3 septembre 1932, 09h10.
Au domicile d'Alfie Solomons, Londres.
- Nah, je n'ai jamais été en Inde. (Alfie Solomons se laisse tomber sur un canapé bas. Quelque chose craque - du bois ou des vieux os?) C'est mon cousin Levi, le grand avec le gros grain de beauté sur le menton, qui m'en envoie de temps en temps. Jolis tapis, ou bien? (Il fait un signe en direction de son invité pour que Tommy prenne place sur un petit fauteuil à sa droite. Ce dernier n'en fait rien.) Tu sais qui est Levi, ou bien?
Thomas Shelby n'en a pas la moindre idée. Mais ce n'est pas grave, car l'intérêt qu'il porte aux tapis qui recouvrent l'intégralité du parquet du salon d'Alfie est extrêmement réduit, pour ne pas dire fichtrement innocent.
(Alma, en revanche, serait ravie de parler tapis - avant de commander celui de leur ancienne chambre, elle s'était rendue chez des dizaines de vendeurs différents ; revenant avec des échantillons de tissus pour ensuite voir lequel se marierait le mieux avec les meubles de la pièce. Au final, elle a opté pour un tapis rouge foncé, joliment orné de broderies dorées. Un beau tapis, en somme.)
- Monsieur Solomons...
- Nah, Tommy, nah - (Il balaye le début de sa phrase d'un geste de la main.) - pas de ça entre nous, ou bien? Après tout ce que nous avons vécu, toi et moi... Nous sommes amis, ou bien?
Étonnamment, Tommy doit réfléchir à la question, ce qui n'est pas un bon signe. Dans l'idéal, il aurait trouvé cette affirmation foncièrement surréaliste - et surtout, fausse -, mais par les temps qui courent...
Serait-ce vraiment la chose la plus improbable au monde que lui, Thomas Shelby, ait des amis?
Peut-être pas. Peut être qu'au final...
- Ta femme me manque terriblement, Thomas. Elle me rend visite dans mes rêves, parfois, et, parfois, quand je me réveille, je suis triste qu'elle ne soit pas réellement là.
.... non. Ils ne sont définitivement pas amis.
- Alfie, reprend-il en gardant son calme. Je suis venu ici pour te dire que j'ai rempli ma part du marché, donc si tu voudrais bien être aussi gentil que de -
- Ferme la fenêtre, veux-tu?
Alfie resserre le châle qu'il a enveloppé autour de ses épaules contre lui, d'une manière qui lui donne au moins dix ans de plus que les... que le nombre d'années qu'il a réellement.
(Quel âge a Alfie Solomons? Quand a-t-il anniversaire? Tommy n'en a pas la moindre idée. Si ça, ce n'est pas la preuve suffisante que non, ils ne sont pas amis !).
Parce qu'il est pressé d'en finir avec cette conversation qui n'avance pas - (et certainement pas parce qu'il veut rendre service à un ami, puisqu'ils ne sont pas amis) -, Tommy se dirige vers les deux grandes portes vitrées qui donnent sur un petit balcon derrière le canapé. Les légers rideaux blancs volent au vent et il doit les replier soigneusement sur eux-mêmes avant de pouvoir baisser la poignée de la vitre.
Une fois sa mission réalisée, il retourne à sa place d'origine, debout à quelques mètres de celui qui revêt définitivement davantage les habits d'un geôlier que ceux d'un ami.
Tommy s'apprête à relancer le véritable sujet de sa venue, mais Alfie s'est visiblement lui-même lassé de son petit jeu.
- Des petits oiseaux m'ont dit que tout s'était bien passé à New York. (Il hoche vigoureusement la tête.) Je n'en doutais pas un instant - je leur ai dit : « je n'en doutais pas un instant, que tout allait bien se passer, parce que mon gars, mon Tommy Shelby, c'est quelqu'un de sérieux. Demandez quelque chose à Tommy Shelby, payez-le gracieusement et voyez comment il les fait bien, les choses qu'on lui demande de faire ! ».
- Vous m'en voyez ravi, monsieur Solomons.
- Vraiment? (Alfie se penche un peu en avant en plissant les yeux au travers de ses petites lunettes rondes.) C'est la tête que tu fais quand tu es ravi, ça? Tu sais, la plupart des gens ont cette chose assez sympathique, qui consisté à ce que les coins de leurs lèvres se soulèvent quand quelque chose de positif se produit - (Il pointe ses deux index en direction de sa bouche pour offrir à Tommy un exemple grandeur nature du phénomène décrit.) - un peu comme ça, tu vois? Et parfois, quand les gens sont vraiment, vraiment contents, ils...
- Ai-je ta parole, Alfie? le coupe Tommy en haussant le ton.
Alfie baisse d'abord ses index avant que les traits de son visage ne fassent de même. Il marmonne quelques paroles inintelligibles dans une barbe qui mériterait bien un peu d'entretien - Tommy croit discerner de la confiture ou quelque chose de similaire sur son visage - tout en soupirant, pour ne pas troubler les bonnes vieilles habitudes, à la manière d'un enfant.
- D'accord, d'accord, finit-il par articuler sans le regarder. Puisque tu as été un bon ami et que tu t'es occupé de mes affaires américaines, je vais m'occuper de tes affaires allemandes gratuitement.
- Tu n'es pas en train de me faire une faveur, Alfie. Tu t'apprêtes à t'acquitter de ta dette.
Un énième soupire interminable.
- D'accord, d'accord, répète Alfie.
- Ai-je ta parole? insiste-t-il.
- Tu as ma parole, oui. Je te promets que je vais m'acquitter de ta dette. Je te promets que je vais kidnapper ta femme, dans une série d'événements de ma création où, comme nous l'avions prévu, elle ne perdra pas le moindre cheveu.
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[TOME 3] Thomas Shelby » Peaky Blinders.
Fanfiction[ Ceci est la suite de la suite de l'histoire "Thomas Shelby » Peaky Blinders", il est nécessaire d'avoir lu les deux premiers tomes avant de commencer celui-ci! ] Deux ans plus tard... [ Fin du résumé ]