Chapitre 11

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« Une heure de conversation vaut mieux que cent lettres », Madame de Sévigné

SOPHIE

Voilà trois jours que j'ai épousé Guillaume et que je suis devenue sa Comtesse de Bourgogne et trois jours qu'entre nous, ça ne va pas mieux qu'avant notre mariage. Je dirais même que c'est pire puisque nous partageons désormais les mêmes appartements. C'est pour cela que, la plupart du temps, je les déserte pour me retrouver dans ceux de mère, rendre visite à Elisabeth-Charlotte ou même aller dans ceux de mon frère et de sa femme qui sont à Versailles depuis mes noces et qui y restent quelques jours encore.

— Il va falloir que vous finissiez par retourner dans vos appartements, vous en êtes consciente ? m'interpelle mon frère.

Mon bras en-dessous du sien, nous nous promenons dans le bosquet des Trois Fontaines alors que son épouse passe du bon temps avec Mère et notre tante Elisabeth.

— Oui, je le sais, mais je veux profiter de vous pendant que vous êtes ici, nous nous voyons si rarement, lui réponds-je avec un sourire.
— Et j'en suis fort aise, ma chère petite sœur. Mais je vous connais, Sophie, alors je sais aussi que si vous êtes si souvent dans mes appartements, c'est parce que vous voulez fuir votre mari. N'est-ce pas ?
— En effet, mais vous savez que je l'exècre.
— Il est vrai. Mais laissez-moi vous demander quelque chose : avez-vous tenté de le connaître un minima, au moins ?
— Bien sûr que oui, mens-je.

Puis, je soupire.

— Je sais que vous me prenez pour une petite fille pourrie gâtée et capricieuse, Jean-Baptiste, mais...
— Non, pas du tout, Sophie, je vous l'assure. Mais vous êtes fille de Roi, vous devez en prendre conscience. Vous faire épouser cet homme est sans doute une stratégie politique de votre père.
— Oui, mais le fait est qu'il ne veut point me dire laquelle et cela m'agace. Et puis mère qui n'a rien fait pour empêcher ce mariage...
— Que vouliez-vous qu'elle fasse ? Quand le Roi décide, on ne peut aisément le faire changer d'avis. Et là, il s'agissait de votre avenir.

Jean-Baptiste a toujours idolâtré notre mère, de la même manière que je le fais avec le Roi. Je sais qu'il la défendra toujours, quoi qu'elle fasse.

— Certes, mais il est connu que les femmes ont toujours eu de l'influence sur les décisions du monarque : la Marquise de Montespan en est le parfait exemple, ainsi que son épouse actuelle, madame de Maintenon, qui lui donne souvent conseil. Et puis Jean-Baptiste, mère et le Roi ont eu une relation secrète pendant de longues années, j'en suis la preuve vivante. Père aurait pu la lever au rang de favorite et même me légitimer comme il l'a fait avec ses autres enfants, or il ne l'a pas fait. Et pourquoi ?
— Parce...
— Parce que mère le lui a demandé, tout simplement ! m'exclamé-je en lui coupant la parole. Alors, je vous le demande, Jean-Baptiste : pourquoi n'a-t-elle pas insisté pour faire annuler ce mariage avant même qu'il n'ait lieu ? Je suis persuadée que si elle avait insisté un tant soit peu, je serais encore libre à l'heure qu'il est.
— Mère a toujours agit pour notre bonheur, Sophie, et vous le savez très bien, qu'importe votre rancœur envers elle. Si elle a accepté ce mariage, c'est qu'elle a une bonne raison.
— Laquelle, dans ce cas ?
— Malheureusement, je ne suis pas dans sa tête, je ne peux donc vous répondre.
— Moi je pense surtout qu'elle voulait se débarrasser de moi, qui était devenue trop encombrante avec mon côté rebelle.

Il s'arrête net et m'envoie un regard d'avertissement qui me fait rentrer la tête dans les épaules.

— Non, cela vous n'avez pas le droit de le dire, Sophie ! Mère vous aime éperdument, elle vous a eu avec un homme dont elle a été follement amoureuse. Qu'importe que vous vous rebelliez ou que vous soyez une fille modèle, son amour pour vous ne change pas, je vous interdis de penser le contraire, est-ce clair ?

Vices à Versailles - Pour arriver à moi Spin-offOù les histoires vivent. Découvrez maintenant