Les mots jamais dits

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Harry était allongé sur le dos, son souffle lent se mélangeant à celui de Louis, étendu à côté de lui. La chaleur de leurs corps encore entrelacés contrastait avec la fraîcheur de la nuit qui s'infiltrait par la fenêtre entrebâillée. Le silence était apaisant, presque sacré, comme s'il encapsulait ce moment, ce bref instant de paix après le tumulte de leurs ébats.

Louis tourna la tête vers lui, son regard empli de cette douceur qui, encore et encore, désarmait Harry. Il ressentait encore les mains de Louis sur sa peau, l'écho de ses murmures dans son oreille, et il se sentit soudain plus fragile qu'il ne l'avait jamais été. Une boule s'était formée dans sa gorge, et il savait, au fond de lui, que le moment était venu. Qu'il ne pouvait plus fuir.

Il inspira profondément, essayant de trouver les mots. Ils semblaient si lourds, ces mots-là, coincés quelque part entre sa poitrine et sa bouche, comme s'ils ne voulaient pas sortir, comme s'ils allaient le détruire en franchissant ses lèvres. Mais il savait que s'il ne disait rien, s'il gardait tout cela en lui, cela finirait par le dévorer.

"Il faut que je te parle, Louis," murmura-t-il finalement, sa voix brisée par l'émotion.

Louis se redressa légèrement, ses yeux cherchant ceux de Harry dans la pénombre. "Qu'est-ce qu'il y a ?" demanda-t-il doucement, sa main glissant sur la joue de Harry, l'encourageant sans pression, mais avec une présence rassurante.

Harry déglutit, sentant sa gorge se serrer davantage. Il prit une autre respiration, profonde, comme s'il essayait d'aspirer toute la force qu'il pouvait trouver dans l'air autour de lui. "Je veux... Je veux tout te dire," finit-il par avouer, sa voix presque inaudible.

Il sentit le corps de Louis se tendre légèrement, mais ses yeux restaient doux, attentifs. "Prends ton temps," dit-il doucement. "Je suis là, je t'écoute."

Harry ferma les yeux, cherchant dans ses souvenirs les images de son passé qu'il avait passé tant d'années à enfouir. "Ma mère est morte quand j'avais six ans," commença-t-il, sa voix tremblante, comme s'il touchait une plaie encore ouverte. "C'était un accident. Je me souviens de ce jour comme si c'était hier. Je me souviens de l'ambulance, des sirènes... de mon père qui ne disait rien. Juste ce silence lourd, ce silence qui m'a suivi pendant des années."

Louis ne disait rien, mais sa main se posa plus fermement sur celle de Harry, un geste de soutien silencieux.

"Après ça, mon père a changé. Il a toujours été strict, très dur avec moi... Mais après la mort de ma mère, c'est comme s'il avait mis toute sa colère sur moi. Comme s'il me reprochait de ne pas avoir pu la sauver... ou de simplement exister." Harry sentit une larme rouler sur sa joue, et il ne chercha pas à l'essuyer.

"Il était professeur de danse classique, tu le sais," continua-t-il, la voix brisée. "Mais ce que je ne t'ai jamais dit, c'est à quel point il était obsédé par la perfection. Et quand je dis perfection, je veux dire... un contrôle total. Sur tout. Mon corps, mes mouvements, même mes pensées. Rien de ce que je faisais n'était jamais assez bien pour lui."

Harry fit une pause, rassemblant son courage. "Il a commencé à me pousser de plus en plus, à me forcer à m'entraîner jusqu'à l'épuisement. Si je ne dansais pas comme il le voulait, il devenait... violent. Pas toujours physiquement, mais dans ses mots. Il me disait que j'étais faible, que je n'étais rien sans la danse, que ma vie n'aurait aucun sens si je ne devenais pas le meilleur."

Harry sentit le corps de Louis frissonner légèrement, et il serra sa main plus fort. "Il m'a coupé de tout. Je n'avais pas d'amis, pas de vie en dehors du studio. Et quand il a découvert que j'étais... que j'étais attiré par les hommes..." Harry s'arrêta, sa voix se brisant complètement.

Louis se rapprocha, ses lèvres effleurant doucement la tempe de Harry, un geste silencieux de soutien. "Il t'a rejeté," murmura-t-il, plus une constatation qu'une question.

Harry hocha la tête, ses yeux fixés sur le plafond comme s'il cherchait à fuir cette douleur qui remontait en lui. "Il m'a dit que j'étais une honte pour lui, pour ma mère, pour tout ce qu'il m'avait appris. Il m'a dit que je ne méritais pas de porter son nom, que je n'avais plus de place dans sa maison. J'avais seize ans, Louis... Seize ans et je me suis retrouvé seul."

Il sentit une autre larme couler, mais cette fois, Louis l'essuya doucement de son pouce. "Tu n'as jamais parlé de tout ça," dit-il doucement. "Tu n'as jamais partagé cette partie de toi."

"Parce que je n'ai jamais voulu que quelqu'un sache à quel point j'étais brisé," répondit Harry, sa voix pleine de souffrance. "J'avais peur que si je le disais à voix haute, ce serait vrai. Que si je le confiais à quelqu'un, cette personne finirait par voir à quel point je suis faible."

"Harry, tu n'es pas faible," protesta Louis avec une force douce mais ferme. "Tu es l'une des personnes les plus courageuses que je connaisse. Regarde tout ce que tu as traversé... Et tu es encore là, tu te bats encore."

Harry soupira profondément. "Mais je me sens si vide, parfois... Si perdu. J'ai l'impression que je me bats contre des fantômes, contre l'ombre de mon père qui continue de me juger, même de loin. Et je... je ne sais pas comment être autre chose que ce qu'il voulait que je sois. Même maintenant, je danse pour lui prouver quelque chose, et je ne veux plus vivre comme ça."

Louis resta silencieux un instant, ses doigts caressant doucement la main de Harry. "Tu n'as pas à prouver quoi que ce soit à qui que ce soit," dit-il finalement. "Pas même à ton père. La danse... c'est toi, c'est ton art, ta passion. Tu danses pour toi, pour ce que tu ressens, pour ce que tu veux exprimer, pas pour les attentes de quelqu'un d'autre."

Harry se tourna vers Louis, cherchant son regard. "Et toi ? Pourquoi tu restes avec moi ? Pourquoi tu supportes tout ça ?"

Louis sourit doucement, une lueur douce dans ses yeux. "Parce que je t'aime, Harry. Pas pour ce que tu fais, pas pour ce que tu devrais être, mais pour ce que tu es, ici, maintenant. Avec toutes tes forces, et toutes tes faiblesses."

Les mots de Louis pénétrèrent profondément dans l'âme de Harry, apaisant quelque chose en lui, une douleur qu'il n'avait même pas réalisée être là depuis si longtemps. Il sentit son cœur se serrer, mais cette fois, c'était d'un soulagement qu'il n'avait jamais connu.

Il se pencha doucement, pressant ses lèvres contre celles de Louis, avec une tendresse infinie. "Merci," murmura-t-il contre sa bouche. "Merci d'être là. Merci d'être toi."

Louis lui rendit son baiser avec une douceur égale, serrant Harry contre lui comme s'il ne voulait jamais le lâcher. Et Harry se laissa aller, pour la première fois depuis longtemps, à cet amour qui lui semblait enfin réel, enfin à sa portée.

À travers les OmbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant