Chapitre 6 - Theo

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— J'ai faim.

Ma remarque fait rouler les yeux de Patrizia.

— Tu as tout le temps faim, mec.

— Eh ben là, encore plus que d'habitude.

James arrive de derrière nous et m'envoie une bourrade en commentant :

— Avoir faim, ce n'est pas l'état standard du nageur, de toute façon ?

Je n'ai même pas besoin de renchérir : mon ventre le fait à ma place, laissant échapper un grondement peu grâcieux.

— AH ! je m'exclame. Vous voyez ?

— On a entendu, surtout, soupire Pat'.

— C'est juste le temps qu'on se réhabitue au rythme des entraînements, suggère Caliban. On va reprendre le coup, l'été nous a fait du mal.

C'est sûr qu'avec nos onze séances par semaine, notre dépense énergique crève les plafonds... Il est 18h30, et en ce mercredi soir, nous avons deux heures de nage intensive dans les pattes, sans compter les deux supplémentaires dédiées à la distance de ce matin.

Un tel régime suffit à transformer n'importe qui en ogre.

— Vous voulez qu'on aille manger tous ensemble ? propose James alors que nous quittons le hall de la piscine. Selena m'attend à la cafétaria, tous ceux qui voudront se joindre à nous sont les bienvenus.

— Désolé, je vais passer mon tour, lâche Caliban. Je vais manger à mon bureau, plutôt. Je vais voir Arabella à Harvard ce week-end, du coup je voudrais m'avancer un max sur mon boulot pour avoir l'esprit tranquille quand je serai avec elle.

— Moi, je suis chaude, déclare Patrizia.

Elle se retourne et interpelle Ernest, Anton et Abigail, juste derrière nous :

— Motivés pour un plan dîner ?

Si Anton et Abbie acquiescent avec enthousiasme, Ernest secoue la tête.

— Nope, j'ai déjà un truc. Il faut que je file, d'ailleurs, je vais être en retard.

Il presse le pas, avec un air un peu trop innocent pour être honnête. Il n'en faut pas moins pour activer mon radar à potins. Dans son dos, je lance :

— Par un truc... Tu veux dire un date ?

Il se contente de pivoter sur lui-même, lever les bras comme pour me narguer, un grand sourire sur les lèvres, avant de faire de nouveau volte-face et s'éloigner à grandes enjambées. Ce n'est pas la première fois depuis la rentrée qu'il file sitôt l'entraînement terminé. Ça, plus ses insinuations concernant le fait qu'il ne serait plus célibataire, juste avant les vacances, suffisent à ce que j'en sois certain : il va retrouver quelqu'un, c'est clair.

Évidemment, ça me frustre qu'il ne nous en dise pas plus...

Fixant son dos, je questionne les autres :

— L'un de vous sait quoi que ce soit ? Quand même, je ne peux pas être le seul à remarquer qu'il se comporte différemment ces temps-ci !

Mais qu'ils n'aient aucune info ou qu'ils ne souhaitent pas les partager, aucun ne me répond. Anton paraît aussi songeur que moi, Caliban fronce les sourcils, circonspect. Il n'y a que Neal, qui a profité du temps mort pour nous rattraper, qui semble complètement détaché de la situation – mais à mon avis, c'est juste parce qu'il est en train de réviser une énième liste de vocabulaire sur son portable.

— S'il a quelque chose à nous dire, il le fera en temps voulu, cingle Patrizia, acide.

— Oh, allez, ne fais pas ta rabat-joie, je lui renvoie. C'est juste que je m'intéresse à sa vie, c'est tout.

My Sweet SparkleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant