Chapitre 14

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« La joie est le nerf de toutes les affaires humaines », Pierre Bayle

SOPHIE

Comme je suis seule dans les appartements aujourd'hui, Guillaume étant je ne sais où et à vraie dire, je m'en fiche un peu, j'ai décidé de reprendre ma peinture du Grand Trianon, que j'ai laissé en suspens depuis la dernière fois que j'y suis allée avec Jules, donc il y a un peu plus d'un mois. Mais désormais, le croquis étant fait, il est temps que je le mette en couleur. Et pour complètement m'évader grâce à cette activité qui me passionne, j'ai demandé à deux musiciens de venir pour me jouer les œuvres les plus connues de Lully, ainsi, travailler en musique est beaucoup mieux que dans le silence complet.
Un tablier sur ma robe pour ne point me salir, je suis concentré sur ma mise en couleur, ma palette de peinture dans la main et mon corps se dandinant légèrement au rythme de la musique.
Le bout du pinceau dans la bouche, je me force à me remémorer ce lieu si apaisant pour y apposer les couleurs exacts et ainsi ne pas dénaturer le lieu réel. Je ne sais pas encore si je vais garder ce tableau pour moi où si je vais l'offrir, voire le vendre. Je prendrai ma décision une fois qu'il sera terminé.

— Pourriez-vous me jouer Armide : ouverture ? demandé-je aux deux musiciens à seulement quelques pas de moi.

Ils acceptent et pendant de longues minutes, je m'affaire à la tâche, mettant déjà de la couleur pour l'herbe et les fleurs. Je change de pinceau pour en prendre un plus fin pour faire quelque chose de propre. Je m'arrête quelques instants pour avaler un verre d'eau et du coin de l'œil, je remarque ma domestique, Angélique, arriver avec ce qui semble être une lettre dans la main.

— Madame, une lettre pour vous, m'informe-t-elle en me la tendant.

Je la lui prends des mains et lorsque je lis le nom du destinataire, je souris à pleine dents et mon cœur bat tambour-battant contre ma poitrine.

— Messieurs, vous pouvez, indiqué-je aux musiciens.

Je me rends tout de suite en direction de ma chambre, oubliant ainsi ma peinture, mais la voix de ma domestique m'arrête :

— Madame, voulez-vous que je range votre tableau et tous le matériel ?
— Matériel oui, peinture non, laissez-la là, je la rangerai moi-même.

Je ne perds pas plus de temps et me rue sur mon lit où je m'empresse de décacheter la missive de Jules, que je n'attendais plus. Voilà bien depuis l'épisode du Trianon que nous ne nous sommes point revus et encore moins envoyé des lettres, cela m'a tellement manqué. Naïvement, j'ai cru qu'il m'avait oublié, où qu'il préférait le faire, mais j'ai été idiote de penser cela de lui.
La lettre dans les mains, je commence la lecture avec un sourire si franc sur les lèvres qu'on ne peut douter de mon amour pour lui :

« Ma chère et tendre Sophie,
Comme je suis heureux d'enfin vous écrire de nouveau. Vous me manquez atrocement, mon amour, aussi, je vous prie de me pardonner pour mon silence ce dernier mois, durant, il faut dire que j'ai été pas mal occupé. Avec la compagnie, nous avons beaucoup travaillé pour perfectionner notre jeu et nos pièces. Nous avions rendez-vous tôt au théâtre et le soir, lorsque je rentrais, j'étais tellement fatigué que j'allais directement au lit. Mais chaque soir, je rêvais de vous et de votre beauté qui m'ensorcelle même dans mon sommeil. J'ai appris que vous avez été marié à un Comte, j'espère que vous êtes contente de ce titre. Cependant, je ne vous demande point si vous êtes heureuse de cette nouvelle situation car je vous connais et je sais que cela n'est pas le cas. J'aurais aimé qu'un mariage entre nous soit possible, ma Sophie, mais non-mariage ne veut point dire que nous ne pouvons plus nous voir. Enfin, si vous êtes toujours amoureuse de moi.
Enfin, je m'égare. La raison principale de ma lettre, c'est pour vous apprendre que si, en plus du théâtre, j'ai été bien occupé ces derniers temps, c'est parce que j'ai déménagé. Cela va me faire de la route me rendre dans la capitale pour jouer avec la compagnie, mais je ne vis plus à Paris. En réalité, j'ai déménagé dans le visage de Versailles, non loin du château, et cela pour me rapprocher de vous, ma Sophie.
Je le sais, vous êtes mariée et je n'ai pas conséquent point le droit de vous demander cela, mais si, comme je le pense, vous n'êtes point heureuse avec ce Comte, j'aimerais que nous nous revoyons, comme avant.
Si tel est votre souhait autant que le mien, je vous glisse ici mon adresse afin que vous puissiez venir me retrouver ce soir, dans ma nouvelle maison, aux alentours de 21h.
Votre Jules »

Vices à Versailles - Pour arriver à moi Spin-offOù les histoires vivent. Découvrez maintenant