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XIII

Cry- Cigarette After Sex

Bientôt une semaine s'était écoulée, lourde et oppressante, après le second tour des élections législatives. Gabriel, malgré la fatigue qui s'accumulait, se sentait un brin de bonheur lorsqu'il se retrouvait dans les bras de celui qu'il pensait connaître intimement. Pourtant, au fond de lui, une ombre persistante lui rappelait que tout cela n'était peut-être qu'une illusion, une façade comme tant d'autres.

La journée, elle, semblait interminable. Le travail se prolongeait au-delà du raisonnable, des piles de dossiers et de rapports s'accumulaient sur le bureau encombré de l'ex-Premier ministre. Les feuilles de papier, éparpillées, semblaient envahir chaque centimètre de l'espace. Il était bientôt temps pour lui de céder sa place, de passer le relais au nouveau Front populaire qui se préparait à gouverner. Et pourtant, il ne ressentait aucune satisfaction. Rien ne l'animait réellement. Plus de motivation, juste une inertie qui pesait sur ses épaules. La seule chose qui le poussait à se lever chaque matin, c'était Jordan.

À 21h30, épuisé et au bord de la rupture, Gabriel décida de faire une pause. La quantité de travail qui l'attendait ne cessait de croître, mais il ne pouvait plus continuer ainsi. Il attrapa sa cigarette électronique et son téléphone, puis sortit de son bureau pour prendre l'air dans la vaste cour de l'hôtel de Matignon, accompagné de deux gardes du corps. L'air frais de la soirée automnale le frappa, et il pensa qu'envoyer un message à la seule personne capable de le réconforter serait une bonne idée. Ses mains, tremblantes, saisirent son téléphone qu'il déverrouilla avec une lassitude profonde.

Soudain, son visage se figea. Une larme, discrète mais lourde de sens, coula lentement sur sa joue. Thomas, l'un des gardes du corps, le remarqua aussitôt, son regard se faisant plus inquiet.

« Monsieur Attal, tout va bien ? » demanda-t-il d'une voix douce, empreinte de respect et de préoccupation.

Gabriel, incapable de répondre, laissa tomber son téléphone. Le bruit sourd de l'appareil frappant le sol résonna dans la cour silencieuse comme un coup de feu qui venait de toucher son cœur en plein centre. Il resta immobile, pétrifié, l'esprit en déroute, le corps figé.

Thomas, confus, ramassa rapidement le téléphone de son supérieur. Rien sur l'écran ne semblait justifier un tel choc. Il fronça les sourcils, puis lança d'une voix plus ferme, mais toujours inquiète :

« Monsieur Attal ? »

Gabriel ne répondit pas, mais une nouvelle larme suivit la première, puis une autre, jusqu'à ce qu'elles déferlent silencieusement sur son visage. Son souffle se fit court, irrégulier, presque étouffé. Ce silence, cette douleur sourde, se mélangeaient à l'obscurité naissante de la cour.

« Comment est-ce possible ?... » murmura-t-il d'une voix tremblante, à peine audible.

« De quoi parlez-vous, monsieur ? » insista Thomas, son regard se faisant plus sérieux.

Le silence retomba, pesant, alors que la fraîcheur de la soirée devenait plus intense. Gabriel, l'air hagard, semblait lutter pour comprendre ce qu'il venait de découvrir. Ses lèvres tremblaient, ses yeux remplis d'une incompréhension absolue, jusqu'à ce que, dans un élan de désespoir incontrôlable, il hurle :

« Putain de merde ! »

Le cri résonna dans toute la cour, brisant la tranquillité de la nuit. Thomas et l'autre garde du corps échangèrent un regard plein de confusion et d'inquiétude.

« Monsieur, que se passe-t-il ? » reprit Thomas, son ton maintenant plus ferme.

« Foutez-moi le camp ! » lança Gabriel d'une voix rauque, l'énervement prenant le pas sur la douleur.

Loin des yeux, près du cœur.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant