Point de vue Anastasia
Son ton est ferme, sans appel. Cette réponse, bien que réconfortante en apparence, me laisse frustrée. Il me cache quelque chose, j'en suis certaine. Tous ces hommes manigancent quelque chose. Un plan. Une guerre contre les bolcheviks, probablement. Et curieusement, malgré la terreur que cela devrait m'inspirer, une brûlure naît dans mes veines. Pour une fille de 18 ans qui a grandi derrière des portes dorées, cette pensée est déconcertante.
Et pourtant, je ne peux m'empêcher de sentir qu'ils me prennent tous pour une enfant. Le tutoiement que Sergueï utilise à mon égard ne fait que renforcer cette impression. Est-ce mon âge, mon statut, ou simplement le fait que je sois une femme qui m'empêche de devenir leur égale ? Peu importe la raison, une chose est certaine : cette nuit-là, quelque chose en moi a changé.
Chaque parcelle de mon corps crie vengeance. Et s'ils préparent une guerre, je veux en être.
Aucun de nous deux ne parle sur le chemin vers ma chambre. Nous regagnons le hall avant de passer sur le grand escalier en son centre puis je suis Dimitri vers la droite. Nous traversons un long corridor desservant plusieurs portes et lorsque nous arrivons à l'extrémité du couloir, il saisit la poignée et l'ouvre, se reculant pour me laisser entrer.
La lumière du jour pénètre à travers les fenêtres entourées d'épais rideaux rouges, éclairant la pièce avec une lueur douce et chaude. Le lit, collé contre le mur à ma gauche, est recouvert de draps moelleux. Une cheminée à l'opposé du lit diffuse une agréable chaleur dans la chambre et un fauteuil est disposé devant la fenêtre avec plusieurs couvertures sur le dossier.
J'avance doucement dans la pièce effleurant la douceur des couvertures et me retourne vers Dimitri avant qu'il n'atteigne la porte pour repartir.
— Merci...
Il s'arrête, mais ne se retourne pas pour autant lorsqu'il s'exclame :
— Ne me remercie pas encore.
Je lève les yeux à l'entente de sa réponse.
Evidemment.
Quelques minutes plus tard, alors que j'observe depuis ma fenêtre la neige qui recommence à tomber, ma porte s'ouvre à la volée, me faisant sursauter. Une femme d'une quarantaine d'années entre comme un tourbillon, les bras chargés de vêtements. Ses cheveux noirs de jais sont relevés en un chignon d'où s'échappent quelques mèches, et ses yeux verts pétillent de malice et de chaleur.
— Bonjour, bonjour ! s'exclame-t-elle d'une voix joyeuse, presque chantante.
Elle me scrute de la tête aux pieds, son sourire éclatant s'adoucit légèrement lorsqu'elle remarque mon état.
— Oh mon dieu ! Ma pauvre petite ! s'exclame-t-elle, une inquiétude sincère dans la voix.
Elle ne me laisse même pas le temps de répondre avant de déposer avec précaution le tas de vêtements sur le lit. Ses mouvements sont rapides, mais pleins de douceur, comme si elle craignait de me casser en deux en étant trop brusque.
— J'ai apporté de quoi vous requinquer, mon enfant, dit-elle en m'offrant un sourire chaleureux, comme si elle pouvait me guérir avec sa seule présence.
Elle s'approche et caresse doucement une éraflure sur ma pommette, son regard se voilant brièvement de tristesse.
— Je suis tellement désolée pour tout ce qui vous est arrivée...
Voyant que je n'ai pas envie de m'épancher sur le sujet, elle se ressaisit vite, son énergie débordante reprenant le dessus.
— Mais maintenant vous êtes ici ! Avec moi, qui plus est ! Vous ne savez pas la chance que vous avez ! s'exclame-t-elle avec un clin d'œil complice, un éclat de rire dans la voix.
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Anastasia (Sous contrat d'édition)
Teen FictionTout commence par une nuit glaciale, dont les répercussions pourraient changer à jamais le destin d'une jeune princesse... Russie 1917 La tension règne toujours parmi les royalistes et les bolchéviks. Le 13 novembr...