── Chapitre 1 : Thomas Shelby.

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   Six jours plus tôt...

   1er septembre 1932, 05h30.

   Sur un paquebot reliant New York à Dublin.

   Thomas Shelby n'a pas le pied marin.

   Être coincé au milieu de l'océan sur un bateau lui rappelle la guerre. La première fois que lui et ses frères étaient montés à bord d'un tel engin, c'était en 1914, pour rejoindre les côtes françaises et tout l'enfer dans lequel ils allaient se jeter à bras ouverts.

   Quand il s'agit de courts trajets, il arrive à passer outre cette sensation désagréable.

   À passer outre l'odeur de terre battue mélangée à de la poudre à canon qu'il a l'impression de sentir même quand il enfonce son visage dans les draps fraichement lavés de sa cabine. 

   À passer outre la vague de panique qui monte en lui quand il entend les cris d'enfants jouant joyeusement sur les pontons. 

   À passer outre l'impression d'être coincé au milieu d'un champ de batail immensément bleu, duquel il est impossible de s'extirper vivant.

   Mais lorsqu'il s'agit des longues journées de navigation qui séparent le continent américain de l'ancien monde...

   Il fait encore nuit. Il est seul, adossé à la rambarde du ponton du quai de première classe. Dos à l'océan, il ferme les yeux et essaye d'imaginer le nombre de secondes qui défileraient s'il venait à se laisser glisser en arrière jusqu'à ce que son dos heurte la surface de l'eau.

   Pas plus de trois, c'est certain.

    Un, deux...

   Hier était la dernière soirée passée à bord avant l'arrivée au port de Dublin. Pour l'occasion, un grand dîner a été donné - uniquement aux passagers les plus riches, cela va de soi -, qui s'est accompagné de son lot d'alcools en tout genres. Avant huit heures du matin, Tommy ne pense pas croiser âme qui vive sur le ponton.

   Tant mieux. Il a besoin de calme.

   Il a besoin de silence.

   Un paquebot, c'est comme la guerre. Trop de bruit, tout le temps. Même quand il n'y a pas de bruit, il y a du bruit - les moteurs, les cheminées, les pas des membres de l'équipage s'activant pour faire fonctionner cet écosystème si particulier.

   Sa tête.

   Sa tête aussi fait du bruit. Toujours, encore et encore. Parfois moins - Alma, les enfants -, parfois plus.

   Souvent plus. Depuis bientôt un an, c'est souvent plus.

   Souvent plus toujours -

   Souvent plus toujours de bruit, entre ses deux oreilles, derrière ses yeux, qu'il ne parvient jamais à faire taire. Même l'alcool ne fait pas d'effet - cela fait longtemps que l'alcool ne fait plus d'effet, que...

   Tommy rouvre paupières. Un ciel sans étoiles ; de la fumée s'échappant des cheminées du paquebot.

   Allons, se reprend-il. Il est trop tôt pour se morfondre à tel point sur son propre sort. Ce n'est pas encore l'heure de penser au sens de l'univers, dirait Alma. Pas avant dix-neuf heures, et pas après vingt-deux heures non plus.

   Mais Alma n'est pas ici pour l'en empêcher.

   Parce qu'Alma n'est pas ici tout court.

   Elle est...

   Il se redresse un peu de la rembarde ; glisse une main jusqu'à la poche intérieure de sa veste. Il en sort son portefeuille en cuir usé, à l'intérieur duquel il extirpe un rectangle cartonné.

   Une photographie, prise quelques jours après la naissance de Willie. Alma, à peine assez forte pour rester assise au milieu du grand canapé du salon, tient le nourrisson serré contre elle. Elle ne regarde pas la caméra. À sa gauche sont assis les aînés, Charlie et Isambard, qui ont l'air étonnamment sages pour des enfants de huit et cinq ans forcés à rester immobiles pendant un long moment. À sa droite, Germain, trois ans et, à côté de lui, Thomas, avec le petit Tommo, dix-huit mois, dans les bras.

   Vingt-sept jours qu'il n'a pas vu ses fils.

   Et jeudi prochain, ce seront quatre mois sans Alma.

   Il soupire, puis fait disparaître la photographie à sa place. Ce n'est pas le moment de se perdre dans des souvenirs de...

   Non - Tommy ressort l'image de son portefeuille -, c'est exactement le moment pour cela. Seul, au petit matin, sur un paquebot au milieu de l'océan? C'est exactement le moment d'essayer de deviner ce qu'Alma était en train de regarder quand l'instant a été immortalisé sur une plaque de verre. 

   Exactement le moment de se demander si, au moment où ils étaient tous réunis sur ce canapé, les dés étaient déjà jetés. Si tout était déjà trop tard, si les pots s'étaient déjà brisés.

   Peut-être. Probablement.

   En même temps, après les événements de ces derniers mois - non, de ces dernières années...

   Il cligne un fois des paupières - maudite brise de vent qui lui pique les yeux.

   Une chose après l'autre. Bientôt, il reverra ses garçons, parce que là, rien n'a changé. Rien ne pourra jamais changer - ce sont ses fils, après tout ! Et s'il y a une chose que Thomas Shelby s'est juré, c'est de ne jamais, jamais être un père comme le sien l'a été.

   Alors, sur le ponton de ce paquebot, il se concentre sur les cinq visages de ses enfants.

   Charlie, Isambard, Germain, Tommo et Willie.

   Pour l'instant, c'est tout ce qui compte.

   Une chose à la fois.

   Un malheur à la fois.

* * *

Hello !

Contrairement à ce que je pensais, il y a quand-même encore pas mal de monde qui navigue dans ce coin de wattpad ! Vous m'en voyez évidemment ravie.

J'espère que ce troisième tome vous plaira autant que les précédents ! En toute honnêteté, je ne sais pas encore exactement ce qu'il va s'y passer, mais j'ai confiance en Tommy & Alma pour me dire dans l'oreillette tout ce que j'aurais besoin de savoir.

En ce qui concerne le rythme de publication : pour l'instant, le plus facile pour moi est de partir sur un rythme à la quand-j'ai-un-chapitre-d'écrit-je-le-poste-directement. Dans l'idéal, j'aimerais revenir sur du 2/3 chapitres par semaine, mais ne m'en tenez pas rigueur si cela n'est pas toujours le cas (mais promis, je fais de mon mieux)!

Sur ce, je vous dis à très bientôt !


[TOME 3] Thomas Shelby » Peaky Blinders.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant