Chapitre 8 - Theo

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Il y a un endroit sur le campus qui est clairement celui que je préfère, et ce n'est pas la piscine – j'y ai passé plein de bons moments, mais soyons honnêtes, le bâtiment lui-même n'est qu'un rectangle de béton sans charme. Non : c'est le parc Ives, et sa scène de concert. Celle-ci a la particularité d'être installée au bord d'un petit lac, sous un toit de tuiles octogonal qui la fait ressembler à une charmante petite maisonnette. En guise de gradins, il y a une étendue d'herbe qui descend en pente, encadrée par les arbres de la réserve de Westside. C'est original, mignon, et cela offre un cadre parfait pour les divers groupes de musique qui viennent se produire ici. Cela reste une petite scène : le plus souvent, ce sont juste des artistes du coin, ou même de l'université elle-même – il ne faut pas s'attendre à voir débarquer Taylor Swift ou Coldplay. Il n'empêche que je trouve vraiment cool que la WestConn propose cette infrastructure : au cours des deux dernières années, je suis plusieurs fois venu ici pour un concert, et ça a toujours été de bons moments.

Celui de csoir n'a pas encore commencé, mais je le sens déjà bien. Terry, qui faisait partie des seniors chez les Dolphins quand j'étais en première année, a monté un groupe avec des potes à lui à la sortie de la fac : Whale Deserved. Ils ont bossé à fond pour soigner leurs reprises, ont même écrit quelques petites compos persos – le résultat a de la gueule, maintenant. Ils se produisent ce soir, en première partie des Icebreakers, un trio avec un peu plus d'expérience. Du coup, toute l'équipe est au rendez-vous pour le soutenir, d'autant que d'autres anciens ont fait le déplacement pour être dans le public : Edwin et Oliver, Austin et Vaughn qui ont obtenu leur diplôme au printemps dernier, Jana... Je suis vraiment content de les revoir.

Et puis, au-delà de ça, j'aime la musique, de toute façon. Passer mon samedi soir de cette manière, ça me va très bien.

Abigail, toujours aussi prévenante, s'est proposée de ramener plusieurs plaids pour le groupe, histoire qu'on puisse s'installer confortablement dans l'herbe : elle est en train de les installer avec Lexie et Patrizia. De mon côté, taquin, je passe un bras autour de l'épaule de Caliban pour le charrier.

— Et alors, quand est-ce qu'on te voit sur cette scène avec ton violon, toi ?

— C'est une question sérieuse, ou tu cherches encore une manière de bizuter les nouveaux Dolphins ? me renvoie-t-il.

— Ça dépend. Ernest n'a pas l'air de trop se plaindre depuis que vous vous êtes installés en coloc, donc je suppose que tu progresses.

— Je confirme, Cal' s'en sort vraiment pas mal, maintenant, intervient l'intéressé. James prétendait que mes oreilles souffriraient le martyre, mais c'est plutôt sympa, en fait.

— OK, donc option vrai concert, j'appuie. Il faut absolument que tu en donnes un ici avant qu'on quitte la fac, ce serait génial ! Tu as encore presque deux ans pour te préparer, c'est large.

Il fronce les sourcils, semblant considérer l'idée... avant de déclarer :

— Très bien, je relève le challenge. Mais j'espère que vous ne vous défilerez pas le jour J, je compte sur vous dans le public !

— Bien sûr, pour qui tu nous prends ? On s'occupera même de rameuter tout le campus, t'inquiète.

— Hé, un petit sourire ?

Cal', Ernest et moi nous tournons en direction du mec qui vient de nous interpeller, un appareil photo entre les mains. Je le connais de vue : il appartient à WestConnexions, le club journalisme de l'université, qui se charge de couvrir les événements comme celui-là pour nourrir les médias qu'il anime. Nous prenons la pose devant son objectif avec plaisir, les pouces levés. Il nous remercie, nous informe que toutes les photos seront postées dans le courant de la semaine sur le compte Instagram du club, puis poursuit son chemin pour passer au groupe suivant. Quant à mes coéquipiers et moi, nous nous asseyons sur les plaids que les filles ont fini d'étendre, alors que sur scène, le batteur de Whale Deserved attire soudain l'attention générale d'un roulement de sa grosse caisse. Terry enchaîne par une série d'accords énergiques à la guitare, puis le chanteur bondit devant son micro en s'écriant :

My Sweet SparkleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant