𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝟷 : 𝙰𝚛𝚒𝚊

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🎵 Fleurie - Breath🎵

Les maillons de métal froid mordent ma peau comme des serpents venimeux. Le métal est si froid qu'il me brûle. Assise sur le sol de pierre, je replie mes genoux contre moi, cherchant un semblant de chaleur.

Je n'ose pas lever les yeux.

Pourquoi le ferais-je ? Je connais déjà ma prison :

une pièce exiguë, sans fenêtre, sans lumière, sans âme.

Le silence ici n'est jamais vraiment complet. Il y a toujours ce léger bourdonnement, un souffle distant qui semble errer dans les murs. C'est peut-être juste le néant qui respire...

Des pas résonnent soudain, lourds, mesurés, brisant le silence. Ils ne se pressent pas. Ils n'ont pas besoin de se presser. Je suis là, à attendre, comme toujours.

Mon corps se raidit malgré moi, et mes mains se referment sur le sol, grattant machinalement la pierre rugueuse sous mes doigts. La seule certitude à cet instant est que je vais quitter cette pièce. Mais pour aller où ?

La porte grince en s'ouvrant, un cri de métal qui résonne jusqu'au fond de ma tête. D'instinct, je lève un peu la tête, juste assez pour voir à travers les mèches emmêlées de mes cheveux. L'air devient plus lourd, chargé d'une menace silencieuse. Ils sont là.

Ils. Combien ? Je n'en ai aucune idée. Leurs silhouettes sont floues. Leurs visages sont toujours cachés, dissimulés derrière ces cagoules. Leur anonymat est si bien préservé que je doute qu'ils connaissent leur véritable identité entre eux.

Une part de moi refuse de chercher à savoir qui ils sont, mais une autre brûle de curiosité, un désir morbide de connaître les monstres qui me tiennent ici.

Puis, je les sens, leurs mains.

Alors que l'un d'entre eux détache les chaînes de mes poignets, deux autres maintiennent fermement mes bras.

Trop fermement.

Je souhaite me débattre, fuir, et même vomir. Mais, il y a une différence entre le vouloir et le pouvoir. Quand bien même si j'avais la capacité de m'échapper, leur nombre est tel qu'ils me rejoindraient avant que j'aie eu le temps de voir la lumière.

Je sais... Vous devez certainement vous demander qui sont ces « ils ».

J'ai eu cette même interrogation pendant de longues semaines après ma capture. Toutefois, ils se font appeler :

Les maîtres de l'ombre.

Mon corps se fait soulever du sol sans effort, et la douleur explose. Un gémissement m'échappe, mais je le mords aussitôt, refusant de leur donner cette satisfaction. Leurs gestes sont précis, mécaniques, sans la moindre empathie. Ils ne parlent pas. Ils ne parlent jamais.

Leur mutisme n'est pas une simple absence de mots. C'est une loi. Un ordre invisible qu'ils suivent avec la précision d'un mécanisme bien huilé. Je pourrais être une chose pour eux, un objet à déplacer d'un point A à un point B. peut-être est-ce mieux ainsi. Ils sont des pantins, après tout, de simples exécutants d'une volonté plus grande. Une volonté qui reste dans l'ombre. Une volonté que je redoute plus que tout.

Je suis tirée à travers le couloir. Mes pieds suivent à peine la cadence alors, ils glissent contre le béton créant un frottement abrasif qui me fait encore plus mal.

Le couloir semble interminable, un tunnel où le temps s'étire et se tord. Chaque pas est une éternité. Je ne sais pas ce qui m'attend, et peut-être que je ne veux pas savoir en vérité.

Soudain, l'un des hommes s'arrête. Le mouvement est si brusque que mes pieds se heurtent durement contre le sol. Je ne bouge plus, le souffle coupé. La seule chose que je perçois, c'est le silence. Encore.

Puis, sans préavis, les deux maîtres de l'ombre qui me maintiennent par les bras me projettent violemment en avant. Mon corps vole quelques instants avant de s'écraser lourdement contre le sol. Le souffle coupé, le choc est brutal. Le sol de béton m'accueille, et la douleur se diffuse instantanément à travers chaque os, chaque muscle. La porte claque derrière moi dans un grondement sourd.

Je reste immobile un instant, sonnée, les paumes plaquées contre la pierre glacée. Mes genoux ont cédé sous l'impact, et une brûlure lancinante pulse dans mes articulations. Mon souffle est court, haché, chaque inspiration me coûte. L'air ici est lourd, chargé de poussière et d'une odeur âcre de moisissure. Il me brûle la gorge.

La lumière est faible, elle s'infiltre par des fenêtres crasseuses, jetant des rayons blafards sur le sol. Après des jours passés dans l'obscurité absolue, cette lueur me frappe avec la violence d'un coup de poing. Je cligne des yeux, éblouie, le crâne battant de douleur. La pièce se déforme autour de moi, floue, irréelle.

Je respire, une fois, deux fois, cherchant désespérément à rassembler mes forces. Mon corps est en alerte. Mes mains tremblent, mais je les pose à plat contre le sol pour essayer de me relever. Rien ne répond.

Le silence est pesant, total. Pourtant, mes sens sont en ébullition. Chaque bruit me semble amplifié : le crissement léger du vent à travers une fissure, les craquements de la structure, même le battement de mon propre cœur résonne dans ma tête. 

Mon corps tout entier est prêt à réagir, mais l'instinct me murmure que cela ne servirait à rien. Où fuir ? Où me cacher ? Il n'y a rien ici.

Je me recroqueville, ramenant mes genoux contre ma poitrine, mes bras enroulés autour de moi. Le froid m'envahit, mais c'est autre chose qui menace de m'engloutir. La peur ou la colère, peu importe. 

Une partie de moi hurle de céder, de laisser ces ténèbres m'avaler, de mettre fin à cette lutte inutile. Mais une autre partie, infime, lutte encore. Une étincelle. La détermination, la rage, le refus de disparaître sans un combat.

Je ne suis pas encore morte. Et tant que je respire, aussi péniblement soit-il, cette flamme continue de brûler. Faiblement, peut-être. Mais elle est là.

Je serre les poings, mes ongles s'enfonçant dans la peau. Je ne vais pas m'effondrer. Pas ici, pas maintenant. L'ombre peut me cerner, le danger peut rôder, mais je suis encore debout. Je vais survivre.

Des voix autour de moi s'élèvent, des pleurs étouffés, des soupirs désespérés. Je tente de bouger, mais mon corps me trahit. Je suis faible, épuisée. 

Je ne sais pas encore où je suis, mais tout ici respire la désolation. Mes yeux s'ouvrent à peine, mes muscles protestent à chaque tentative de mouvement. Tout est flou, sauf une chose : je ne suis pas seule.

Des silhouettes à peine visibles s'agitent autour de moi, certaines immobiles, d'autres courbées, vaincues. Personne ne parle à haute voix, seuls des murmures étouffés flottent dans l'air. Un bruit sec. Des pas. Je me fige instinctivement. Quelqu'un s'approche, et je le sens avant de le voir.

— T'es encore vivante ou tu fais semblant ? fait une voix à ma droite, basse, mais coupante.

Je tourne la tête, doucement. Une silhouette se découpe à contre-jour, les mains sur les hanches. Elle.

Elle s'accroupit devant moi, sans hésiter. Ses doigts glissent sous mon bras, m'attrapant avec une précision qui trahit l'habitude. Un léger sourire au coin de ses lèvres, ses yeux brillent d'un mélange de défi et de calme.

— Allez, debout.

Pas de chichis, pas de pitié dans sa voix. Juste cette fermeté familière. Je grimace, mais je m'accroche à elle. Elle me soulève comme si c'était un réflexe, sans attendre que je demande de l'aide. Le monde autour de moi tangue un instant, mais je tiens debout, grâce à elle.

Elle me jette un coup d'œil, évaluant rapidement mon état, puis me tire doucement vers les bancs où d'autres femmes sont assises, silencieuses.

— Fais gaffe où tu mets les pieds, murmure-t-elle, comme si c'était une simple recommandation, comme si l'on n'était pas dans ce... ce cauchemar.

Je ne dis rien. Mes jambes tremblent, mais je marche. Pas par choix, par nécessité.    

The Devil's Embrace (Réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant