Chapitre 21

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« Petit poisson deviendra grand, pourvu que Dieu lui prête vie », Jean de la Fontaine

GUILLAUME

C'est le grand jour.
Aujourd'hui, je pars pour la guerre.
Il me tarde d'y aller, mais en même temps, j'appréhende beaucoup. Et si je ne reviens pas ? Et si, malgré tous nos efforts et une stratégie solide, les catalans sont plus forts et que nous perdons cette bataille ? Serais-je capable de revenir à Versailles, face au Roi, alors que nous avons échoué ? De cela, je n'en suis pas sûr car comment revenir après un échec alors que la dernière fois que je suis revenu de la guerre, c'était en tant que victorieux ? Je ne supporterai pas cette humiliation et la déception que je lirai à coup sûr dans les yeux du Roi. Et sans doute de mon épouse.

Je secoue la tête, les yeux levés au plafond, Sophie encore endormie à mes côtés.
Pas question que je pense à cela, il n'y a pas de raison pour que je ne revienne pas et surtout, pour que l'on perde. Ces derniers jours, Antoine et moi avons élaboré une stratégie qui ne peut que marcher et que nous aboutirons encore une fois arrivés sur le champ de bataille ; elle va fonctionner, c'est certain.
Une main me frôle le torse nu puis bientôt, je sens le corps de ma femme se rapprocher de moi, son me ton vient même se caler dans mon cou. Surpris par cet élan d'affection de sa part, je reste prostré dans le lit, comme paralysé.

— Vous me semblez soucieux, me lance sa voix encore toute endormie.
— C'est le grand jour, lui réponds-je simplement, le cœur battant un peu plus fort.
— Oh, j'avais oublié.

Elle se redresse et me regarde dans les yeux. Avec étonnement, mais bien-être, je la regarde poser une main délicate et douce sur ma joue. Que lui arrive-t-il, ce matin ? Aurait-elle eu une révélation divine durant la nuit ? Ce serait-elle rendu compte qu'elle m'aimait, en dépit de son ressentiment à mon égard ? Je ne sais que penser de cela, mais j'y prends plaisir, c'est ce qu'il me fallait, pour partir en forme et satisfait.

— Je suis certaine que cela va bien se passer. Avec Antoine à vos côtés, je ne doute pas un seul instant de votre victoire.

Je la regarde, éberlué et bouche-bée, ne sachant pas quoi répondre.

— Eh bien quoi ? m'interpelle-t-elle.
— Je suis simplement... surpris par votre comportement ce matin.
— J'ai seulement réalisé que même si... je pense de vous ce que je pense, vous partez sur le front, un endroit dangereux, et je ne souhaite pas vous voir périr au combat. Et je sais également que vous partez sans doute pour de longues semaines et que... un homme a besoin de se sentir... soutenu pour ce grand jour.

Après ses paroles, je ne résiste plus et l'embrasse de pleine bouche, avant de passer mon bras dans son dos et de la faire basculer sous moi, pour que je me retrouve au-dessus. Les yeux dans les yeux, je ne peux la lâcher du regard.

— Merci, Sophie, c'est... exactement ce dont j'ai besoin. Mais puis-je vous poser une question ?

Elle hoche la tête.

— Comment avez-vous su que... c'était de... vous et de votre corps dont j'avais besoin avant de partir ?
— Mère. Disons qu'elle m'a parlé des besoins d'Antoine et... je me suis dit que vous souhaitiez sans doute la même chose.
— C'est très gentil à vous, Sophie, ça me touche énormément. Mais... je vous avoue que cela me surprend de votre part, bien que cela ne soit pas du tout désagréable. À ce propos, comment va votre mère ? Lorsque le Roi nous a convoqué, j'ai cru comprendre que... elle n'était pas très ouverte au fait que son mari retourne à la guerre.
— Vous voulez réellement parler ma mère tout de suite ? me demande-t-elle avec un regard dans lequel je décèle un désir profond.

Une lueur que je n'avais encore jamais vu dans son regard, peut-être uniquement lorsqu'elle évoquait l'homme qu'elle aime, bien que je ne préfère pas penser à cela en cet instant.

Vices à Versailles - Pour arriver à moi Spin-offOù les histoires vivent. Découvrez maintenant