Chapitre 2: Garde spéciale - Partie 1

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Chapitre 2 :

Mon appartement – 2h

Ces images tournent en boucle dans ma tête : lui, qui s'acharne sur son adversaire, le sang qui coule de son visage rempli de haine. J'ai cru que sa mâchoire allait se rompre tellement elle était contractée. Et puis, ses yeux posés sur moi. Je revois la couleur violacée de son œil due au coup de poing qu'il a reçu dans la cage. C'était comme si le temps s'était arrêté de tourner pendant quelques secondes. Rien que d'y penser, mon cœur bat bizarrement. Il est 2 h et il faut que je dorme. Demain, je dois aller faire des courses pour la semaine et je n'aurai pas le temps de le faire à un autre moment. Je dois aussi envoyer des CV sur Indeed pour me trouver un petit travail à côté de mon stage ; l'argent ne coule pas à flots et je ne veux pas avoir à retourner chez mes parents. Ils habitent dans un petit pavillon à l'autre bout de la ville. Je ne suis pas à plaindre : je suis fille unique et j'ai ma propre chambre, mais l'idée de retourner là-bas après avoir connu l'indépendance ne m'enchante pas vraiment. Ma mère m'en a un peu voulu de partir si vite du cocon familial, elle a toujours été mère au foyer et a, en quelque sorte, dévoué sa vie à notre famille. Alors, mon départ a été quelque peu compliqué pour elle. Mon père l'a plutôt bien vécu. Il m'a aidé à aménager mon appartement, qui était complètement vide à mon installation. Il y avait juste une douche et des toilettes. On a dû y installer une cuisine, une porte de douche, et des meubles pour y vivre. C'est une bonne chose, comme ça j'ai pu le décorer et l'aménager à mon goût.
Je ne peux m'empêcher de repenser à la façon dont il s'est foutu de ma gueule : « bouh ». Il a cru que j'avais peur de lui ou quoi ? Vu mon corps crispé, je pense qu'il s'en est douté. Mais je n'ai pas peur de lui, il m'intrigue, c'est tout. Je ne sais même pas pourquoi je me sens obligée de me justifier. Et puis pourquoi je repense à ça ? C'était un combat et je n'ai pas aimé l'expérience, c'est tout.
Le sommeil me prit quelques instants plus tard.

Mon appartement – 13h

Les sacs de courses tombèrent comme une bombe sur le parquet de mon appartement. Les 4 étages sans ascenseur à monter après les courses sont durs. Je revois ma mère me dire : « Tu es sûre que celui-là te va ? 4 étages sans ascenseur, c'est beaucoup quand même, tu ne crois pas ? Tu vas galérer quand tu devras monter tes courses avec les packs d'eau. » J'étais tellement impatiente à l'idée d'habiter seule et de commencer mes études d'infirmière que j'ai sauté sur le premier appartement que j'ai visité. Quelle conne je fais, je le regrette amèrement chaque semaine. Je reprenais les sacs pour les apporter à la cuisine quand mon téléphone sonna. C'était Ema.

— Allô ? T'as fini ta garde ? répondis-je à Ema.

— Oui, j'en peux plus, je suis morte. J'ai été en réa toute la semaine, c'était sport. Je peux passer te voir vite fait avant ta garde ?

Ema passait plus de temps chez moi que dans son appartement, je lui ai même proposé de partager un appartement à deux et de diviser le loyer. Mais elle veut pouvoir « ramener des mecs quand ça lui chante », donc ça ne s'est jamais fait.

— Oui, viens. Je pars dans 2 h par contre, j'ai mon planning de la semaine à signer, donc je dois partir plus tôt, lui confiai-je, essoufflée à essayer de porter les sacs de courses et le téléphone entre mon oreille et mon épaule sans rien faire tomber.

Ema habitait à 5 minutes en voiture de mon appartement et avait un double des clés. Ça m'évitait de descendre et remonter pour lui ouvrir la porte de l'immeuble ; car oui, il n'y avait pas d'interphone. La copropriété a décidé de l'enlever, car il y avait trop de démarchage publicitaire apparemment. J'ai été la seule de l'immeuble à voter contre et je me suis fait engueuler par tous mes voisins : « Tu t'en fous, toi, t'es jamais là ! ». Maintenant, ils me détestent tous à cause de ça.
Ema et moi passâmes l'heure qui suivit à parler de notre boulot : quand on est dans le domaine de la santé, le travail c'est le centre de notre vie. Puis vint le sujet de la soirée de la dernière fois.

ELDEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant