Russie, 1917 - Saint-Pétersbourg
Point de vue Anastasia
C'est cette année-là que tout bascule. Malgré les craintes de mes parents, nous avons réussi à vivre plusieurs années de quiétude. Les journées au Palais sont remplies de leçons de danse et de musique, de jeux dans les jardins luxuriants et de dîners somptueux où nous écoutons les discussions des adultes.
Mais ce soir-là, alors que le château est silencieux, plongé dans l'obscurité de la nuit, je me retourne dans mon lit, incapable de trouver le sommeil. Une inquiétude sourde me tord les boyaux, comme si quelque chose de terrible allait se produire, sans que je ne puisse mettre un mot dessus.
C'est alors que j'entends un bruit sourd venant du couloir. Mon cœur se serre. Je sais ce qui est en train de se passer. Tout au fond de moi, cette peur enfouie ne m'a jamais quittée depuis toutes ces années.
On vient me chercher.
Les portes du Palais rugissent, des cris résonnent dans les couloirs.
La révolution gronde à nos portes depuis longtemps, mais je n'aurais jamais cru qu'elle puisse franchir les portes du château.
Je sors silencieusement de ma chambre, mes pieds nus frôlant le sol froid. Le long couloir est faiblement éclairé par la lumière vacillante des chandeliers. J'avance prudemment, chaque bruit amplifiant ma peur.
Soudain, un cri perce l'air, suivi d'un bruit de lutte. Mon sang se glace. Je me précipite vers la source du bruit, mes jambes tremblantes sous l'effet de la terreur. Mes pieds rencontrent un liquide chaud par terre, et en baissant la tête, mon souffle se bloque dans ma gorge, un cri de terreur m'échappe. Mes pieds sont recouverts de sang. Il y en a à perte de vue.
Les soldats bolcheviks envahissent le château. Ils sont partout, leurs uniformes sombres se détachant dans la pénombre avec leur symbole. La faucille et le marteau. Je reconnais certains des serviteurs de ma famille, loyaux et dévoués, se faire brutalement abattre sous mes yeux, dont Pavel. Cet homme qui m'a vue grandir, qui a couvert chacune de mes bêtises, se tient là devant moi, allongé les yeux encore ouverts. Le sang coule sur le sol, se mêlant aux larmes et aux cris.
Je plaque une main sur ma bouche pour étouffer un second cri. Mon esprit est envahi par la panique. Je dois retrouver ma famille. À n'importe quel prix.
C'est cette seule pensée qui réussit à me faire avancer. Je cours à travers le Palais, empruntant les passages secrets qui longent les couloirs de Peterhof pour éviter les soldats.
À chaque pas, je lutte contre la peur paralysante.
En atteignant l'aile ouest, je trouve mes sœurs, à l'ombre d'un couloir. Elles se tiennent droites, essayant de rester calmes malgré la terreur visible dans leurs yeux. Tatiana me voit la première, et son regard se remplit de soulagement et de peur.
— Anastasia ! Viens ici, vite ! chuchote-t-elle, tendant la main vers moi.
Je cours vers elles sans hésiter et les prends dans mes bras, nos corps tremblant de peur. La chaleur de leur étreinte m'apporte un réconfort fugace, mais la réalité de la situation nous écrase. Olga murmure une prière, ses lèvres tremblantes, à peine audibles.
— Nous devons retrouver maman et papa, murmure Maria de sa voix tendue.
Je hoche la tête, sentant les larmes me monter aux yeux.
— Et Alexis ? chuchote Olga, sa voix trahissant son angoisse. Tu penses qu'il est avec eux ?
Je ferme les yeux un instant, essayant de calmer le tremblement de mes mains.

VOUS LISEZ
Anastasia (Sous contrat d'édition)
Teen FictionTout commence par une nuit glaciale, dont les répercussions pourraient changer à jamais le destin d'une jeune princesse... Russie 1917 La tension règne toujours parmi les royalistes et les bolchéviks. Le 13 novembr...