un malentendu ça peut marcher." cita Zoltan

- Oui, mais non, moi je suis sûre que tu as tes chances, il te l'a plus ou moins fait comprendre hier, non ? Elle se tut un instant puis repris, sur un ton plus joyeux Bon, sinon, quel est ton programme pour la journée ?»

Quelques heures plus tard, les deux jeunes gens se trouvaient en haut d'une grande roue surplombant la ville de l'amour. La vue était splendide, digne d'une carte postale. Zoltan sortit son téléphone, prit quelques photos et s'apprêtait à le ranger quand une notification apparut sur son écran. Intrigué, il cliqua dessus et ses conversations Instagram s'ouvrirent. Là, en gras, un nouveau message s'affichait. Un message de Sunce. Fébrile, Zoltan l'ouvrit. "Ça m'a fait plaisir d'avoir de tes nouvelles." Le roux relut le message une fois, puis deux, puis dix, jusqu'à avoir chaque caractère imprimé à jamais dans sa rétine. Ses cours de français du lycée furent mobilisés pour analyser la phrase, mais ça ne l'avança pas beaucoup. Sannoë, devinant que la soudaine immobilité de son ami était due à quelque chose, se rapprocha de ce dernier et lu par-dessus son épaule. Elle eut un grand sourire.

« Tu vois que tu as tes chances. Zoltan soupira

- Peut-être, mais je lui réponds quoi ?

- La vérité. Ça t'a fait plaisir à toi aussi de lui parler, non ?

- Oui, mais si je lui dis ça, il ne risque pas de me trouver collant ? Ou sans personnalité ?

Le jeune homme stressait comme un dingue, n'importe qui aurait pu le remarquer. Sannoë le comprit rien qu'avec l'accent paniqué qu'avait pris la voix de son ami. Elle posa une main sur son épaule.

- Tu as déjà réussi à le séduire, il y a six ans. Tu peux le refaire, soit juste toi-même. Il te plait, et je suis intimement persuadée que tu lui plais aussi. Réponds-lui ce qui te paraît le plus naturel, et laisse les choses se faire. Zoltan acquiesça, avant de taper quelques mots sur son portable. Puis il verrouilla ce dernier et inspira un grand coup.

- C'était quoi déjà la phrase latine que tu m'avais apprise ? Alea jacta est ? » Et Sannoë lui sourit.

***

Le téléphone vibra un coup, et Zoltan sauta dessus. Ses yeux pétillèrent de joie quand il vit la notification. Un mois que Yaël lui avait envoyé un premier message, un mois que le roux lui avait répondu. Un mois qu'ils discutaient de tout et de rien à la moindre occasion. Le chanteur n'avait pas évoqué leur rupture, et Zoltan s'était bien gardé de le lancer sur le sujet, ne voulant pas rappeler au brun ce souvenir.

Leurs messages avaient quelquefois des traces de drague, des sous-entendus par-ci par-là, mais cela restait toujours très léger.

Zoltan répondit à Yaël, le sourire aux lèvres, puis remonta la conversation. Il tomba sur son message préféré de la part du brun : "Mon envie la plus forte à l'instant ? voir une étoile filante." Quand il l'avait reçu, le brun était devenu rouge. Encore plus rouge quand il avait répondu "Moi je crois que j'ai très envie d'un soir dans un refuge de montagne."

Zoltan verrouilla son portable et aperçut la date. 9 décembre. Les jours se faisaient très courts, la température baissait. Ayant passé deux hivers au Canada, le roux n'était pas plus impacté que cela par le froid naissant. Presque un mois et demi qu'il était rentré d'Amérique du Nord. Il avait d'abord passé deux semaines à travailler au restaurant, puis avait finalement été contacté par une propriétaire d'un magasin de vêtements d'occasion qui avait vu l'annonce passée par Sunce dans une storie. Il se plaisait bien, dans ce nouveau job, Sannoë cherchant un colocataire lui avait proposé de rester, et le magasin se trouvait à trois rues de l'appartement.

Il n'avait revu qu'une seule fois, et en coup de vent, sa famille depuis qu'il était rentré et devait passer les fêtes avec les siens, dans sa maison d'enfance, où ses parents résidaient toujours. En bref, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.