Chapitre 3 : L'inquiétude grandit

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  Trois mois déjà que Charlotte avait commencé son nouveau travail aux côtés de sa meilleure amie Margaux. L'automne s'était timidement installé, peinant à chasser les fortes chaleurs de l'été caniculaire qu'ils venaient de traverser.

   Si Charlotte avait accepté de revoir Gabriel, de passer du temps avec lui, leur relation amoureuse n'était pourtant toujours pas d'actualité. Au grand désespoir de Margaux. Les deux jeunes adultes flirtaient, partageaient du bon temps ensemble, mais rien de plus. Une frontière invisible les séparait encore.

— Même pas un coup d'un soir de temps en temps ?! s'exclama tout haut Margaux qui venait de découvrir l'abstinence sexuelle de sa meilleure amie.

—Chuuuuut ! ordonna Charlotte soudain écarlate de voir tous les regards des passagers du bus se tourner vers elles. Tais-toi un peu !

— Oh ça va, c'est rien. Faut arrêter avec les tabous. Même pas un petit plan cul un peu régulier ?

— Non, rien.

— Misère de misère. Tant d'années à se battre pour la liberté des femmes pour être encore coincée du vagin en 2025. Il est beau le progrès.

— Je suis libre de ne pas avoir de relations sexuelles si j'en ai envie. Et arrête de parler de ça dans le bus, ça me gêne.

— Profite ! l'ignora Margaux. Enchaîne les conquêtes ! Surtout, n'oublie pas de te protéger. Mais envoie-toi en l'air ! Vis ! Expérimente l'orgasme ! Prends-toi des shots d'ocytocine !

   Le bus s'arrêta pour faire descendre des passagers. Un homme en jogging, installé près des deux amies, quitta le véhicule sans oublier de lâcher un discret mais audible « Salope » à l'attention de Margaux. La réponse ne se fit pas attendre :

— Je préfère ça qu'être mal-baisée ! hurla la jeune femme avant que les portes ne se referment.

   À côté, Charlotte aurait préféré se liquéfier plutôt que de rester dans ce bus.

— Il croit quoi lui ? continua de s'énerver Margaux. Il pense que sa mère était une prude ? L'immaculée conception peut-être ? Si ça se trouve, elle partouze dans tous les sens tous les week-ends ! Non mais.

— C'est bon Margaux, tenta la petite voix de Charlotte. Il est parti, tu peux te calmer.

   Margaux continua de ruminer quelques minutes encore, avant que le silence ne s'installe entre les deux amies. Quelques arrêts avant le leur, une conversation qui avait lieu derrière elles happa leur attention.

— Ils se rapprochent de la frontière française, dit un vieil homme le nez dans son journal. Ça sent pas bon. Pas bon du tout.

— Ne soit pas si défaitiste, lui répondit une personne qui semblait être sa femme. Je suis sûre qu'ils ne la passeront pas.

— Ils ont quand même envoyé des troupes au niveau du Rhin à ce qu'il paraît, s'invita un autre homme dans la conversation.

— Peuh ! lâcha le vieux. Si ils pensent que c'est ce qui va les arrêter. Laissez-moi rire.

— Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle, trancha sa femme. C'est dramatique ce qu'il se passe chez nos voisins.

— Évidemment que c'est dramatique ! renchérit le vieillard. Et on ne pourra pas compter sur nos amis belges, ils sont déjà tombés.

— Pure propagande, commença à s'énerver l'homme. Ils veulent nous faire peur, et ça semble réussir. Il ne faut pas se laisser distraire par ces mensonges.

— Si j'étais vous, insista le lecteur, je me carapaterais le plus loin possible. Bientôt, vous serez enrôlé.

   C'est sur ces mots inquiétants que Charlotte et Margaux descendirent du bus. La timide jeune femme était passée du rouge coquelicot de la honte, au blanc livide de la peur.

— Tu crois qu'on va vraiment entrer en guerre ? s'inquiéta-t-elle auprès de son amie.

— Je ne sais pas, lui répondit Margaux avec un soupçon de préoccupation dans la voix qui fit croître l'anxiété de Charlotte. Nos politiques se veulent rassurants, il n'y a pas de raison d'avoir peur.

   Pourtant, elle n'avait pas réussi à adopter un ton convaincu. Il se passait quelque chose autour d'elles qui leur échappait autant qu'il les effrayait.

Le Renard et la LapineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant