Chapitre 1

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SPENCER

Je desserre ma cravate en soupirant. Rien ne s'est passé comme prévu, encore une fois. Ce n'est absolument pas comme ça que j'avais imaginé cette soirée. Je devais aller la chercher chez elle avec des fleurs, l'emmener dîner dans le restaurant dont elle me parle depuis des semaines et lui offrir le cadeau que j'avais caché dans la poche de ma veste. Il n'y avait pas de raisons pour que la soirée prenne une tournure différente. J'ai réservé une table il y a plusieurs semaines pour être sûr de pouvoir l'y emmener. Mais il n'y a jamais rien qui se passe comme je le veux.

Mes yeux brûlent et j'essuie mes joues du revers de ma manche. Je ne devrais pas être triste. Elle ne le mérite pas. La réalité est moins utopique que les scénarios que mon cerveau élabore depuis plusieurs jours. Le fleuriste n'avait plus de roses, donc j'ai pris des tulipes parce que je sais que ce sont ses fleurs préférées. Ensuite, j'ai dû faire un aller-retour chez moi parce que j'ai oublié mon cadeau. Donc, j'étais en retard. Ce ne sont que de fâcheux contre-temps, rien de bien grave jusque-là. Quand j'ai toqué à la porte de son appartement, elle n'est pas venue m'ouvrir. J'ai utilisé le double qu'elle m'a laissé pour que je m'occupe de son chat quand elle a dû s'absenter le mois dernier. Je me suis dit qu'elle était peut-être sous la douche ou en train de finir de se préparer et qu'elle ne m'a pas entendu toquer.

Elle n'était pas en train de se préparer et n'était pas sous la douche. Mon cœur a raté un battement quand je l'ai entendue. Même s'il ne m'en fallait pas plus pour comprendre ce qu'il se passait ici, j'ai avancé dans le couloir jusqu'à sa chambre, le cœur battant tellement fort que je me suis demandé s'il n'allait pas sortir de ma poitrine. Sa porte était entrouverte et j'ai vu le reflet de sa trahison dans le miroir sur le mur face à son lit. J'ai été pris d'une effroyable nausée. Je suis parti le plus vite possible en claquant la porte d'entrée.

Et me voilà, seul sur Collins Street, à déambuler sans but précis. Je suis complètement en vrac. Ma relation avec Cheryl n'était pas vieille. Cela faisait à peine quelques mois que nous sortions ensemble. Enfin, si on est seulement sorti ensemble un jour. Je suis plus en colère que triste, je crois. Je me sens trahi. S'il y a bien quelque chose que je ne supporte pas, c'est le mensonge et la trahison. J'aurais dû le voir venir, sentir que j'étais le seul à m'investir dans cette relation. J'ai été aveugle, encore une fois. Je jette dans la première poubelle que je croise la pochette contenant ce rouge à lèvre qu'elle voulait tant. J'ai l'impression de ne jamais suffire. Le schéma se répète sur chacune de mes relations. Je m'attache beaucoup trop rapidement aux gens. J'essaie de freiner ce trait de ma personnalité, de me méfier davantage. Mais rien y fait.

Collins Street est bondée. Ce soir est un soir un peu spécial pour beaucoup. La Saint-Valentin a ravi beaucoup de monde. Plus que l'année dernière j'ai l'impression. Je n'ai jamais vraiment été intéressé par cette fête. Je ne suis pas contre le romantisme mais je pars du principe qu'il ne devrait pas y avoir de jour particulier pour prendre soin l'un de l'autre et se faire des cadeaux. Je ne vois pas plus d'intérêt que ça à la Saint-Valentin mais bon, pourquoi pas. Les restaurants sont pleins à craquer, les rares qui n'ont pas réservé attendent patiemment leur tour devant l'entrée. Tous ces gens ont l'air heureux ce soir, amoureux surtout. J'ai l'impression d'enfoncer le couteau dans la plaie en observant le bonheur de ces inconnus. Je pense que je vais rentrer en me barricadant à l'abri de cet amour dégoulinant auquel je n'ai visiblement pas droit.

Je presse le pas, il commence à pleuvoir. Mon bouquet de fleurs toujours dans les bras – je me demande pourquoi je ne l'ai pas jeté – je parviens à ouvrir mon parapluie, non sans difficultés, et m'abrite en dessous. Ce n'est vraiment pas mon jour. Un soupir las m'échappe. Les gens se réfugient sous les stores des magasins ouverts le soir ou s'engouffrent dans diverses boutiques pour se protéger de la pluie qui s'intensifie. Tout devient gris, les nuages cachent les couleurs d'habitude flamboyantes du coucher de soleil. C'en est d'autant plus déprimant. Mais dans toute cette grisaille, quelque chose détonne un peu plus loin. Un point rouge dans la foule qui s'éloigne et qui s'immobilise en s'approchant d'un banc.

Nos Cœurs en clé de solOù les histoires vivent. Découvrez maintenant